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Billet de blog 21 juin 2024

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Chronique politique des législatives de Charente (et perspectives 2024)

Militant de gauche sur le territoire, voici un petit état très personnels des circonscriptions de Charente #circo1601 #circo1602 et #circo1603 et de ce que l'on peut attendre pour le 30 juin et 7 juillet prochain.

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Militant de gauche sur le territoire, voici un petit état très personnels des circonscriptions de Charente #circo1601 #circo1602 et #circo1603 et de ce que l'on peut attendre pour le 30 juin et 7 juillet prochain.

#Circo1601 : Une circonscription pleine de surprises

Commençons par le commencement : la #circo1601 correspond, grosso modo, au territoire du Grand Angoulême depuis 1986, à l'exception de quelques communes.

La #Circo1601 regroupe des populations aisées sur le plateau d'Angoulême, des villes périphériques cossues et des banlieues populaires, notamment dans les villes de Soyaux et de La Couronne. Dans son ensemble, la circonscription reflète la dynamique des luttes de pouvoir nationales avec un ancrage plutôt à gauche, héritage des terres mittérandiennes.

Si la circonscription en tant que telle n'existe que depuis 2012, le PS conservait son hégémonie sur l'ancienne 4ème circonscription de Charente (Angoulême Nord et La Rochefoucauld) depuis 1986. La 1ère (Angoulême Sud jusqu'à la limite sud du département) basculait en fonction des majorités jusqu'en 1997, date à laquelle le PS reprit définitivement la main sur l'ensemble de la Charente.

La déroute du mandat de François Hollande en 2017 entraîna la défaite de Martine Pinville, députée sortante et secrétaire d'État depuis 2015. À l'image de la France, la circonscription se reconfigura entre LREM et LFI. Thomas Mesnier, LREM devenu Horizons, fut élu grâce à un report de voix massif de la droite face à Martine Bouty, candidate de la FI qui parvint à surprendre tout le monde en battant le PS de 1000 voix (2%) dès le premier tour

2022 dans la #Circo1601 : Une autre paire de manche

Thomas Mesnier confirma son ancrage local en se faisant élire au conseil départemental. Côté FI, René Pilato mena un travail de longue haleine pour transformer les résultats de 2017 en victoire en 2022. Les résultats de la présidentielle furent de bon augure avec la candidature de Jean-Luc Mélenchon qui arriva 2ᵉ à 24%, tandis que Macron faisait 28,6%.

Malgré l'accord de la NUPES, le PS de Charente soutint la candidature dissidente d'un élu local (comme dans l'ensemble des circonscriptions) face à Renée Pilato. Le deuxième tour de 2022 fut une revanche de 2017, la NUPES en plus. Malheureusement et malgré la dynamique nationale en faveur de la NUPES, Thomas Mesnier  s'imposa 24 voix près. Autre symbole de la tendance nationale, le RN doubla son nombre de voix (6000) tandis que LR s'effondrait comme sur l'ensemble du département.

Mais les rebondissements ne s'arrêtèrent pas là !  Après vérification des PV du second tour, l'élection fut annulée pour irrégularité et une partielle organisée en janvier 2023. Marquée par le début de la mobilisation contre la réforme des retraites et une abstention très forte (71%), Renée Pilato et Thomas Mesnier se requalifièrent tous deux pour le second tour de la partielle. Malgré le ballotage défavorable de la France Insoumise après le 1e tour, le travail de mobilisation des abstentionnistes sembla porter ses fruits (-1,45 pts entre les deux tours) et René Pilato fut élu à 474 voix au second tour.

Et pour 2024 ?

Malgré la tentative du président du département, aligné sur la ligne de Bernard Cazneuve et en faveur d'une union avec LREM contre LFI sur la 1ère et la 3ème circonscription (1), le Front populaire investit Renée Pilato qui devrait conserver son siège à la faveur de la dynamique nationale du Front populaire et de son ancrage. Néanmoins, le vote des électeurs centristes sera décisif, car dans un scénario d'union des droites (LR, RN et Rec), ceux-ci ont 844 voix d'avance sur le Front populaire (par rapport aux élections européennes 2022).

