Bonjour Aristote,
Merci pour ton idée sur l’amusement. Elle a eu beaucoup de succès. Mais elle ne marche pas du tout comme tu aurais voulu. Il me semble que cette idée, loin d'aller vers ce fameux but, le bonheur, que tu imaginais, a provoqué surtout du malheur et des désastres partout où elle a été suivie. Je comprends ton point de vue, mais il n'est pas très bon pour le siècle où nous sommes.
Un jour tu as écrit ça :
Le bonheur ne consiste pas dans l'amusement; il serait absurde que l'amusement fût le but de la vie; il serait absurde de travailler durant toute la vie et de souffrir rien qu'en vue de s'amuser. On peut dire, en effet, de toutes les choses du monde, qu'on ne les désirent jamais que pour une autre chose, excepté toutefois le bonheur; car c'est lui qui est le but. Mais s'appliquer et se donner de la peine, encore une fois, uniquement pour arriver à s'amuser, cela parait aussi par trop insensé et par trop puéril. Selon Anacharsis, il faut s'amuser ou s'appliquer ensuite sérieusement, et il a entièrement raison. L’amusement est une sorte de repos; et comme on ne saurait travailler sans relâche, le repos est un besoin. Mais le repos n'est certes pas le but de la vie; car il n'a jamais lieu qu'en vue de l'acte qu'on veut accomplir plus tard. La vie heureuse est la vie conforme à la vertu; et cette vie est sérieuse et appliquée; elle ne se compose pas de vains amusements. Les choses sérieuses paraissent en général fort au-dessus des plaisanteries et des badinages, et l'acte de la partie la meilleure de nous, ou de l'homme le meilleur, passe toujours aussi pour l'acte le plus sérieux. Or, l'acte du meilleur vaut mieux aussi par cela même ; et il donne plus de bonheur.
Alors je te propose de changer quelques trucs :
Le bonheur ne peut se passer de l'amusement; il serait absurde que l'amusement ne fût pas l’expression du bonheur ; il serait absurde de travailler durant toute la vie et de souffrir rien qu'en vue de ne pas s'amuser. On peut dire, en effet, de toutes les choses du monde, qu'on ne les désire jamais sérieusement, excepté toutefois la tristesse ; car c'est elle qui oblige au sérieux. Si bien que s'appliquer et se donner de la peine, encore une fois, uniquement pour arriver à être triste, cela parait par trop insensé et trop adulte. Selon Anacharsis, il faut s'amuser ou s'appliquer ensuite sérieusement, et il a en partie raison. Mais l’amusement n’est pas pour autant une sorte de repos ; comme on ne devrait jamais avoir à travailler sans s’amuser, l’amusement et le repos n’ont rien à voir. Si l’amusement n'est certes pas le but de la vie; il est en relation constante avec la vie. La vie heureuse est une vie conforme à la joie; et cette vie ne peut-être qu’amusante ; elle ne se compose pas de vains accablements. Les choses sérieuses paraissent en général fort au-dessus des plaisanteries et des badinages, et l'acte de la partie la meilleure de nous, ou de l'homme le meilleur, passe toujours aussi pour l'acte le plus sérieux. Mais ce n’est pas vrai. L’amusement vaut mieux que cela même ; et il donne plus de bonheur.
Dis-moi ce que tu en penses, et en quoi ce serait pire que ce que tu proposes.
Bises.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5727315w/f45.item.r=amusement