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Avoir une idée. Une idée quelconque. En faire un projet. Préciser l’intention. Circonscrire le sujet. Définir les conditions de réalisation. Anticiper les difficultés. Identifier les obstacles. Préciser les contraintes. Rassembler la documentation. Identifier les sources, les chercher, les trouver, les consulter, les authentifier. Créer un dossier numérique, l’intituler. Créer des dossiers dans le dossier, y ranger les sources par ordre chronologique, thématique, alphabétique. Se procurer des boîtes archive en carton standard, une dizaine de chemises carton lustré rigide à rabats et des sous-chemises recyclées couleur pastel 22x31 cm vendues par paquet de 250. Constituer un dossier physique et des sous-dossiers, où seront classés les documents de l’âge de l’imprimerie : photocopies d’archives et de pages d’ouvrages empruntés, articles de journaux, écrits manuscrits ou tapuscrits utiles au projet. Faire des relevés de terrain. Mener des enquêtes. Enregistrer des témoignages qui constitueront l’essentiel du sous-dossier “enquêtes”, dont la forme sera peut-être double, numérique et papier. Utiliser le smartphone pour les photos et enregistrements, ne pas oublier de les trier et de les ranger par catégories du plus intéressant au plus anecdotique. Ne pas faire de doublons. Supprimer tous les brouillons au fur et à mesure et toutes les photos ratées bien sûr, sauf si elles ont une valeur poétique ou heuristique. Prendre des notes à propos du projet sur un cahier à part. Tenir ce carnet de bord avec application. Envisager des schémas, des données chiffrés, des graphiques, des tableaux. Prévoir des post-it, des surligneurs, établir un code-couleurs. À mesure que le projet avance, créer d’autres dossiers définis par sous-thèmes. Créer un document où seront indiquées toutes les règles de classement. Le recopier sur le carnet de bord (ou inversement). Ne pas perdre le carnet de bord. Organiser le temps de travail. Prévoir des échéances. Faire un plan. Définir des chapitres. En prévoir la teneur en quelques lignes ou en parties et sous-parties. Fixer un nombre de pages minimum et un nombre de pages à ne pas dépasser, estimer le temps nécessaire à l’achèvement du projet, se soucier du lieu, des conditions et du moment de la publication. Ouvrir une page word. Écrire. Enregistrer sous un titre. Écrire. Enregistrer régulièrement sous le même titre. Sauvegarder l’écriture sur un disque externe une fois par semaine. Par exemple le samedi. Et ce jusqu’à la dernière phrase. Écrire le mot fin, ou pas, on s’en fout. Et voilà. Ce protocole, sorti des cuisines de Flaubert, a été amélioré par des générations de maniaques de l’organisation et de conseillers en art d’écrire sans faire d’erreur, et régulièrement mis à jour à mesure des révolutions technologiques et du développement de bienveillants mécanismes de contrôle des usages du langage, ce qui permet d’affirmer qu’aujourd’hui, grosso modo, il constitue un modèle quasiment infaillible, bien que toujours améliorable.