#Circo1602 : L'enfant terrible de la Charente

Héritière de la 2ᵉ et de l'ancienne 1ʳᵉ circonscription, la #circo1602 se distingue des #Circo1601 et #Circo1603 : coupée en deux par la RN10, l'essentiel de la population se concentre à l'ouest de la circonscription, autour de Cognac et Jarnac. Tournée vers la production d'un produit de luxe, l'économie de la circonscription explique que les électeurs.trices de la 2ᵉ circonscription sont en moyenne plus aisés que ceux de la 1ʳᵉ et de la 3ᵉ. À cela s'ajoute une forte proportion de viticulteurs. Ces deux facteurs combinés donnent à la circonscription une trajectoire électorale assez similaire à certaines circonscriptions du nord de la Gironde.

Une circonscription liée aux figures du Cognaçais

Dans l'après-guerre, la circonscription était tenue par Félix Gaillard, proche de Jean Monnet (cognaçais d'origine), ministre et président du Conseil qui décéda en fonction en 1970. Suivant le mouvement national, la droite et le centre vont solidifier leur influence sur la circonscription, grâce à l'augmentation du niveau de vie et à la concentration des richesses dans le bassin de Cognac. Seules les grandes victoires de la gauche ont fait basculer la circonscription : 1981, 1988, 1997. Seule exception en 2007, où les divisions à droite permettent à Marie-Line Reynaud de s'emparer du siège qu'elle conservera en 2012.

À noter que dès 1988, le RN réalise des scores importants : entre 3000 et 5000 voix, à l'exception de 2007, où il s'effondre complètement (conséquence de la politique de Nicolas Sarkozy).

2017 est à l'image de la circonscription : la dispersion des voix de gauche entre LREM, PS (qui perd 80% de ses voix par rapport à 2012), EELV et LFI (qui double le score du PG en 2012) permet à Sandra Marsaud, ancienne militante socialiste, d'être élue confortablement face à un candidat de l'UDI.

Les législatives de 2022 seront une occasion ratée : une candidature dissidente du PRG, poussée par la majorité départementale de gauche, empêche la candidate de la France Insoumise d'atteindre le second tour, face à un RN qui atteint désormais les 10.000 voix. Le manque d'ancrage local des candidats LFI et RN est une opportunité pour Sandra Marsaud de conserver son siège.

Un avenir incertain

2024 sera une épreuve pour que cette circonscription ne bascule pas définitivement au RN : avec l'effondrement des LR, le RN a capté énormément de voix de la droite aux dernières européennes (près de 16.000 / + 6pts par rapport à la moyenne nationale) sans compter un réservoir de voix venant de Reconquête.

La bonne nouvelle, c'est que l'extrême droite est divisée, avec une dissidence RN et une candidature Reconquête en plus de LR et RN. LFI a fait le choix d'une candidature avec un plus fort ancrage local que 2022 et sans candidature dissidente au sein de la gauche.

Il y a fort à parier que, malgré les divisions de l'extrême droite, au moins un de leurs candidats se qualifiera pour le second tour. Si la dynamique du Front populaire se concrétise, on peut s'attendre à ce que la FI prenne la 1ère sinon la 2ème place. Néanmoins, le second tour sera très dépendant du vote des LR et de la droite modérée. Reste à savoir si, malgré la candidature d'une Insoumise et l'accord électoral entre le RN et Eric Ciotti, dont le candidat se revendique, les élécteur.ices de la droite et du centre seront prêts à faire barrage.

#Circo1603 : Plus c'est gros, plus ça passe

Terre des métayers et cœur de la Charente rouge, la 3e circonscription de Charente était auparavant moins étendue et se concentrait autour du Confolentais jusqu'à la RN10. Un territoire historiquement populaire - qui l'est toujours par ailleurs - où le PCF avait de très fortes assises aussi bien politiques que syndicales.

André Soury et la Charente rouge

La période de l'après-guerre est marquée par la longue saga d'André Soury, paysan et militant infatigable du PCF. Après un premier mandat sous la 4e République en 1956 (élections à la proportionnelle départementale), il sera systématiquement battu par la droite modérée et paysanne jusqu'en 1978 où il réussira enfin à trouver les quelques pourcents qui lui manquèrent pendant près de 20 ans. En 1986, lors des élections à la proportionnelle qui voient le PCF s'effondrer et le FN commencer sa dynamique, il perd face à un jeune conseiller municipal de Jarnac et petit-neveu de François Mitterrand de 27 ans : Jérôme Lambert.

