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Billet de blog 10 septembre 2015

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je reviens de Syrie où j'étais pour les Nations unies en mission humanitaire. Je ne suis pas un militant.

 Mais depuis tout petit, j’ai toujours adoré entendre les histoires des belles actions des gens ordinaires. Ceux de la chanson « l’Auvergnat » de Brassens, ceux personnes qui ont accueilli les réfugiés français et belges en 14 et en 40, protégé des juifs ou des opposants politiques, qui étaient dans la résistance et aidaient les familles menacées en leur faisant passer des frontières ou simplement en ne les dénonçant pas.

On en a fait des centaines de livres, de films, ils ont été recouverts de médailles, de légions d’honneur, leurs cercueils ont été emballés dans des kilomètres de drapeau français…  pour avoir sacrifié un peu de leur confort et de leur sécurité pour aider des gens menacés par un pouvoir tyrannique et génocidaire, des gens qui avaient tout perdu et qui fuyaient la guerre et l’oppression.

 Aujourd'hui, les réfugiés, ce n’est peut être pas comparable… Je ne sais pas.. peut-on  comparer des réfugiés français traversant la France à pied pendant plusieurs semaines pour fuir les exactions des troupes allemandes aux réfugiés syriens miraculeusement sortis vivant d’années de guerre et de massacres, traversant l’Europe entière dans des conditions périlleuses à la recherche de notre protection ?

 Ils vivaient comme nous, faisaient les mêmes métiers, allaient à l’université, beaucoup fréquentaient les écoles françaises et connaissent souvent mieux que la plupart d'entre nous nos grands auteurs, philosophes et poètes. 

 Aujourd’hui, ils n’ont plus rien, ils demandent l’aumône devant les mosquées et les églises en n’osent même pas entrer à l’intérieur pour prier, ils dorment dans la rue. 

Ils me font penser aux vétérans français des guerres d'Afghanistan, du Mali, de Centrafrique, qui ont 20 ans et sont à l’hôpital du Val ou aux témoignages des survivants des camps revenant dans une société qui ne les comprend pas, qui trouve leur présence grave et leur traits déformés par trop de terreur, dérangeants. Une société tellement focalisée sur elle-même qu’elle se détourne de la souffrance des autres.

 Deux choix s’offrent à nous aujourd’hui, nous enfermer a double tours et monter le son de la télévision pour que les discours de haine couvrent le son des pleurs, ou être comme la mère accueillante qui ouvre ses portes et serre les opprimés contre son coeur en leur disant : ici vous êtes chez vous et vous n’avez plus rien à craindre.

 Déléguer notre responsabilité à un gouvernement ne nous dédouane pas de cette prise de position individuelle. Depuis peu il n’est plus illégal d’accueillir des réfugiés chez soi, une fois que le dossier est déposé à l’immigration.  Paradoxalement c’est l’absence de domicile qui ralentit le plus la procédure de régularisation. Des hommes armés ne risquent donc plus de défoncer votre porte à 5h du matin pour arrêter des réfugiés cachés dans une petite pièce dont l’entrée est obstruée par une armoire. Au contraire .. je sors d’un entretien avec un commandant de gendarmerie, il m’a assuré de son soutien et à promis de veiller à la sécurité des opposants politiques qui sont logés chez moi.

 Il ne le fait pas en tant que fonctionnaire, en tant qu'incarnation des directives de l’Etat qui n’encourage pas ce genre d’initiative. Il le fait en tant qu’homme responsable qui a envie de pouvoir encore se regarder dans une glace dans 20 ans lorsque la désinformation sur la Syrie aura enfin fini d’occulter l’horreur de la situation actuelle. Un homme qui pourra se dire « j’ai agis selon ma conscience » et pas simplement « j'ai obéi ».  

Nils WUIDAR

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