- Tu peux me répondre quelque chose ?
- Quoi ?
- Tu peux répondre à ça ?
- Si j’ai changé ? Non j’ai pas changé
- Si, tu changes. Tu vois pas mais tu changes
- C’est toi qui changes, c’est toi qui changes en disant ça, que moi je change alors que pas du tout. J’ai pas changé
- Avant t'étais autrement
- Avant quoi ?
- Avant en général
- En général ça veut rien dire
- Oui d’accord c'est vrai c'est pas en général
- Ah tu vois. Bon ça va, ça suffit, allez
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Je jette
- Tu jettes quoi ?
- Je jette les restes. J’ai pas envie de manger les restes. J’en ai marre de bouffer des restes
- Tu vois, ça, par exemple
- Quoi ?
- T’aurais jamais dit ça, avant, pour les restes. Avant t’aurais mangé les restes. T’aurais accommodé les restes, t’aurais fait quelque chose de mangeable avec tous ces restes
- Et alors ça veut rien dire
- Si ça veut dire, ça veut dire. Avant jamais t'aurais accepté de jeter comme ça sans accommoder
- Pas vrai. J'ai toujours détesté accommoder, j’ai jamais pensé autrement, j’ai fait autrement mais j’ai pas pensé autrement. J’ai pas changé
- Alors pourquoi tu le faisais si tu détestais ?
- Pour te faire plaisir
- Ah tu vois
- Je vois quoi ?
- Tu vois c’est ça qui a changé. Avant tu voulais me faire plaisir
- Quand je voulais te faire plaisir ça te faisait pas du tout plaisir. Les restes ça t’a jamais fait plaisir
- Pas vrai. J’acceptais très bien de manger les restes
- En disant c'est encore ça qu'on mange, tout le temps tu disais ça, c'est encore ça qu'on mange
- Mais je mangeais, et même j'en reprenais avec plaisir
- Pourquoi puisque t'en voulais jamais, des restes ?
- C'est une question de morale. Il y a parfois un plaisir dans la morale. Ne t’en déplaise. Une conscience du gaspillage alors oui, une morale, et même une morale mondiale. Le monde crève de jeter les restes
- J’ai pas envie de me taper tes saloperies de restes, c'est tout
- Le monde peut crever t’as pas envie alors tout est dit
- Oui
- Tu vois
- Je vois quoi ?
- T’as changé.