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Billet de blog 12 septembre 2025

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Législatives 2023 : les femmes votent-elles davantage à gauche que les hommes en France ?

Les jeunes femmes votent-elles plus à gauche et les jeunes hommes plus à droite ? Avec les politistes Nonna Mayer et Anja Durovic, nous avons analysé cette question pour les législatives 2024 en France. Les résultats sont parus cet été dans la revue française de Science politique. Voici une petite présentation de ces résultats. 

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Les jeunes femmes votent-elles plus à gauche et les jeunes hommes plus à droite ? Avec les politistes Nonna Mayer et Anja Durovic, nous avons analysé cette question pour les législatives 2024 en France. Les résultats sont parus cet été dans la revue française de Science politique (article complet à découvrir ici). 

Concernant la participation électorale : les électrices se sont autant mobilisées que les électeurs pour ces élections législatives. À profil socio-démographique et à niveau d’intérêt politique similaires, elles se sont même davantage mobilisées que les électeurs. 

Concernant le vote pour le Rassemblement National : on n’observe pas de retour du « Radical Right Gender Gap ». Les femmes ont, tout autant que les hommes, contribué au score sans précédent du RN au 1er tour de ces élections.

Ce résultat, pour des élections moins personnalisées que la présidentielle où l’effet Marine Le Pen joue donc moins, illustre la normalisation du Rassemblement National et le succès de sa stratégie politique ciblant les femmes, peu importe les candidat·es qui portent ses couleurs. 

Concernant les « youth gender gaps », c'est-à-dire la propension des jeunes femmes à moins voter pour l'extrême droite que les jeunes hommes : contrairement à ce que l’on observe dans de nombreux pays européens et non européens, les jeunes Françaises n’ont pas voté plus pour la gauche, ni moins pour l’extrême droite que les jeunes Français en 2024 (voir les graphiques ci-dessous). 

Illustration 1

Graphique : interaction genre & âge sans contrôles pour le vote RN.

Comme pour le vote NFP, chez les 18-29 ans, hommes et femmes votent pour le RN dans les mêmes proportions, contrairement aux tendances à l'international

Bien que plusieurs études attestent de forte divergences au niveau des valeurs et des attitudes (les jeunes femmes étant nettement plus progressistes en matière d’égalité femmes-hommes et de sexualité), pour l’instant ces différences ne semblent pas trouver de traduction électorale en France. 

Enfin, les attitudes sexistes au sens large, tant envers les femmes qu’envers les personnes ne se conformant pas à la norme hétérosexuelle, ont un effet significatif sur les choix électoraux. 

Plus une personne a des scores élevés sur notre échelle d’(hétéro)sexisme, plus il y a de chances qu’elle ait voté pour une ou un candidat du RN, plus ses scores sont bas, plus il y a de chances qu’elle ait voté pour un ou une candidate du NFP (voir graphiques). 

Illustration 2

La France reste donc pour l’instant à l’écart de la dynamique internationale qui voit les jeunes femmes voter davantage à gauche que les jeunes hommes. Cela semble tenir au fait que le Rassemblement National est passé maître du pinkwashing, affichant un discours plus « progressiste » sur les enjeux de genre et de sexualité que la plupart des autres partis de la droite radicale en Europe, en particulier l’AfD ou le parti Vox.

Notre conclusion :

Il est donc indispensable d’analyser plus en détail comment les différents partis politiques se positionnent sur les enjeux de genre et de sexualité, de diversifier les indicateurs susceptibles de capturer des nouvelles formes de sexisme et d’hétérosexisme, et de développer des indicateurs qui prennent en compte la nature profondément intersectionnelle de ces enjeux. Cela implique de mieux capturer la dimension économique des inégalités liées au genre (inégalités en termes de carrière professionnelle, de retraite, de prise en charge de problèmes de santé spécifiques aux femmes comme les congés menstruels ou l’endométriose).

Cela suppose aussi d’opérationnaliser les concepts de fémonationalisme et d’homonationalisme, soit l’instrumentalisation par les droites radicales de la défense des femmes ou des homosexuels, en articulant systématiquement les questions d’égalité femmes-hommes ou de discrimination des LGBTQI+ avec les attitudes racistes, islamophobes et xénophobes dans les questionnaires des enquêtes électorales. Nombre d’enquêtes qualitatives ont mis en évidence à quel point le caractère intersectionnel des enjeux de genre et de sexualité a un effet politique, notamment dans la fidélisation d’un électorat féminin pour le RN. Enfin, une piste de recherche que nos données ne nous permettaient pas d’explorer serait l’impact du genre des candidates et des candidats sur les choix électoraux, en particulier sur le RRGG.

Une étude menée par Noémie Piolat, Nonna Mayer et Anja Durovic

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