par Shaimaa Fayed
LE CAIRE (Reuters) - L'armée égyptienne a arrêté six "terroristes" dans le Sinaï après l'attaque qui a tué 16 gardes-frontières dans cette région limitrophe d'Israël, rapporte vendredi la télévision d'Etat.
Israël a par ailleurs autorisé l'Egypte à y utiliser des hélicoptères de combat, pour la première fois depuis le traité de paix de 1979 entre les deux pays qui limite les déploiements militaires dans la région.
Selon une source militaire, six islamistes ont été capturés dans la colonie frontalière de Cheikh Zouwaid, là où des avions égyptiens ont tiré mercredi des roquettes sur des positions d'islamistes présumés.
Un responsable de l'armée a déclaré au quotidien d'Etat Al Ahram que des raids sur le Djebel El Halal, secteur montagneux du centre du Sinaï, étaient en cours pour la purger de ses éléments "terroristes".
Plusieurs chars de l'armée ont été vus faisant route vendredi vers Al Arich, principal centre administratif dans le nord du Sinaï. Ces deux derniers jours, on n'y avait aperçu que des véhicules blindés équipés de mitrailleuses.
Selon une source auprès des forces de sécurité, sept hommes, et non pas six, ont été arrêtés. Ces hommes, précise-t-on, avaient déjà été arrêtés à la suite d'attentats à la bombe contre des hôtels sur la Mer rouge entre 2004 et 2006, qui firent des centaines de victimes parmi les touristes étrangers. Emprisonnés pendant plusieurs mois, ils avaient été libérés sans condamnation.
RASSURER ISRAËL
Le nouveau président égyptien Mohamed Morsi, issu du mouvement des Frères musulmans, s'est rendu vendredi à Al Arich pour vérifier les mesures de sécurité prises, rapporte l'agence de presse officielle Mena. Il s'agit de la seconde visite du chef de l'Etat dans la zone cette semaine.
L'Egypte a déployé des centaines de soldats et de véhicules blindés jeudi dans le nord du Sinaï afin de s'attaquer aux islamistes opérant à proximité de la frontière. Des commandants ont rapporté qu'une vingtaine de personnes qu'ils considéraient comme des terroristes avaient été tuées lors de l'offensive.
Mais certains habitants ne cachent par leur scepticisme et disent n'avoir vu aucun signe de gens tués dans ce qu'ils décrivent comme une opération menée "sans rigueur".
Des centaines de personnes ont manifesté vendredi à Al Arich pour dénoncer l'attaque du poste-frontière et témoigner leur soutien à l'armée. Ils demandaient notamment que l'accord de Camp David de 1979 soit modifié afin de permettre à l'armée égyptienne de contrôler complètement la péninsule désertique.
La détermination affichée par l'Egypte vise en partie à rassurer Israël, qui craint de voir des islamistes du Sinaï s'allier à d'autres militants de la bande de Gaza pour attaquer l'Etat hébreu. L'offensive menée par l'Egypte, que Le Caire a présentée comme sa plus grande opération militaire dans le Sinaï depuis la guerre de 1973 contre Israël, semble capitale pour le maintien de relations stables entre les deux pays.
RÉOUVERTURE PARTIELLE DE LA FRONTIÈRE
Ismaïl Haniyeh, le chef du gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza, a promis jeudi qu'il aiderait l'Egypte à enquêter sur l'attaque de dimanche, mais il a pressé le président égyptien de rouvrir le passage de Rafah à la frontière israélienne, fermé depuis cette date.
Le Hamas a rejeté les suggestions apparues dans les médias égyptiens selon lesquelles des Palestiniens ont pris part au massacre du Sinaï, et il a critiqué les autorités égyptiennes pour avoir imposé une "punition collective" à la bande côtière.
Personne n'a revendiqué l'attaque de dimanche, qui a vu les assaillants s'emparer de deux véhicules blindés pour prendre d'assaut un point de passage à la frontière israélienne. L'un deux a réussi à traverser avant que les assaillants soient tués sous le feu israélien.
Le point de passage de Rafah, que franchissent en temps normal environ 800 personnes par jour, est l'unique fenêtre sur le monde pour la grande majorité des Gazaouis.
L'Egypte a accepté vendredi une réouverture limitée de la frontière, afin de permettre le retour de centaines de Palestiniens de Gaza bloqués dans le Sinaï, notamment des pèlerins de retour d'Arabie saoudite, a dit un haut responsable égyptien, cité par l'agence Mena, sans préciser toutefois combien de temps la frontière resterait ouverte.
Les autorités égyptiennes sont également intervenues pour fermer la myriade de tunnels de contrebande reliant le Sinaï à la bande de Gaza. Selon Al Ahram, environ 150 tunnels ont été détruits, sur les 1000 que compterait la frontière.
Juliette Rabat et Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser