« La lumière, ô mon bien-aimé, brésille l’or sur les nuées ; elle éparpille à profusion les pierreries. » Tagore
Ma lumière du jour
Par tous les temps normands, la pluie, la brume, la grisaille, le vent, ton amour était ma lumière du jour, mon soleil d’espérance sur le chaos du monde qui nous entoure, splendeur de notre premier inoubliable été sur mon âme. Près de Toi, mon univers devenait cosmos, perfection de l’horloge céleste où notre avenir ici-bas découvrait son vrai sens. Ta vie éclairait mon destin par ta seule présence, je chérissais ton silence, je chérissais ta parole, je chérissais ta voix. Seule ton absence m’était douleur, mais il en fleurissait des poèmes, puis l’indicible joie de nos retrouvailles, de l’arabesque de mes bras noués autour de tes épaules.
Notre maison était un temple où je vouais un culte au dieu de l’Amour que je voyais en Toi, dont depuis si longtemps je porte au doigt l’anneau, symbole de foi, Toi dont je vénère dans mon cœur l’image restée éblouissante, à jamais gravée comme une icône pieuse, précieux talisman contre tous les malheurs. Aujourd’hui, choéphore d’un amour disparu, je n’ai de cesse de te célébrer haut et fort aux yeux des lettrés de tous les temps, d’inscrire ta mémoire au Livre d’Or des Serments.
Inspiré par les démons de l’enfer, tu l’as un jour déclaré mort, notre merveilleux amour, mais il ressuscitera, il ne peut pas mourir, il ne peut qu’attendre un monde meilleur, dans une autre vie peut-être. Il nous fut attribué par un coup de dé, il n’était pas nôtre, il n’était que résurgence de noces anciennes. Il restera vivant, éclatant de jeunesse et de splendeur, parmi le florilège de mes pauvres pages disséminées comme pétales de fleurs que la bourrasque emporte ; feuillets d’une fugitive éphéméride où, pour les siècles des siècles, ton être figurera portant le costume idéal des héros de légende, Ulysse, Tristan, Pelléas ; tristes laisses d’une chanson de geste des temps nouveaux, où tu endosseras le rôle du doux Amant, de l’Aimé éternel, celui que pour moi tu as incarné si longtemps, vêtu de l’habit qui seyait si bien à ta svelte silhouette, à ton cœur de poète, et que je ne peux oublier.
D’autres femmes t’ont désiré, d’autres peut-être te désireront et t’apprivoiseront. Leur attachement sera-t-il, à l’instar du mien, serti de joyaux, de pierreries et de perles ? Sera-t-il immémoriale tapisserie brodée de fils d’or, réminiscence de la longue odyssée humaine ? Y découvrira-t-on l’écheveau emmêlé de l’Histoire, ce sombre océan, le reflet des vagues de la destinée, qui nous bousculent sans pitié et nous entraînent vers les désastres, dans le maelstrom de courants imprévisibles et sous l’influence des astres ? Je crains que l’ouvrage de ces amantes ne soit que chiffon de ménage.
Par tous les temps, la pluie, la brume, la grisaille, même en ton absence, même dans le déchirement, tu restes ma splendide lumière du jour, mon fanal dans la nuit noire, mon étoile d’espoir. Ta vie demeure pour moi merveille entre toutes. Et de ma solitude je veux ne faire qu’une prière, messagère de ma tendresse infinie, de mon sublime amour.
29 janvier 2023 Aimée Saint-Laurent © Chants des noces