Nightingale (avatar)

Nightingale

Journaliste indépendante (très)

Abonné·e de Mediapart

85 Billets

2 Éditions

Billet de blog 6 septembre 2011

Nightingale (avatar)

Nightingale

Journaliste indépendante (très)

Abonné·e de Mediapart

Si aujourd'hui pouvait être déjà demain...

Nightingale (avatar)

Nightingale

Journaliste indépendante (très)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis ce jour-là, depuis trois ans déjà, je hais le 6 septembre.

C’est bon j’en ai fêté l’anniversaire. J’ai pleuré tout mon saoul. Et en souvenir de New York je me suis engloutie une « Ben & Jerry’s ». Toute seule devant mon ordi.

Je ne supporte personne quand j’ai mal. Et là j’ai vraiment très mal.

J’ai compris, ce fameux 6 septembre 2008, que seul le fric comptait. Que face à lui je n’étais rien, nada, nichts, niente, nothing. Que le Jugement de Salomon c’était vraiment de l’Histoire pour les classes maternelles. Pourtant, je l’aimais bien, moi, Salomon. Et son jugement. Mais là, j’ai cru que j’allais m’évanouir sous la dureté des mots.

Non, non, ce n’était pas une rupture amoureuse. C’était bien pire.

On m’a accusée de tout. On a tenté de porter plainte contre moi. On m’a enterrée vivante. J’aurais pu me tuer. Me flinguer. Me supprimer. Mais tant pis, sachez-le le fric, dans la balance, il pèse !

Et celle qui en a l’emportera toujours sur celle qui n’en a pas.

En plus, en cas de disparition subite, ces rapaces-là, ils auraient eu le culot de dire que j’étais dépressive. « Vous comprenez, à force, la solitude…. »

Mais aussi c’est ma faute, pourquoi suis-je si atypique. Dans un monde qui ne supporte que les bien-rangés-sociaux. Qui investit dans l’avoir et qui déteste l’être.

Pourquoi est-ce que je ne raconte rien de ma vie. Pourquoi est-ce que je ne fais rien comme tout le monde. Pourquoi est-ce que je ne me range pas dans la meute. Que je dépasse des rangs. Que je suis franc-tireur de naissance, par mes gènes.

Ah c’est que l’imagination des bourgeoises provinciales est limitée, Madame, très limitée. « Si elle ne dit rien, c’est qu’elle a quelqu’un ! » « Mais c’est quoi son travail ? » « Elle est entretenue, j’ai vu l’homme, il lui a parlé ! » La liste est plus longue à égrener qu’un chapelet entier. Ne parlons surtout pas de ce dernier mot qui fâche. Beaucoup.

On me sourit des lèvres et on me juge des yeux.

Si elles savaient que ma Sainte préférée se nomme Marie-Madeleine. Elles ne s’en remettraient pas, les bonnes âmes.

Donc, le 6 septembre, à cause d’elles, je me suis fait descendre. Et en beauté. J’ai été convoquée comme une novice fautive par le père abbé du couvent. Et l’on m’a fort tancée. Je ne pardonnerai pas car j’attends toujours des excuses. Et le statut n’a rien à voir à l’affaire. « Si tu as tort, excuse-toi, disait mon père, si tu as raison, va jusqu’au bout ». Et là, j’ai raison.

Sans la souffrance, je ne pourrais pas écrire. Sans l’écriture, je ne pourrais pas vivre. C’est bon. J’ai fait le plein. Je devrais pouvoir sortir mon bouquin.

Je suis un être d’ombres et de lumières. Plus tourmentée qu’apaisée. Toujours sur la défensive. Car il m’a été donné de beaucoup souffrir. Et aussi de beaucoup aimer. Alors, ça se bagarre un peu. Dans ma tête. Dans mon cœur. Dans ma vie.

Je ne suis pas une âme tranquille. Je porte une surdose de sensibilité. Celle qui m’aide à écrire. Mais aussi à souffrir. Plus que les autres. Depuis ma plus tendre enfance, je vois tout, je sens tout, les ambiances, les gens, les mensonges, les trahisons, les amours, les désamours, les amis, les ennemis, les zones d’ombres cachées. Tout. Et c’est vraiment lourd à porter.

C’est sans doute pour cela que j’ai si souvent mal au dos. Que j’en ai plein le dos.

Je les envie les roupilleurs du quotidien. Les affiliés permanents à la routine. Moi, je regarde la vie des autres par la fenêtre. Et je pars sur la pointe des pieds. Histoire de ne pas déranger. Pour vite retrouver la mienne.

Je ne pleure pas tout le temps. J’ai de l’humour. Des rires et des fous rires à revendre. Curieusement les femmes détestent. Les hommes apprécient. Je suis vive. Trop vive. Indomptable. Un peu comme ce fleuve que j’aime tant : la Loire. Imprévisible, aussi. Avec des débordements inattendus, et de jolies profondeurs.

Bref, je ne corresponds à aucune des cases indiquées sur leurs formulaires.

Maman disait toujours « Etre vulgaire, c’est embêtant mais être commune, c’est tellement pire ». Bingo. Pour ne pas être commune….

A l’époque des Sorcières de Salem, j’aurais été brûlée sans autre forme de procès directement sur le bûcher. A l’époque du cinéma d’après-guerre j’aurais été une rousse à la Ginette Garcin. Celle qui attache ses bas à son porte-jarretelles après l’amour. Tandis que l’homme, vêtu de son unique Marcel, se prélasse encore au lit. Et la mate en lousdé.

Alors vous pensez que je peux déranger.

C’est juste à moi de m’accepter. De laisser les braves gens maugréer. Sur leurs petites vies étriquées. Sur les patins du parquet de la salle à manger. Sur le purgatoire des péchés des autres.

C’est juste à moi de m’accepter et de ne plus jamais me laisser juger. Par qui que ce soit. Fut-il pape ou ministre.

Il n’y aura ainsi plus jamais de 6 septembre. Mais juste la douce et tendre chanson de Barbara

«Ce fut un soir en septembre / Vous étiez venu m'attendre / Ici même vous en souvenez-vous ? / A vous regarder sourire, / A vous aimer sans rien dire / C'est là que j'ai compris tout à coup / J'avais fini mon voyage / Et j'ai posé mes bagages, / Vous étiez venu au rendez-vous. / Qu'importe ce qu'on peut en dire, / Je tenais à vous le dire : / Ce soir je vous remercie de vous. / Qu'importe ce qu'on peut en dire, / Je suis venue pour vous dire, / Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous."

Liliane Langellier

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.