Basculement vers une Charente rose

Avec le redécoupage de la circonscription en 1988, cela marque le basculement de cette "ancienne Charente rouge" vers une Charente rose, à l'image du département. À l'exception peut-être de la grande longévité de Jérôme Lambert, qui de 1986 à 2022 ne sera battu qu'une fois en 1993, soit près de 31 ans de mandat pour 7 législatures. En parallèle de quoi le Front national progresse lentement, autour de 3 à 4 mille voix de 1988 à 2012 (sauf en 2007), puis double son score aux élections de 2012 et 2017.

La progression du FN peut s'expliquer d'une part par la dynamique nationale, peut-être la lassitude et le manque de renouvellement de l'éternel député sortant à l'égard des habitants du territoire et peut-être aussi ses prises de position conservatrices à l'égard des propositions les plus progressistes sociétalement du programme de François Hollande, notamment le mariage pour tous. Cela le conduit à le mettre en ballotage défavorable en 2017 face à une ancienne cadre du PS locale passée chez LREM, mais finalement remporté l'élection. Côté gauche radicale, LFI et le PCF après avoir été unis sous la bannière du Front de gauche en 2012 (candidat communiste), se retrouvent concurrents suite au parachutage d'une candidate LFI. La gauche radicale totalise près de 9.000 voix, ce qui aurait pu, dans le cadre d'une campagne unitaire, envisager une qualification au second tour.

Une opportunité manquée

L'élection de 2022 est à l'image de nombreuses circonscriptions française, mais il faut reconnaitre que le RN Néo-aquitain qui sous l'impulsion d'Edwige Diaz a sus développer son implantation dans les territoires ruraux notamment dans la 3ᵉ circonscription de Charente.

Les accords de la NUPES et le lobbying de ces membres au niveau local comme national poussent le PS à retirer l'investiture de Jérôme Lambert bien que la circonscription leur soit allouée. Les prises de position contre le mariage pour tous ou les liens de Jérôme Lambert avec le régime autoritaire d'Azerbaïdjan seraient les principaux griefs évoqués à l'encontre du sortant.

Ce faisant, le PS se refuse d'investir un candidat local et Jérôme Lambert maintient sa candidature dissidente à l'image de la dynamique départementale. Le RN en embuscade dont la responsable départementale se tient en embuscade se positionne finalement sur la #circo1603 au lieu de la #circo1602. En parallèle, le candidat investi par LREM se désiste au dernier moment et une candidature de secours est improvisée. L'ensemble de ces facteurs conduit à une élimination de la gauche dès le premier tour, la candidate de la NUPES arrivant 3e (19.48%) à 435 voix de la candidate LREM, Jérome Lambert faisant 4e (17.92%). La gauche éliminée, LREM mal préparée et une augmentation de l'abstention (-2000 votants) comme des votes blancs (+1278 voix) permettent au RN d'obtenir dans le nord Charente l'un de ces 88 sièges à 200 voix près.

2024 : un retour dans le giron grâce au front ?

La circonscription ayant été confiée au PS dans le cadre des accords de la NUPES, elle est restée dans le même giron avec le Nouveau Front Populaire, malgré une tentative d'alliance au centre comme dans la première circonscription par le président de la majorité départementale de gauche (1). Avec une alliance des gauches et une candidate élue locale du PS, le Nouveau Front Populaire a de quoi espérer de pouvoir déloger l'actuelle député du Rassemblement national, si est seulement si les voix des déçus du macronisme se reportent sur la candidate socialiste à défaut de voter pour la majorité présidentielle à minima au second tour.

Les équilibres de votes des européennes sont peu ou prou les mêmes que la législatives 22 avec même une légère hausse de la participation. Entre les européennes et les législatives, le bloc central (LR et LREM) perd 4.000 voix, le bloc de gauche idem à la faveur de l'extrême droite. Le grand flou subsiste quant à savoir si ce transfert de voix résulte de la stratégie de normailisation mise en place par la députée sortante ou d'un vote sanction, probablement les deux, mais les proportions restent floues. En 2022, la gauche dans son ensemble pouvait compter sur près de 17.000 voix suffisamment pour se qualifier au second tour avec une candidature unique. Il en résulte que, comme pour un grand nombre des circonscriptions françaises, la victoire du Nouveau Front Populaire se jouera au centre. En ce sens, il y a fort à espérer que la dynamique nationale du NFP associée à l'ancrage local de la candidate permette un retour dans la maison PS de la 3e circonscription de Charente.

Mais ça les 30 et 7 juillet prochain, nous le dirons !

(1) Législatives en Charente : échec d’une discussion Mesnier/Bouty pour un front commun, le candidat Modem de la 3e circonscription est choisi

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