C'est un court extrait de la très longue lettre de Daniel Mesguich qui ne répond pas, mais réagit à la lettre des étudiants du Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris à Aurélie Filippetti, ministre de la culture.
« Voyez-vous, depuis quelques années, une guerre immense, sans merci, une guerre qui n’a jamais dit son nom, se livre en France et en Europe, et certainement bien au-delà même de ces frontières. Malgré quelques passerelles ici ou là – au demeurant très belles car, étrangement, chacun des deux camps a parfois besoin de l’autre, et il y a des gens merveilleux dans l’un et l’autre de ces camps, – deux mondes s’affrontent sans merci, disons, pour aller vite, celui de l’art, de la poésie, de l’utopie, de la confiance, de la recherche, de « l’humanisme », et celui de l’efficacité, de la consommation, de l’argent, du rendement, celui des technocrates et des « communicants ». Vous êtes nés dans cette guerre. Je vous le dis, notre monde, votre monde – que feriez-vous, sinon, au Conservatoire ? –, c’est le premier.
Mais vous avez écrit (n’avez-vous donc pas d’oreille?): «discours de la direction», « déficience dans l’organisation interne », « absence de planification », et autre « politique d’échange pérenne », qui sont mots et « concepts » de la langue du second. Ce ne sont pas, là, je vous le dis, des mots d’acteurs, des mots d’artistes... Je vous en conjure, jeunes gens, ne passez pas, sans même vous en rendre compte, à l’ennemi. »
Où les étudiants du Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique ont-ils donc bien pu apprendre ce langage ? Et où sont donc passé les mots d’acteurs et les mots d’artistes ? Qui les connaît ? Qui les définit ? Qui les transmet ? Qui les fabrique ?
Il est possible que ce soit ici un «discours de la direction» ou venu de quelque «lieu hors du temps et clos sur lui-même ». Quant à la disparition de mots si beaux du langage de la jeunesse, je parierais que c'est le résultat d' une « déficience dans l’organisation interne » par «absence de planification » poétique et didascalienne.