« ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel » Saint-Paul
Toi
Tout au bout de ma rue
Il y a la ville aux mille merveilles
Qui s’est donnée au soleil
La mer apporte au mariage
Ses navires, ses voyages
Une chanson me vient aux lèvres
Car le vent a posé
La fleur de ton baiser
Sur mon front brûlant de la fièvre
Et du rêve de toi dont la ville m’est apparue.
30 Juillet 1974 Aimée Saint-Laurent © (Epithalames)
Inlassablement, indéfiniment… (à Paul, pour ses 72 ans)
Inlassablement, indéfiniment, la mer roulait ses galets sur la plage, pour notre enchantement, pour inscrire en ta mémoire, en ma mémoire, nos beaux instants de partage dans ta ville, sous le soleil, la pluie, la grêle ou le vent, nos cœurs battant d’un même amour, nos yeux rivés sur le même horizon, brève et douce illusion. Nous croyions en l’éternité de notre jeunesse, en l’éternité de notre lien, en l’éternité du monde, pourtant nous savions. Pour moi, il n’y a plus rien à croire, sinon que tout était factice.
J’aimais poser ma tête sur ton épaule. Près de toi, il me semblait que rien ne pouvait m’arriver, tu étais mon seul rempart contre l’atrocité du monde au-delà. Pour moi, cet amour brillait comme la plus belle étoile dans la nuit de notre fugace passage ici-bas, tandis qu’aux mains du diable, depuis l’aube des temps, l’humanité continuait de se livrer à la barbarie. L’astre n’était qu’étoile filante. Pour moi, ton être était l’Unique, l’homme idéal, celui que je n’ai rencontré nulle part ailleurs sinon là où tu étais, le seul que je pouvais aimer. Aujourd’hui, le barbare, c’est toi ; tu es devenu la proie du diable.
J’ai traversé le monde de l’Afrique aux Amériques, du Caire au Cap de Bonne Espérance, de Toronto à Rio de Janeiro, de la Russie à l’Andalousie, de Varsovie à Mascate, d’Edimbourg à Christchurch, de Saint-Pétersbourg à Shangaï, de Londres à New-York, de Rangoon à Mindelo, de Windhoek à Jodhpur. Nulle part je n’ai croisé ton pareil. Partout, ton image incrustée au plus profond de mon cœur, ta présence me manquait, partout je cherchais ta silhouette, partout j’entrais dans les temples, les synagogues, les pagodes, les églises, je priais pour toi, pour ta vie. Nulle part, le paysage ne me parut aussi beau que celui de notre Normandie où tu étais, croyais-je, où tu n’es plus. Ton image n’est plus celle du Prince Charmant, serait-elle devenue celle du Démon grimaçant qui s’est emparé de toi pour mon malheur et le tien ?
Tu m’as soudain abandonnée, seule, fragile, désemparée, désespérée, en notre foyer, sans mon illusoire soleil, et chaque jour sans toi m’est un chemin de croix. Qu’il me conduise à jamais jusqu’à la paix du pardon sublime, ou moi aussi à l’irrémédiable haine et à notre damnation éternelle.
25 juillet 2023 Aimée Saint-Laurent ©