L’homme était petit, il était pour ainsi dire un enfant dans l’adulte, est-ce que c’était un homme on ne sait pas, il n’avait fait la preuve de rien, l’homme allait quelque part, il allait sur la tombe de son père qui n’était pas son père, je veux dire au commencement, mais qui l’était devenu. Il ne parlait pas ni ne pensait à son âme, il s’était assis, non, pas assis mais accroupi comme ne font pas les Européens, il était accroupi devant la tombe, ses bras posés sur les genoux, il restait longtemps là, il avait apporté un bouquet, c’étaient des fleurs cueillies devant chez lui, des fleurs qui poussaient au milieu du jardin en ruine, des fleurs et des herbes jaunes, il avait donc un de ces bouquets, comme il en avait fait souvent, qui ne ressemble qu’à la nature sauvage et sans rapport avec l’argent ni avec la culture. Pourquoi entretenir un jardin. Où est l’obligation de s’occuper du monde, l’homme n’avait pas l’intention d’y penser, il était petit et il pleurait, se tenait isolé sans cri, sans colère, il ne pouvait pas s’empêcher de faire bouger les muscles qui tiennent la mâchoire.
Depuis des jours il venait et restait au cimetière jusqu’à l’heure où l’ombre des montagnes arrive sur la ville, quand les hérissons commencent à courir.
Maintenant l’homme si petit dans l’adulte accroupi se frottait la tête avec les fleurs, il ne savait pas pourquoi il se laissait pleurer, c’était quelque chose de pleurer, ni bien ni mal, ni vrai ni faux, personne pour en parler, de ces pleurs, il n’avait pas de raison d’interpréter sa peine.
Alors tu es venu. Tu reviens tous les jours. Tu veux me dire quoi, fils ? Rien, papa, ni merci ni pardon. C’est pour ça, je suis là. Il n’y a rien à dire à un mort.