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Billet de blog 31 octobre 2013

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Cathos, pourquoi tant de haine ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cela a commencé pour l’élection présidentielle. Sur Twitter, je me suis désabonnée de presque tous les cathos que je suivais. Ou qui me suivaient.

Les petits « trente-quarante » prétentieux avaient pris la plume. Et le pouvoir. Et le reste de la meute suivait. Quand on est catho, on vote de droite.

Je n’appartiens à aucun parti politique. Mais s’il y a bien quelque chose qui me hérisse c’est que l’on me dicte ma conduite. Alors je me suis défendue. Alors je me suis faite bastonner. Alors je l’ai dit clairement : je ne voulais plus de Sarko au pouvoir. Je ne voulais pas de Bayrou non plus. Restait Hollande. Puisque DSK avait eu la bonne idée de sombrer dans les arrières cuisines d’un trop chic hôtel new-yorkais.

Là, j’ai pu alléger mes listes d’abonnés. Car les injures ont fusé. J’étais une inconsciente. Je ne réfléchissais pas aux valeurs de l’Eglise : le mariage gay, l’euthanasie, etc…

Ces jeunes excités ont oublié que nous avons toujours vécu en bonne entente, la droite ou la gauche catho. D’ailleurs, on ne se demandait même pas nos opinions politiques, car imaginez-vous, avant, l’église était un lieu pour prier.

Quand Hollande a gagné, j’ai immédiatement pris la douche froide : «  cette presse pourrie qui manipule les gens, ces journaleux malsains… » Je ne voulais pas me justifier. Mais en tant que journaliste culturelle, ce n’était certes pas mes chroniques qui avaient pesé dans la balance. Je ne me suis donc pas justifiée.

Mais il y avait aussi l’autre côté : « Tous les cathos sont de droite ! » Et vas-y comme je te pousse pour les généralités à deux balles. Qui, même prononcées par des cerveaux amidonnés, font mal à ceux qui les reçoivent en pleine tronche.

Après, on a joyeusement enquillé sur « La Manif Pour Tous ». Là, j’ai dit clairement que je ne suivrais jamais Frigide Barjot. Que je la connaissais. Qu’elle était là pour se lustrer l’ego, monter sur le podium, mais qu’elle laisserait tout le monde tomber à la première alerte…

Pour les  petits « trente-quarante », j’ai été mise à part. Déjà qu’avec un statut de veuve sans enfants, je ne suis pas très intégrable, alors pensez….

Moi, ça ne me gênait pas qu’ils aillent défiler pour leurs idées. Eux, ça les gênait que je n’aie pas leurs idées. Oui, je suis un peu idéaliste, et je pense que le bonheur des gens est un bien précieux. Alors que les homosexuels se marient à la mairie, je ne voyais pas du tout, mais pas du tout, en quoi cela pouvait gêner des gens d’Eglise.

Je ne me suis jamais cachée sur les réseaux sociaux d’être croyante et pratiquante. Mais j’ai bien caché la souffrance qui commençait à m’habiter. L’exclusion sensiblement progressive de ma communauté. Pour ne pas en rajouter.

Et puis il y a eu le déclenchement. Il y a toujours un déclenchement. C’était le soir du Jeudi Saint. J’étais assise, paisible, à ma place de chorale. Dans les Jours Saints, c’est ma journée préférée. Et elle est arrivée. Madame UMP. Arrogante. En rage. Hors d’elle. Elle a jeté son lourd sac sur la chaise à côté de la mienne. Qui a failli se renverser sous le choc. Et elle s’est mise à bramer « Tous les journaleux sont des pourris à 99 % ». Pourquoi ai-je tenté de répondre ? D’expliquer ? Je n’avais pas encore compris que ce soir-là, justement, le président Hollande parlait à la télévision.

Pauvre de moi pour avoir osé formuler : « Dans tous les métiers, il y a des gens honnêtes et des gens malhonnêtes », j’aurais pu me faire gifler sur le champ. Vous dire que j’ai passé une cérémonie sereine serait un mensonge. Sans aucun respect, elle était venue piétiner mon droit à la prière.

Sur Twitter, j’ai crié ma révolte. Et d’autres sont venus raconter leur souffrance. Et apaiser la mienne.  Bruno Frappat a écrit le juste édito dans « La Croix ». Je me souviens encore du titre : «Sommes-nous devenus fous ?»

Là, j’ai commencé à me sentir moins seule.

Mais, dans ma communauté, les tensions montaient. Ce n’était plus la défense des valeurs de l’Eglise. Mais clairement « Hollande dehors ! »

Il y avait des appels au micro par des laïcs après les messes dominicales pour aller manifester. Je me sentais de plus en plus mal. Je n’avais jamais entendu cela de toute ma vie. On m’avait élevée dans le total respect du lieu sacré de l’église. Où tout le monde laisse ses opinions politiques à la porte en rentrant.

Je suis allée mi-octobre à Paris pour une messe d’un prêtre que j’appréciais. A peine installée dans la voiture, la passagère à laquelle nous avions laissé le siège avant a entonné « Tous les journalistes sont de gauche ». Là, je n’en pouvais plus. Là, je me suis rebiffée, et j’ai décoché : « C’est comme si je vous balançais tous les cathos sont cons. Je déteste les catégories. » Je dois dire que ça a calmé carrément le jeu.

La cerise sur le gâteau date de l'affaire Leonarda. L'une de mes amies, qui est très chère à mon coeur, et qui, journaliste agréée, avait un compte Twitter a osé la phrase qui tue "S’il vous plait, Monsieur le Président pour qui j’ai voté, pouvez-vous revenir à des préoccupations plus urgentes, marre de #Leonarda".. Michel Janva sur son Salon Beige ne l'a pas loupée. Elle a été tellement injuriée qu'elle a du en fermer son compte Twitter. Et moi je suis devenue - en plus du reste - stigmatisée comme celle qui a une amie journaliste de gauche.

Ce soir, il y a une veillée. J’habite à deux pas de l’église. Je n’irai pas. Je me contente du strict service minimum. En attendant que ça passe. Mais suis-je bien certaine que cela va passer ?

Liliane Langellier

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