Nilda Fernandez

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Billet de blog 22 janvier 2017

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Interrogations écrites /2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai terminé mon précédent billet en disant qu'on ne se connaît pas. Je signifiais par là qu'on n'a jamais eu l'occasion de se serrer la main. Ça n'empêche pas quelques points biographiques croisés. Le premier, ce sont nos deux grands-pères, Juan et Antonio, nés l'un comme l'autre à Murcia. Le deuxième, c'est Tanger où ma mère est née, tout comme vous. Tanger, au début du siècle dernier, c'était une ville d'artistes dont la liste est impressionnante (Truman Capote, Jack Kerouac, Saint-Exupéry, William Burroughs, Samuel Beckett, Tennessee Williams, Paul Morand, Roland Barthes, Jean Genet, Marguerite Yourcenar, Paul Bowles, Joseph Kessel, Pierre Loti, Maurice Ravel, Paul Morand, Anton Gaudi... ). On y parlait castillan et elle se trouve à vingt-quatre kilomètres des côtes espagnoles.

La troisième coïncidence, c'est que nous sommes tous deux arrivés en France à  l'âge de cinq ans. Vous en provenance du Maroc, moi d'Espagne.  Vous avez pris racine à Yvetot, en Normandie, et moi à Lyon, d'où je suis parti pour professer l'espagnol pendant deux années dans ce même Pays de Caux. Vous avez enseigné le français en Franche-Comté.

Pour le reste, nos chemins divergent. J'ai côtoyé, fréquenté les cercles en "iste" qu'on disait gauchistes, anarchistes, trotskystes, maoïstes, sans jamais y croire vraiment. Trop de dogmes, de jeux de pouvoir internes et, surtout, une réduction de l'humain aux conséquences d'un matérialisme dialectique, sans doute utile à la description de l'histoire mais incomplet pour une compréhension plus profonde de notre humanité. Ça ne vous a pas rebuté : de trotskyste vous êtes devenu politique professionnel et moi, je suis devenu artiste. Pour l'un comme pour l'autre, une vocation à prendre au sérieux.

En 2002, rue de Solférino, je vous ai croisé, le verre à la main, saluant amèrement la victoire de Chirac que votre parti avait rendue possible à des hauteurs jamais vues. Plus tard, j'ai su que vous aviez quitté ce cercle qui vous faisait avaler trop de couleuvres pour  en fonder un autre. Moi, pendant ce temps, je vivais en Russie où j'apprenais à reconnaître les bonnes et mauvaises traces du marxisme-léninisme d'Etat puisque nos histoires humaines, n'en déplaise aux esprits simplistes, ne sont jamais en blanc et noir.

Plus tard, je vous ai entendu dans le poste en allant chercher des kébabs à Maisons-Alfort où je travaillais à la préparation d'un concert à l'Elysée Montmartre avec les ultimes musiciens d'Alain Bashung. Vous parliez dans des termes qui m'allaient bien, plutôt iconoclastes, sans la langue de bois d'une pensée rabotée.  Vos arguments et vos manières de rebrousse-poil ont commencé à m'intéresser.

Maintenant que j'ai mis un point final à mon roman-selfie, j'ai plus de temps pour vous interroger à partir de ce que j'ai vu et entendu ici ou là, face à des journalistes masochistes qui vous invitent pour se faire engueuler et faire mine de s'en offusquer. L'exercice m'intéresse puisque, comme la plupart d'entre nous, je suis perplexe (pour ne pas dire inquiet) pour l'avenir de notre monde et que vous avez l'air d'avoir des solutions.

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