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Billet de blog 20 juin 2014

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La vie a petite dose

Comment tu pourrais faire pour vivre. Tu te demandes comment parce que la vie, ça te met l’angoisse, tu as l’angoisse qui te prend et qui t’empêche de vivre et toi tu veux vivre, mais vivre ça te tue alors comment faire pour vivre si la vie te tue.

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Comment tu pourrais faire pour vivre. Tu te demandes comment parce que la vie, ça te met l’angoisse, tu as l’angoisse qui te prend et qui t’empêche de vivre et toi tu veux vivre, mais vivre ça te tue alors comment faire pour vivre si la vie te tue. Tu vas diminuer ta dose de vie, c’est ce que tu trouves comme manière de vivre, diminuer la dose, comme ça la vie ça peut encore aller, la vie à petite dose, celle que tu peux vivre, celle qui est encore possible, pas la grande vie non et pas cette vie trop grande avec trop de sentiments et trop d’idées et trop de plaisirs et de joies et ce plaisir menaçant et cette joie menaçante, le plaisir si intense et la joie si intense qui rendent la vie proprement insupportable, insupportable au sens propre, ce que ne comprennent pas les gens avec leur joie de vivre et leur plaisir de vivre mais ils ne voient pas que vivre comme ça menace ta vie à toi, menace les fondements mêmes de ta vie, c’est à dire ta possibilité de vivre, c’est pourquoi diminuer la dose est la seule chose possible, parce qu’il y a tout de même cette petite vie encore supportable et peut-être possible, pour toi, sans réfléchir à tout ça parce que réfléchir n’est pas bon, réfléchir est mauvais pour toi, réfléchir c’est fléchir deux fois et fléchir même une fois tu ne peux pas te permettre parce que si tu fléchis qu’est-ce qui va se passer, alors tu commences par décider de ne plus penser à certaines choses, parce que si tu penses à ces choses tu sens un malaise et ce malaise se transforme en douleur et souvent ta douleur te lapide le ventre et te fait aussi trembler et tu voudrais tout arrêter et tu te dis qu’il vaut mieux arrêter d’y penser et tu te dis pourquoi j’y penserais, après tout ? à ça ? pourquoi je me poserais des problèmes qui font mal au ventre, tu ne sais pas ce qui décide chez toi de ce que tu supportes, par exemple tu ne supportes pas l’injustice, ça non, l’injustice tu ne peux pas la supporter mais il faut éprouver l’injustice pour ne pas la supporter alors tu fais ce qu’il faut pour sentir l’injustice, pour subir l’injustice, tu as besoin de subir l’injustice pour te sentir en vie, alors tu te mets dans les situations les plus terribles pour vérifier l’injustice et voilà que tu la ressens, ça devient insupportable et tu te replies dans ces contours de l’injustice et tu proclames ton inadéquation au monde tel qu’il est, si injuste, par une forme d’existence qui se voie bien de tous, la violence du monde il faut que tu la portes sur toi et que tu la donnes à voir et que tu t’en protèges par des rituels de plus en plus exigeants, qui te protègent du dehors, de la vie dehors, de cette grande vie maudite et tu te demandes comment ils font, ceux qui viennent te parler, pour parler si facilement de tout, tranquillement de tout, sur le ton de la conversation, comme de rien, envisagent les questions comme de simples dispositions de l’être, marcher, courir, danser, sauter comme de simples dispositions de l’être, discuter, échanger, donner, recevoir comme de simples dispositions de l’être, parler, se taire, sourire, pleurer, oublier, se souvenir comme de simples dispositions de l’être, écrire, imaginer, vouloir, refuser comme de simples dispositions de l’être, aimer, haïr, combattre, vivre comme de simples dispositions de l’être, vivre comme une simple disposition de l’être.Vivre comme une disposition.

Voilà qui n’est pas au programme, n’est-ce pas. 

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