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Billet de blog 26 juin 2017

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Favoriser la transition écologique et solidaire tout en luttant contre la délinquance

Favoriser la transition écologique et solidaire tout en luttant contre la délinquance : le chantier des confiscations pénales reste à ouvrir

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alors que la recommandation n°4 du référé de la Cour des comptes du 29 juin 2016 invitait Ministères de la justice et des finances à envisager le transfert des biens criminels saisis vers l'économie sociale et solidaire, il faut constater qu'aujourd'hui, un an après, aucune signe d'une réflexion sur ce thème n'est apparu. Pourtant, le potentiel d'une évolution sur ce point est considérable.

(https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lagence-de-gestion-et-de-recouvrement-des-avoirs-saisis-et-confisques, en particulier page 7)

Constat

Depuis la loi du 9 juillet 2010, les saisies et confiscations en matière pénale ont connu un fort développement retracé dans le référé de la Cour des comptes du 29 juin 2016 auquel il sera renvoyé pour le surplus.

L'idée sous-jacente de cette évolution est la recherche d'une sanction du délinquant qui ne porte plus uniquement sur sa personne mais également sur ses biens lorsqu'ils sont le produit direct ou indirect de l'infraction ou pour certaines infractions particulièrement graves sur l'ensemble de son patrimoine.

Toutefois, ces sanctions restent cantonnées à l'idée non prévue dans les textes mais très présente en pratique qu'elles doivent être rentables pour l'Etat. Cette idée peut paraître relativement incohérente si on la compare avec le coût d'une journée de prison. Néanmoins, elle imprègne totalement les pratiques des différents acteurs intervenant en matière de saisie pénale.

La principale raison d'une telle situation est que les frais de saisie et de conservation restant à la charge du budget des tribunaux, les procureurs et juges d'instruction privilégient la saisie de biens facilement transportables et stockables pour éviter par exemple des frais de déménagement et de garde-meuble. De plus, les domaines poussent clairement à ce que les saisies ne portent que sur des biens dont les frais de vente seraient inférieurs à leur produit.

Dans la même logique, l'AGRASC refuse les véhicules de plus de 10 ans qui ne sont pas rentables (alors même que l'Etat donne une prime à la casse pour les véhicules anciens roulant au diesel...).

Si ces pratiques présentent l'intérêt de pousser les différents acteurs à adopter un comportement attentif et rationnel en matière de gestion des frais de justice, elles créent le travers de laisser en dehors du champ de la sanction pénale les biens les plus difficiles à appréhender matériellement.

Pour donner un exemple, un bar qui vivrait du proxénétisme pourrait se voir saisir les meubles « rentables »  (hifi ou ordinateurs) mais souvent pas le reste (tables, chaises, verres, vêtements...) de sorte qu'il ne sera pas très difficile de reprendre l'activité avec les mêmes moyens et qu'une partie des biens moyens ou produits de l'infraction se trouvent laisser hors du champ de la sanction pénale.

 Propositions

Pour renverser cette logique de rentabilité, il pourrait être prévu des conventions avec des associations comme Emmaüs ou Autos du cœur pour que celles-ci récupèrent et stockent les meubles ou véhicules utiles mais peu rentables. En contrepartie, les domaines pourraient les leur céder gratuitement lorsque la peine de confiscation serait définitive en contrepartie de frais de conservation nuls ou faibles à imputer aux juridictions.

De cette façon, l'ensemble des biens produits ou objets d'infraction pourraient être saisis à moindre frais pour l’État renforçant l'aspect dissuasif de cette sanction et bénéficierait à des acteurs de l'économie sociale et solidaire.

