Tu me parles d’un chien mais un chien comment ? De quel chien parles-tu exactement ? Quel est son nom à ce chien, est-ce qu’il a un nom ? Tu me parles d’un chien mais il est qui ce chien et il est à qui il est bien à quelqu’un, les chiens sont à quelqu’un, ils appartiennent les chiens ou alors ils errent, est-ce qu’il erre, ce chien, alors est-ce que c’est ton chien ou un chien qui appartient à quelqu’un que tu connais ou alors un errant, que tu ne connais pas, que tu penses connaître ou que je connais, moi, un chien grand comment parce qu’il y en a de toutes les tailles, des chiens, et de toutes les sortes qu’on appelle des races mais est-ce que ce sont des races, est-ce qu’on dit telle ou telle race et pourquoi on dit race pour les chiens, pourquoi est-ce qu’on dit croisé ou bâtard c’est quoi la différence, tu dis un chien mais est-ce qu’il est de race ou croisé ou bâtard, par exemple, ou de chasse, ou berger, tu dis un chien comme si un chien ça existait mais un chien comme ça, dit comme ça c’est rien du tout en réalité, même on ne voit pas pourquoi le mot chien et pas un autre mot, le mot chien est-ce que ce n’est pas une catégorie humaine, je veux dire pour classer comme ça les animaux qui n’ont rien à voir avec les poules ou les chats, est-ce que tu parles de la catégorie chien ou d’autre chose enfin je ne suis pas biologiste et pas vétérinaire ni maître-chien ni spécialiste en chien mais il me semble, que quand tu dis un chien, quand tu parles d’un chien tu ne parles pas d’un chien, tu ne parles pas de tel ou tel chien qui serait un chien, tu ne parles pas de celui-là de chien parmi tous les chiens en tant qu’appartenance à la catégorie chien, il me semble que quand tu dis un chien ce n’est pas en rapport avec le chien mais uniquement avec toi. Voilà. C’est ce que je me dis. C’est l’idée qui me vient immédiatement, en réalité quand tu évoques un chien, que tu n’évoques jamais personne d’autre que toi, évidemment que tu me diras non, que quand tu parles d’un chien c’est bien d’un chien mais comment ne pas me dire que ce chien dont tu parles n’est qu’une catégorie, de chien, n’est qu’un mot valise avec aucun chien dedans, une valise à chien mais vide, une facilité de langage pour ne rien dire, au fond, du chien, de qui est ce chien, parce que le chien n’existe pas pour toi, parce que le chien en tant que chien, je veux dire précisément celui-là, de chien, qui a son histoire de chien et sa vie de chien, tu ne le vois pas du tout courir ni s’assoir ni dormir, tu ne l’entends pas aboyer ni gratter à la porte ou hurler à la lune, non tu ne penses pas à tout ça, ou alors tu y penses comme à des éléments qui permettent de caractériser la catégorie et pas comme des manières bien personnelles du chien, de ce vrai chien qui vit, dont en réalité tu ne veux rien savoir. Parce que ce savoir tu le refuses absolument, de la réalité personnelle de ce chien, étant donné que ce savoir n’est pas une simple connaissance générale, pas une simple théorie du chien, pas une représentation catégorielle de chien mais bel et bien une connaissance possible de celui-là, de chien, avec sa réalité proprement vivante et organique et bizarrement sensible, et probablement aussi imaginative mais as-tu seulement une seule fois pensé à l’imaginaire de ce chien, pas de l’imaginaire en général et théoriquement du chien la catégorie mais du chien précisément, t’es-tu seulement une seule fois imaginé le chien imaginer, pas un chien théorique imaginer théoriquement, mais ce chien bien réel, ce qu’il peut bien imaginer, c’est à dire produire comme images. Ça te foutrait le vertige. Je peux comprendre. Si ce chien est vraiment chien, alors il te faudra bien faire avec sa vie de chien et pas avec ta représentation de chien ou le chien modélisé en catégorie et il te faudrait prendre toute la mesure de cette puissance vivante avec laquelle évidemment tu n’es pas du tout capable de composer. C’est en ce sens que je dis que quand tu parles d’un chien tu ne parles que de toi, pas que tu sois un chien, ça non, évidemment je n’ai jamais pensé que tu pourrais être un chien, d’aucune manière, même pour rire, même de façon métaphorique et somme toute assez bête, les métaphores sont souvent bêtes, donc tu n’es pas un chien ni une métaphore, non, tu parles de toi parce que c’est ton vide, c'est ce vide que tu fais autour de toi avec les catégories, des catégories qui te servent à parler sans rien sentir, te servent surtout à ne rien sentir, à faire mourir tout ce qui vit, voilà ce que tu fais, avec ton idée de chien, quand tu dis un chien. Pareil quand tu dis une femme. Ou un chômeur.
Billet de blog 16 juin 2015
un chien
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