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Billet de blog 26 août 2024

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La voix des quartiers populaires semble être étouffée sous Macron

Depuis plusieurs années, les quartiers populaires en France sont régulièrement critiqués pour leur prétendu manque d’engagement citoyen. Pourtant, ces accusations méritent d’être réexaminées à la lumière des récentes élections législatives.

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Depuis plusieurs années, les quartiers populaires en France sont régulièrement critiqués pour leur prétendu manque d’engagement citoyen. Accusés de démobilisation et d’indifférence envers les affaires de leur propre pays, ces territoires sont souvent stigmatisés dans le débat public dans les grandes chaînes médiatiques. Pourtant, ces accusations méritent d’être réexaminées à la lumière des récentes élections législatives.

Alors que le dernier suffrage a été marqué par une participation significative des quartiers populaires, plusieurs milliers de jeunes se sont mobilisés pour contrer l’extrême droite, représentée par Jordan Bardella, et la droite dure, incarnée par Éric Ciotti. Les habitants des quartiers populaires étaient au rendez-vous, défiant ainsi les prévisions des instituts de sondage qui les avaient sous-estimés.

Dans le département de la Seine-Saint-Denis, qui abrite une population significative issue de l’immigration, la gauche a remporté l’ensemble des douze circonscriptions. Lors du premier tour, six députés avaient déjà été réélus, les six autres sièges ont été emportés par des candidats du Nouveau Front Populaire. Ces résultats ont joué un rôle déterminant dans l’équilibre des forces politiques au niveau national, offrant à la gauche une majorité parlementaire. Cette majorité ouvre la possibilité de nommer un Premier ministre issu de cette coalition de gauche, marquant ainsi un tournant potentiel dans la direction politique du pays.

À la suite de ce scrutin, de nombreuses critiques émanent de l’ensemble des forces de gauche à l’encontre du président de la République, Emmanuel Macron. Elles dénoncent sa décision de ne pas respecter la volonté exprimée par le suffrage universel en refusant de nommer un Premier ministre issu du bloc de gauche. Macron justifie ce choix en déclarant qu’il ne souhaite pas inclure des ministres issus de La France Insoumise, dirigée par Jean-Luc Mélenchon, au sein de son gouvernement, invoquant le risque d’instabilité politique.

Le président Macron n’en est pas à son premier coup de force contre la démocratie. Sous l’impulsion de réformes controversées, telles que la loi sur l’immigration, les lois sécuritaires, la répression violente des Gilets jaunes, ainsi que bien d’autres mesures, et avec une centralisation accrue du pouvoir, il est accusé par l’opposition de mener une véritable “prise en otage” des institutions démocratiques françaises. De plus, l’absence prolongée de nomination d’un Premier ministre depuis plusieurs semaines ne fait qu’accentuer ces suspicions.

Dans une interview télévisée, Jean-Louis Debré, l’ancien président du conseil constitutionnel, n’a pas hésité à critiquer vivement le président Macron pour son refus de nommer un Premier ministre issu de l’Union de la gauche, cette dernière ayant été majoritaire au premier tour des dernières élections législatives.

L’ancien président du Conseil constitutionnel a déclaré que le président doit respecter le vote des Français, car ceux-ci, dans leur immense majorité, ont rendu un verdict défavorable au président de la République. Selon lui : « La démocratie suppose que l’on tienne compte de ce verdict ; on ne cherche pas des combinaisons ni des calculs, sinon la démocratie n’a pas de sens. » Il a ajouté : « Personne n’imposait la consultation du peuple. Le peuple français a dit qu’il ne voulait plus de la politique suivie par le président de la République. »

Ce positionnement dangereux du président, en s’alignant avec l’ensemble de la droite et soutenu par un discours médiatique stratégique à son avantage, illustre une nouvelle forme de discrimination qui, à notre avis, est excessive. Cette politique cible particulièrement l’aspiration des quartiers populaires en s’opposant à leurs choix électoraux, notamment ceux en faveur de La France Insoumise. 

En réalité, cette main de fer exercée par Macron depuis plusieurs semaines après les élections législatives montre une fois de plus que les décisions sont dictées exclusivement par ceux qui détiennent le pouvoir et l’argent. Pour les autres, il semble qu’il n’y ait rien à signaler, leur voix restant marginalisée, car ils se trouvent, semble-t-il, du mauvais côté. Et lors des prochaines échéances politiques, il ne sera peut-être même plus nécessaire de se demander pourquoi ces quartiers ne votent plus !

La France révolutionnaire, autrefois phare des nations et symbole de lumière pour le monde, risque aujourd’hui de perdre son influence et son prestige en raison de ses dérives, pour le moins ce qu’on peut dire, autoritaires. Ces pratiques, en contradiction avec les valeurs démocratiques qui ont jadis inspiré tant de peuples, menacent de ternir l’héritage de la République et d’affaiblir son rôle sur la scène international. 

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