Aujourd'hui, mercredi 30 octobre 2024, au moins 4 personnes sont décédées en tentant de traverser la Manche. La semaine dernière, au moins 4 personnes sont décédées en tentant de traverser la Manche. Les semaines passent et les morts s'accumulent. En octobre, au moins 13 personnes exilées sont mortes à la frontière, faisant de 2024, avec au moins 68 personnes décédées et d'autres disparues, l'année la plus meurtrière à la frontière franco-britannique. L'année est pourtant encore loin d'être finie.
Dans les médias, l'État pointe du doigt les passeurs et met en scène son action pour "sauver des vies" et "rétablir l'ordre". Il alimente un discours essentialisant, déshumanisant et raciste visant à inhiber le développement d'empathie pour les personnes exilées au sein de la société civile. Derrière ces paroles, et par l'invisibilisation de la situation des personnes exilées en transit dans le Calaisis et le Dunkerquois, l'État tente de masquer sa responsabilité dans les prises de risques et les décès à la frontière.
Depuis la démolition de la "grande jungle" de Calais en octobre 2016, l'État met en oeuvre une politique de "lutte contre les points de fixation" associée à une militarisation de la frontière sans cesse plus importante. Cette politique se matérialise par de nombreuses actions et inactions de l'État visant à dissuader et empêcher les personnes exilées de s'établir, même temporairement, autour de la frontière. L'une des composantes de cette politique est le harcèlement policier quotidien. L'association Human Rights Observers observe, documente et analyse ce harcèlement quotidien. Dans son rapport 2023, publié le 23 octobre 2024, Human Rights Observers recense 701 expulsions de lieux de vie informels dans le Calaisis et le Dunkerquois. L'association y décortique le déroulé de ces expulsions, l'instrumentalisation du droit à des fins d'expulsion, la poursuite du harcèlement pendant les inondations qui ont marqué les Hauts-de-France à l'automne dernier, les nombreux cas de violences policières rapportés sur les lieux de vie, sur les plages et à la gare de Calais-Ville, et la criminalisation des personnes solidaires, notamment. Le rapport, basé sur des faits collectés sur le terrain par des observateur.ice.s, est disponible sur leur site internet : https://humanrightsobservers.org/fr/reports/.
En date du 20 octobre 2024, Human Rights Observers recense au moins 668 expulsions de lieux de vie informels dans le Calaisis et le Dunkerquois (décompte provisoire). Le harcèlement policier se poursuit dans les campements, dans la rue, dans les gares, aux arrêts de bus, sur les plages et tout autre zone de l'espace public. Les autorités continuent de restreindre l'espace dans lequel les personnes exilées tentent de trouver refuge : aujourd'hui encore, la mairie de Calais a fait installer des rochers sur ce qui était jusqu'à il y a seulement quelques jours un lieu habité par des personnes n'ayant aucune autre solution d'hébergement. Peut-on décemment imaginer que, traitées de cette manière, ces personnes renoncent à continuer la route jusqu'au Royaume-Uni ? Dans ce contexte, peut-on encore détourner le regard de l'implication de l'État dans les risques pris par ces personnes, dans le business autour du passage de la frontière, et dans les vies gâchées, mutilées et perdues ?