"Love is when the soul starts to sing and the flowers of your life bloom on their own." (« L’amour, c’est quand l’âme se met à chanter et que les fleurs de ta vie s’ouvrent toutes seules »).
Tagore
« Béni sois-Tu, mon Eternel, qui m’as enveloppée de Ton amour
Béni sois-Tu, Roi de mon univers, qui as illuminé ma vie
Toi et moi, réunis, selon Sa volonté,
Entends ma prière,
Reviens ! » Karine Tuil (KADDISH POUR UN AMOUR)
C’était écrit.
Par deux fois, le Destin décida de notre Rencontre. Nous n’avions que vingt ans mais mon cœur t’attendait depuis longtemps sans savoir à qui tu ressemblerais. Je rencontrai d’abord de pâles copies de ton image douce. Je les oubliai. Pareille à la Pythie de Delphes aux montagnes bleues, inspirée par le dieu, je savais que par la Poésie se rejoindraient nos pensées. Je Te découvris artiste dans l’âme. Je tombai follement, imprudemment, amoureuse de ton être, je venais de naître au sens du monde. Je sus que ce serait jusqu’à la fin des temps, aussi longtemps que le soleil de notre galaxie éclairera la Terre. J’oubliais que toujours l’ombre de la nuit vient obscurcir le jour.
Tu avais l’élégance de l’Hermès de Praxitèle, que j’admirai plus tard, tu avais la douceur, la tendresse, la jeunesse de Tristan, de Pelléas. Je rêvais de pouvoir t’offrir la beauté d’Yseult, de Mélisande aux longs cheveux, de devenir fée au chevet de tes éveils. Je célébrai alors ta vie et cet amour, le nôtre, faisant guirlande des plus jolis mots de ma langue, des plus jolis mots de Ta langue, qui devint aussi la mienne. En ces ultimes jours de ma vie, je les célèbre encore, même si ton amour pour moi a disparu au gouffre du Temps qui anéantit chaque chose comme il étouffe les roses.
Par deux fois, le Destin forgea le fer de notre séparation, la Mort n'ayant eu cette chance. Ce n’était que façon de me rappeler, par ton absence, ton silence, absolus, que l’Amour enseigne l’unique leçon de l’existence. Fragile, volatil, l’Amour sublime demeure la seule étoile pour nous guider dans la nuit noire, le seul fanal dans le brouillard, le seul espoir dans le chaos du monde, la seule réponse à nos ancestrales questions, le seul dieu au Temple du Sens. L’absence et le silence ne sont rien, l’Aimé peut partir, il ne peut effacer le passé et ne quitte pas la pensée de l’Amante. A son insu, il y vit, il y respire, il y sourit, il y chante, il y danse, il y rayonne, héros de la légende inédite qui engendre les mythes séculaires, inoubliables.
Même enlaidis par l’âge, la déchéance, le Destin change ceux qui se sont aimés longtemps en nouveaux Philémon et Baucis, ces bons vieillards chantés par Ovide, et les métamorphose en gardiens du Temple. Et quand l’échéance de leur vie terrestre sera atteinte, si les corps des amants soudain désunis ne dorment pas au même lit de pierre, leurs âmes voyageront ensemble, loin de la tombe, à travers les millénaires, inséparables colombes. Et l’on entendra leur souffle subtil dans la parole des poètes, et leurs murmures dans l’eau vive des ruisseaux qui serpentent joyeusement jusqu’à la mer.
Tu m’as arrachée de ta vie, pour un songe qu’un jour tu découvriras mensonge. Mais on ne lutte pas contre le Destin. Il était écrit que je souffrirais par Toi, que je pleurerais pour Toi, que peut-être je mourrais par Toi, mais il en jaillit des psaumes dédiés à notre Rencontre, à cet amour qui fut nôtre, au charme éphémère de ton être, à la splendeur de l’Univers. Tout est bien, j’aurai dit la détresse humaine, la désespérance et l’espérance, j’aurai écrit la brève éphéméride de nos vies et dispersé aux vents sauvages de l’avenir ces pages jaunies et tendres, que l’incendie des guerres et de la haine réduira peut-être en cendres.
24 janvier 2023 Aimée Saint-Laurent © Chants des noces