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Billet de blog 13 décembre 2013

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Du pollen et des chansons dans l'air

Quand quelqu'un s'en va pour toujours, quand il meurt, quand la mémoire qu'on a de lui risque l'oubli, se mettent à revivre les scènes où nous étions ensemble, où il avait la parole et le geste, où tout paraissait enfantin, éternel. J'ai appris, avant-hier, la mort de Jean-Louis Foulquier et ça n'a pas fait exception : j'ai cherché dans mes souvenirs les moments de l'en-vie qui, entre nous, n'étaient pas intimes mais respectueux.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand quelqu'un s'en va pour toujours, quand il meurt, quand la mémoire qu'on a de lui risque l'oubli, se mettent à revivre les scènes où nous étions ensemble, où il avait la parole et le geste, où tout paraissait enfantin, éternel. J'ai appris, avant-hier, la mort de Jean-Louis Foulquier et ça n'a pas fait exception : j'ai cherché dans mes souvenirs les moments de l'en-vie qui, entre nous, n'étaient pas intimes mais respectueux. Sa voix de baryton s'étonnait de la mienne, y faisait toujours allusion, elle posait toujours les questions qu'il fallait, avec un sourire d'une certaine goguenardise, pas roublard du tout, amusé. Son visage me revient toujours souriant, une lumière sur ses traits de boxeur, son nez cassé, sa couleur de peau sarrasine.

Notre première rencontre, c'était dans un sous-sol - d'hôtel, je crois - pour une émission de France Inter qu'il avait baptisée Y'a de la chanson dans l'air puis Pollen, on imagine pourquoi. Plusieurs fois, je me suis rendu à ses rendez-vous radiophoniques, jamais dans les mêmes lieux, la plupart en public, une fois seulement à la Maison de la Radio où je suis arrivé avec un disque d'or destiné aux murs de son studio, en remerciement de sa tendresse pour ma chanson Mon amour dont il avait l'impudeur de me dire qu'elle le faisait pleurer.

A Jean-Louis Foulquier, je dois ma rencontre avec Lluis Llach et notre mano a mano aux Francofolies de la Rochelle, ma première visite en Bulgarie, au Québec. Il a veillé avec moi à Moscou pendant les vingt-quatre heures d'un marathon musical pas comme les autres, et je l'ai vu pour la dernière fois sur sa chère Ile de Ré, très à l'aise au milieu de ses toiles dont certaines avaient reçu les couleurs de l'enfer après son départ forcé de la radio.

Bien sûr, je suis loin d'être le seul à lui garder une gratitude plus éternelle que nos vies. Il a été le questionneur de beaucoup, l'instigateur de toute une époque et je parie qu'on sera très nombreux pour trinquer à sa mémoire dans les bistrots de son cher Montmartre où il a choisi qu'on le laisse en paix.

Il y a tant à dire sur la vie, sur les hommes qui la traversent, qu'on voudrait en vivre deux : l'une active, pour accomplir les gestes qui la rendent utile à soi et aux autres, l'autre contemplative, qui montre et qui souligne comment on peut être à la fois corps et esprit, tronc et sève, caillou des chemins et voyages... Jean-Louis m'a toujours paru être capable de cette prouesse et c'est sûrement pour ça qu'il laisse une trace, visible ou invisible, pas éphémère... un pollen.

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