- Bonjour Madame
- Bonjour
- Vous allez bien Madame ?
- Oui merci
- Je vous demande ça parce que ça n’a pas l’air
- Si si ça va
- Mais pas très fort, hein Madame ?
- Si je te dis que ça va
- Franchement Madame
- Ça va j’te dis
- On dirait que vous allez vous jeter
- Je vais pas me jeter
- Qu’est-ce qui s’est passé dans votre vie Madame ?
- Quoi qu’est-ce qui s’est passé ? il s’est rien passé
- D’accord. Parce que s’il s’est passé quelque chose il faut le dire. Si jamais il s’est passé quelque chose dans votre vie n’hésitez pas à en parler. Ça fait du bien d’en parler Madame. Par exemple au téléphone, ou alors à quelqu’un ou à personne, en général. C’est mieux que de se faire mourir, Madame. Désolé d’y revenir, mais si jamais il s’est passé quelque chose de grave, je veux dire quelque chose qui vous donnerait envie de vous faire sauter la caisse vous devriez en parler à quelqu’un
- En parler à quelqu’un, on dit ça pour se débarrasser, en parler à quelqu’un c’est pour déranger personne. Un jour j’en ai parlé à quelqu’un c’était comme si c’était personne. Il n’y a personne qui veut en parler. Les gens veulent pas en parler.
- C’est une tristesse, ce que vous dites, Madame, que les gens veulent pas en parler. Si les gens sont comme ça. Moi je veux bien en parler avec vous si vous voulez, de ce qui s’est passé dans votre vie.
- J’ai pas envie d’en parler, ni à toi ni à personne.
- Ça vous fout la honte, Madame, c’est ça ?
- Je sais pas.
- Vous avez fait une connerie Madame ?
- Non
- Vous avez fait une connerie. Bien sûr Madame. Je comprends, et vous voulez vous jeter à cause de cette connerie.
- J’ai rien fait, c’était pas de ma faute, mais les gens pensent que c’est de ma faute si j’ai rien fait.
- Je sais, Madame. Vous avez fait une connerie qu’est pas de votre faute parce que vous n’avez rien fait et c’est pour ça que vous avez honte, c’est la violence politique. La honte c’est toujours à cause d’une violence politique. Faut pas chercher. Franchement c’est pas la peine de mourir de violence politique, Madame. Vous voulez une clope ?
- Je veux bien. Merci
- Vous vous appelez comment Madame ?
- Martine.
- Martine ?
- Et alors ?
- Non c’est bien. C’est cool, j’aime bien.
-Martine, mourrez pas, il faut vivre et parler aux gens, faites vous une bonne image des gens, s’il vous plaît, il faut avoir une bonne image des gens pour transformer l’idée, après vous pourrez vivre quand même. Sans cette bonne image des gens alors vous n'y croyez plus et vous vous jetez. Par exemple un bon flic. Vous voyez ? un bon flic qui s’occupe pas des papiers des gens mais qui s'occupe de la violence politique. Vous imaginez ?
- Non
- Vous avez subi une violence politique, et le flic, au lieu de vous dire que vous l’avez bien cherché parce que vous êtes une fille ou un homo ou un étranger, il a une bonne image, il vous écoute et il prend la déposition, direct, comme ça. Vous y croyez ?
- Je sais pas.
- C’est difficile à croire, ça ?
- Oui
- D’accord. J’ai mal choisi l’exemple. Un psy ? Non Martine, je rigole.
Ça vous fait rire aussi Martine ? Ah ben ça va mieux alors ! Vous allez pas vous jeter tout de suite
- Je ris mais c’est pas drôle.