Mme Agnès Buzyn
Ministre des Solidarités et de la Santé
14 avenue Duquesne
75350 Paris Cedex 07 SP
Lettre ouverte à Madame Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé
Madame la Ministre,
De nombreuses organisations professionnelles de la fonction publique hospitalière ont déposé un préavis de grève pour ce mardi 11 juin 2019.
Le SNPHARE soutient cet appel à la grève. Pourquoi ?
L’hôpital public est en train de mourir.
Soignants, personnels paramédicaux et médicaux ont vocation à soigner les patients qui leur sont confiés. Ils ont choisi leur métier pour cela, ils ont choisi l’hôpital public pour cela.
Ils n’ont pas envie de fermer la porte des soins aux patients en se mettant en grève, ni même en arrêt maladie… Pourtant, épuisement professionnel et burn-out sont devenus communs. Les personnels paramédicaux croulent sous les heures supplémentaires et les appels intempestifs à remplacer la nuit, le jour. Nombreux sont les médecins qui font du temps de travail additionnel (> 48 heures par semaine) « auto-contraint », mus par la solidarité entre collègues et la nécessaire continuité des soins auprès des patients, en urgence, à l’hôpital, en consultation ou pour une chirurgie. Pourtant, ils sont tous bien placés pour en connaître les conséquences sur leur santé, leur espérance de vie, et leur vie extraprofessionnelle : l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est mis en péril par le délitement de l’hôpital public. Ils sont bien placés pour en connaître les conséquences sur la qualité des soins des patients dont ils ont la charge.
Nombreux sont ceux qui devraient s’arrêter pour épuisement professionnel, et ne le font pas. Et lorsqu’ils finissent par le faire, la première réponse de leur autorité hiérarchique est un contrôle de la pertinence d’un arrêt maladie. Est-ce de l’autisme ou du mépris de la part des tutelles, jusqu’au plus haut du ministère ?
Quand ils se mettent en grève, c’est que c’est grave.
Quand ils sont en arrêt maladie pour des raisons professionnelles, physiques ou psychiques, c’est que c’est grave. Et quand on ne les entend pas, certains se suicident : nous nous refusons à parler de suicide ordinaire, ou de motivations extra-professionnelles totalement indépendantes du métier.
Et certains, peut-être guidés par une certaine sagesse, se sauvent en partant dans le secteur libéral. Pas seulement pour « mettre du beurre dans les épinards », mais pour de meilleures conditions de travail, une meilleure autonomie et indépendance, pour pouvoir faire du soin le pilier central de leur métier.
Près d’un poste sur trois de praticien hospitalier est déclaré vacant, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Face à un engagement fort dans le service public nous est faite la promotion de la contractualisation : la génération Kleenex est « en marche », dépendante du bon vouloir d’un directeur d’établissement, impliquant un nouveau féodalisme, dont le sens n’est pas le bon soin au patient, la bonne organisation d’un service ou d’un hôpital, mais le meilleur rendement financier.
L’hôpital public que nous avons aimé et choisi n’est plus ce qu’il était. Autrefois, la carrière hospitalière était le must, l’objectif visé par tous et réservé à l’élite la plus compétente. Aujourd’hui, elle fait image de pis-aller, maltraitée pour des soins d’excellence 24 h /24 7 jours sur 7, mal payée pour travailler plus.
Pourtant, il y a des solutions.
Pourtant, le SNPHARE a des solutions. Nos propositions, toujours actualisées, sont disponibles sur notre site, et sur votre bureau, Madame la Ministre. Sommes-nous vraiment écoutés, quand on nous oppose systématiquement des injonctions budgétaires ?
Pour redonner du sens à nos métiers du soin, pour redonner une cohérence aux missions des personnels paramédicaux et médicaux de l’hôpital public, pour une qualité optimale des soins offerte aux patients, le SNPHARE soutient la grève du 11 juin et vous demande, Madame la Ministre, un vrai plan d’urgence pour sauver l’hôpital public : nous demandons à vous rencontrer dans ce sens.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Dr Anne WERNET présidente du SNPHARE
Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateurs, Élargi.
Praticien Hospitalier, Perpignan