S'agissant particulièrement des véhicules, les articles 41-5 et 99-2 du Code de procédure pénale pourraient être modifiés s'agissant des biens dont le maintien de la saisie est susceptible de diminuer la valeur. Ils pourraient être prévues que le bien après avoir été évalué pourrait, outre la vente, faire l'objet d'une remise pour destruction sur des critères environnementaux définis par décret (pour mettre en cohérence le droit de la confiscation pénale avec notamment la politique des primes à la casse écologiques) ou être cédé à titre gratuit à une entreprise sociale et solidaire. Des critères pourraient ensuite être mis en place sous une forme juridique à définir pour établir quels véhicules seraient vendus par l'AGRASC et lesquels seraient détruits ou cédés à titre gratuit. En cas de non-lieu, relaxe, classement sans suite ou absence de confiscation, le propriétaire pourrait demander à l'Etat de l'indemniser sur la base de l'évaluation faite lors de la remise ou de la destruction.

Le développement de la vente de véhicule d'occasion dans un cadre légal et solidaire pourrait, en outre, contribuer modestement à lutter contre l'importance délinquance découlant du commerce des véhicules d'occasion à destination des plus pauvres dont les prix attractifs sont bien souvent le reflet de délits sous-jacents (escroquerie, tromperie, travail dissimulé, fraude fiscale...) et dont les plus modestes sont les premières victimes.

Concernant les téléphones portables, les juridictions confisquent un nombre considérable de téléphone portable notamment dans les affaires de stupéfiants dont la plupart n'ont pas de valeur marchande importante. Si ces objets ne créent souvent pas de frais de conservation étant stockés au service des scellés des juridictions, une gestion organisée de leur devenir pourrait être mise en place.

Une convention pourrait ainsi être conclue avec des associations type ateliers du bocage pour permettre la remise en état et la vente des téléphones encore susceptibles d'usage et le démantèlement et le recyclage des autres dans les meilleurs conditions techniques possibles.

Concernant les immeubles, il pourrait être imaginé que les immeubles saisis et dont souvent l'Etat n'a pas besoin pourrait systématiquement, lorsque c'est techniquement possible, faire l'objet d'une réhabilitation énergétique minimale avant d'être vendu. Pour ce faire, un fonds spécifique pourrait être créé et alimenté à partir du produit des ventes qui serait de fait alimenté par une partie des plus-values réalisées suite aux rénovations réalisées.

Le cas échéant, il pourrait être envisagé que l'immeuble soit cédé gratuitement à une entreprise E.S.S. ou une collectivité en contrepartie d'engagements en terme de rénovation énergétique ou de démolition et de réhabilitation du site.

Conclusion

Ces rapides propositions, dont certaines sont à approfondir, permettent, en tout cas, de mettre en évidence que la montée en puissance des confiscations pénales doit véritablement s'accompagner d'une réflexion interministérielle associant notamment le nouveau ministère de la transition écologique et solidaire au-delà des logiques purement pénale et financière.

L'exemple des vieux diesel que l'Etat paye pour aller à la casse mais qu'il refuse lorsqu'il peut les confisquer montre que la coordination des politiques en la matière est à parfaire.

Une politique cohérente en la matière pourrait, au contraire, provoquer une synergie d'effets positifs pour l'ensemble de la société et les plus précaires en particulier et pour l'environnement en permettant de:

- accroître la lutte contre de la délinquance lucrative en lui confisquant l'ensemble de ses produits ou moyens,

- faire baisser les frais de gestion des biens saisis à la charge des tribunaux,

- favoriser l'insertion ou la réinsertion des condamnés ou anciens condamnés pour qui les entreprises E.S.S. offrent souvent des perspectives de retours à l'emploi voire de placement extérieur, mesure alternative à l'incarcération,

- soutenir les politiques environnementales s'agissant notamment des destructions des véhicules ou objets polluants voire permettre la rénovation énergétique de bâtiment ou la réhabilitation de sites dégradés,

- d'une manière générale, encourager les effets positifs de l'économie sociale et solidaire et notamment en favorisant l'accès aux plus précaires de biens de type véhicule automobile ou téléphone à un prix raisonnable et accessible ce qui par un cercle vertueux leur éviteraient d'alimenter la délinquance économique qui sévit sur le secteur des biens d'occasion.

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