Dans mon dernier billet, j'essayais d'apporter un peu d'eau froide à l'émotion qui a envahi nos écrans, nos ondes et nos titres de journaux. Depuis, j'ai entendu vos réponses à un journaliste de radio. Selon votre habitude, vous essayiez de "prendre de la hauteur" en expliquant que le choix d'Hillary n'aurait pas ouvert la voie à plus de progrès ni à des relations internationales plus détendues puisque cette femme est l'héritière d'une pseudo-gauche américaine, toujours plus déconnectée des réalités sociales et économiques de son peuple.
On ne va pas épiloguer là-dessus. De toutes façons, l'avenir dira, et notre grande affaire reste de savoir comment notre pays, avec sa culture et la beauté de ses habitants, va se sortir de l'ornière dans laquelle l'on mise des années de renoncement à l'intelligence et au discernement.
J'aime bien la manière dont vous vous plantez devant ceux qui vous interrogent. Je ne sais pas s'ils se rendent compte à quel point vous faites appel à leur matière grise, à leur réflexion, leur culture. En tout cas, la plupart des interviews que j'ai regardées vous met en présence de journalistes qui - malheureusement et sans en avoir tout à fait les capacités - "font les malins". Qu'ils s'en défendent ou non, qu'ils en soient conscients ou pas, ces femmes et ces hommes qui sont là pour questionner les événements et leurs acteurs à notre place, créer du débat et débusquer la vérité, le font en restant du côté du "manche" et de la "bonne" interprétation des faits, celle qui ne remet rien en cause, sert le catéchisme de la Pravda et nous laisse sur notre faim de connaître les véritables mécanismes de ce qu'on saisit de moins en moins.
Je vous ai souvent vu faire de grands efforts pour ramener à la raison les explications simplistes - mais pas naïves - de ceux qui ne se donnent pas le droit de dire les choses telles qu'elles sont, sans détours ni réflexes de caste. C'est très difficile. Le mensonge et l'omission volontaire, l'occultation, sont des produits de grande consommation. Ils nourrissent les peurs et font vendre du papier ou des secondes de pub. En revanche, dire au "bon peuple" que tel ou tel qui se propose de le gouverner est un être sans envergure dont chaque acte et chaque parole n'a pour but que de cacher la misère de ses pauvres ambitions, serait utile, libérateur. Donner la cupidité comme simple clef des mouvements internationaux, des guerres, du terrorisme et de tous les dangers qui nous menacent - et qui ne sont pas seulement le réchauffement climatique - nous rendrait intelligents, permettrait de faire le tri sélectif entre l'idée et l'intoxication, la croyance et le dogme. Nous épargner les experts qui font semblant de ne rien comprendre, les micro-trottoirs qui font croire à une démocratie de l'information, serait aussi un grand pas vers la clarté limpide, nous rendrait lucides et armés contre les tentatives d'obscurcissement du cerveau, dévoilerait les impostures et nous mettrait devant nos responsabilités dont quelqu'un disait, en 1576 déjà :
"La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne"
(Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire)