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Billet de blog 2 décembre 2020

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Les inquiétantes manoeuvres de Monsieur Darmanin

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Cette fin d'automne que nous vivons n'a rarement été aussi anxiogène. Le second confinement se prolonge, hésitant entre logique d'enfermement et mouvement d'ouverture des commerces. Il est impossible de savoir si les statistiques médicales qu'on annonce meilleures sont le résultat direct des mesures de confinement prises par le pouvoir (un mois, ça semble un peu court pour des effets tangibles) ou correspondent au cycle naturel du Covid (montée puis stabilité avant une décrue).

A la gestion erratique du virus et aux conséquences économiques et sociales prévisibles, mais difficilement chiffrables (200 000 chômeurs en plus, 500 000 voire un million), s'ajoute la menace du terrorisme qui s'est réveillé (mais était-il éteint ?) à l'occasion du procès des complices du massacre de la rédaction de Charlie Hebdo. Sauf miracle, les terroristes qui se disent musulmans vont encore frapper. Et on apprend que la police s'inquiète du développement des groupes violents d'extrême droite, notamment autour de Génération identitaire. D'ailleurs, on s'étonne de l'absence, pour l'instant, de mesures de dissolution, qui touchent exclusivement certaines organisations musulmanes jugées complices de l'islamisme.

Dans ce contexte très "chargé", on pourrait s'attendre à rencontrer du côté du pouvoir une attitude de calme, d'apaisement des tensions. Et bien non, ce serait trop simple ! Le ministère de l'Intérieur, qui depuis l'arrivée de Gérald Darmanin, a gagné en influence souhaite faire passer un loi baptisée "Sécurité globale" qui comporte plusieurs articles liberticides, et pas seulement pour la presse. 

Cette semaine, les épisodes illustrant l'extrême violence de la police ont fait florès. Samedi dernier, sur le Trocadéro, la manif tout à fait pacifique contre l'article 24 de cette loi liberticide a été matraquée au moment de la dispersion. Lundi dernier, des migrants chassés d'autres camps et se rassemblant place de la République ont été très violemment évacués par les forces de police (des journalistes ont également été touchés). Et ce jeudi était diffusée une vidéo d'un lynchage d'un homme noir par trois policiers. Cette scène ressemble fortement au meurtre de George Floyd au printemps dernier aux Etats-Unis.

Le ministre de l'Intérieur a semblé répondre à ces graves dérives. En apparence, du moins. Dans l'affaire de la place de la République, il a saisi l'IGPN laquelle ne semble s'intéresser qu'à deux actes (dont un croche-pied) de cette forme "moderne" de ratonade. Mais surtout, il ne saisit pas l'inspection générale de l'administration qui pourrait s'intéresser aux ordres qui ont été donnés par un certain Didier Lallement, préfet de police. Car comment penser que ce déferlement de violences contre des migrants désarmés n'a pas été encouragé implicitement par ce préfet digne successeur de Maurice Papon ?

Dans l'affaire du lynchage, Gérald Darmanin a semblé hausser le ton. Suspension des policiers et éventuellement révocation. Mais encore une fois, la chaîne de commandement n'est pas interrogée, comme si les flics n'étaient que des mercenaires... Comme le dit justement l'insoumis Eric Coquerel, "ceux qui ont couvert ça resteront en place dont le préfet Lallement. Il faut une refonte globale de la police."

En tout cas, une chose est sure : ce n'est pas Gérald Darmanin qui engagera cette réforme de la police et la neutralisation de ses éléments violents et racistes. En bon sarkozyste, l'ex-maire de Roubaix sait que pour avoir la paix dans son ministère, il faut flatter les syndicats (très droitiers) et défendre, en toutes occasions, les troupes même défaillantes. Tant pis si les femmes violentées sont très mal accueillies dans les commissariats, si beaucoup de personnes de couleur craignent les forces de police et si la haine de la police (et donc des policiers) monte partout. En fait, Darmanin dessert la cause qu'il prétend servir : il fragilise la police puisqu'elle semble de moins en moins légitime à intervenir. Il suffit de regarder l'excellent film Les misérables pour le comprendre. 

Reste une dernière question : pourquoi avoir nommé ce jeune (ir)responsable et ne pas l'avoir laissé à Bercy ? Ce choix est le fruit d'un calcul machiavélique d'Emmanuel 1er. Pour l'élection de 2022, il veut rééditer le scénario de 2017 : être face à Marine Le Pen au second tour, avec l'assurance (à 95 %) de l'emporter. Il estime que la gauche sera désunie entre d'une part Jean-Luc Mélenchon (qui pourrait rassembler entre 10 et 12 %) et un autre candidat du reste de la gauche, sans doute écologiste (entre 15 et 18 %). La gauche ne sera pas présente au second tour, en tout cas c'est le pari de Macron.

A droite, le candidat le mieux placé semble être Xavier Bertrand, le patron de la région Hauts-de-France. En se rapprochant de Nicolas Sarkozy, en acceptant que son poulain Darmanin soit au poste que l'ancien président occupa dans les années 2000, en reprenant un discours très droitier, Emmanuel 1er espère diviser la droite et récupérer une partie de ses troupes. En plus, Darmanin se targue d'être un proche de Bertrand. A l'occasion, il pourra le dissuader de se présenter en lui proposant un maroquin ministériel. Voilà pourquoi le président de la République ne se passera pas facilement de son ministre de l'Intérieur. Peu importe dès lors le nombre de personnes tabassées ou violentées par les hommes de l'ambitieux Monsieur Darmanin...   

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