NemoRbn (avatar)

NemoRbn

Abonné·e de Mediapart

5 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 février 2023

NemoRbn (avatar)

NemoRbn

Abonné·e de Mediapart

Quel mécénat voulons-nous pour un secteur culturel en transition ?

Une nouvelle fois le partenariat d'Airbnb avec une institution culturelle interroge sur la place du mécénat dans les stratégies marketing des entreprises et le besoin de financement externe des structures culturelles. L'attention accrue des professionnels et du public sur ce type d'opération confirme une dynamique plus profonde ...

NemoRbn (avatar)

NemoRbn

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une nouvelle fois le partenariat d'Airbnb avec une institution culturelle, cette fois-ci l'Opéra de Paris, interroge sur la place du mécénat dans les stratégies marketing des entreprises et le besoin de financement externe des structures culturelles. L'attention accrue des professionnels et du public sur ce type d'opération confirmerait une dynamique plus profonde qui pousse à tort comme à raison, les instituions sont de plus en plus au centre d'une lutte symbolique, au sein de laquelle elles restent essentiellement passives.

Si les musées sont devenus en peu de temps la caisse de résonance de la contestation climatique ces dernières années, il faut se souvenir que les premières protestations du genre se sont tenues contre le mécénat de British Petroleum à la Tate en 2011 ou encore contre celui de Total au Louvre en 2017. Bien que les structures très établies (l'Opéra, le Louvre, etc.) invoquent la nécessité financière de garantir leur mission patrimoniale pour défendre de tels partenariats, leur politique de mécénat en fait d'elles des actrices de la vie de la cité.

De fait, le risque est de voir la pression du public continuer de s'accentuer sur de telles actions à mesure que certains débats de société ne trouveront pas une issue notamment politique (la lutte face au changement climatique, la question du logement, notamment à Paris, ...) et par effet ricochet voir certaines instituions se recroqueviller sur elles-mêmes, plutôt que s'ouvrir à ces questionnements. Sur ce point, l'article d'Antoine Pecqueur en novembre dernier pour Mediapart est très éclairant.

Il semble donc nécessaire pour les institutions d'interroger leurs pratiques, au même titre que celle de leur public qui elles le sont constamment (énergétiques, culturelles, etc.), sans quoi elles risquent de subir cette lutte symbolique en leur sein amputée de leurs marges de manœuvre déjà fines.

D'autant qu'un acteur du champ n'est pas encore complètement rentré dans cette lutte : les artistes. Pas entièrement, car bien que iels œuvrent à leur échelle par leurs démarches à créer de nouvelles manières de penser ce qui arrive comme des futurs désirables, leurs prises de position peuvent avoir un profond impact. À ce titre, on peut se souvenir de la campagne menée par Nan Goldin face à la famille Sackler, leur entreprise pharmaceuthique Purdue et leur produit phare l’OxyContin, responsable de l’épidémie mondiale de dépendance aux opioïdes. Action d’une efficacité redoutable, le nom Sackler ayant disparu des plus prestigieuses institutions que la famille mécénait, le Met, la Serpentine et le Louvre en l'espace de quelques années. Face à cela, si les considérations morales ne font pas consensus, c’est bien a minima la notion de risque qui prévaut, un risque de voir la position symbolique des institutions et par extension du secteur culturel dramatiquement régresser.

Donnella Meadows rappelait dans sa théorie des 12 leviers pour intervenir dans un système, que le champ culturel dans sa capacité à faire évoluer les paradigmes est le levier le plus important avec le plus d'impact, que cela soit en termes environnementaux comme sociaux, le rôle des institutions comme de leur politique de mécénat serait probablement de prendre en compte ses enjeux au vu des défis à venir. Au moment où la loi Aillagon s'apprête à fêter ses vingt ans, une réflexion sur ce sujet et le financement du secteur serait d'autant plus la bienvenue qu'elle pourrait se transformer en axe majeur d'une nouvelle politique culturelle de la transition ou d'une transition vers une nouvelle politique culturelle.
NB : Le Louvre comme l'Opéra sont des institutions faciles à pointer du doigt, là où d'autres partenariats posent tout autant question comme le fait qu'Airbnb ou Coca-cola soient partenaires des futurs Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, mais qui ne sont pas ou peu évoqué dans la presse.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.