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Faisant suite à notre précédent article « ET SI L’HUMANITE AVAIT ENCORE UN AVENIR (Partie 1) » ce nouveau chapitre de nos pensées et réflexions "utopiques".
Après avoir évoqué les questions relatives à l’Humanité, à la Sensibilité, à la Danse et à l’Amour, voilà que nous abordons dans cette partie, les thèmes de l’Enfance, de la Famille, du Travail, du Droit, de la Société, de l’Economie et de la Guerre et paix.
- Humanité (partie 1)
- Sensibilité (partie 1)
- Danse (partie 1)
- Amour (partie 1)
- Enfance
- Famille
- Travail
- Droit
- Société
- Économie
- Guerre et paix
- État
- Justice
- Gouvernement
- École
- Religion
- Natures
Enfance
Les enfants qui naissent de nos amours sont les enfants de tous et ne nous appartiennent pas.
Ils ne comblent pas un besoin mais augmentent nos vies. Ainsi engendrés et élevés, ils ne porteront pas nos manques.
« Nous sommes les fils d'Éros », ainsi parlent nos enfants. Comme nous, ils l'honoreront plus que leur père. De toute façon, ils ne savent pas toujours qui est leur père.
Nous voulons que l'attention soit étendue à tous ceux qui ne sont pas du même sang, et que les enfants reconnaissent en ceux qui ne sont pas leurs géniteurs des précepteurs.
Rien de choquant, à ce que mon fils reconnaisse comme un père un de mes amis. Rien de choquant à ce qu'il voit sa femme comme une mère. La reconnaissance part aussi bien d'en haut que d'en bas.
Toute la connaissance de soi découle de cette question : qu'est-ce que je suis en droit de m'approprier ?
« De quoi j'hérite ? » : mauvaise question. « De quoi je veux hériter ? » : bonne question.
Pour connaître son propre, il ne faut ni appartenir à des parents ni posséder ses enfants.
Enfants et adultes vivent ensemble, partagent le repas ensemble, jouent ensemble, discutent ensemble. Leur inégalité repose uniquement sur l'expérience.
À la surveillance exclusive qui conduit au secret, nous préférons la tolérance inclusive qui produit la sincérité. Fin du mensonge, début de la vérité.
Famille
Nous veillons à ne pas former une grande famille car la sensualité exige l'altérité. Je n'appelle pas un ami un frère et je n’épouse pas une sœur. La communauté que nous formons n'est pas une fraternité mais une cité.
Nous savons qu'une cellule primitive est nécessaire (ni plus ni moins un nid), comme un nom (ni plus ni moins une ascendance). Il y a un besoin de foyer et de lignée. Mais il n'y a pas un besoin d'hérédité.
L'hérédité ? Un fantôme plus qu'une réalité. Un démon plus qu'un dieu. Fin du familial, début du social.
Travail
Le travail est un besoin et une valeur. Mais il n'est pas le seul besoin ni la seule valeur.
Travailler toute la journée en vue de subvenir à ses besoins : quel temps reste-t-il réellement pour subvenir à ses besoins ?
Prouver sa valeur par une vie de travail : quelle valeur peut bien avoir une telle vie ? À épuiser sa vertu dans le travail, on perd toutes ses vertus.
Après une journée de travail, quel temps reste-t-il pour l'éducation des enfants ? Pour la qualité de nos amours ? Pour l'amitié ? Pour le soin de nos corps et de nos âmes ?
Après une journée de travail, comble de l'ironie, quel temps reste-t-il pour le travail ?
En réalité, nous ne voulons pas la fin du travail mais la fin du labeur. Il n'est pas vrai que la production totale des choses nécessaires au bien-être individuel et collectif exige l'exploitation totale de notre force vitale quotidienne.
Sans doute le labeur est-il le travail primitif. Mais que devient la récolte des fruits ? Un nouveau labeur. En réalité nous ne voulons pas la fin du labeur, mais la fin d'une vie laborieuse.
Notre société a réduit les besoins à deux pôles qui se complètent et ne cessent de s'enrichir pendant qu'on s'appauvrit : produire et consommer. Après la production, et parce qu'il y a production, la consommation ; après la consommation, et parce qu'il y a consommation, la production. Nous ne sommes pourtant ni producteurs, ni consommateurs : pas seulement.
Le besoin de produire et de consommer est une nécessité vitale, pas existentielle. Le plaisir qu'on y trouve est un plaisir hominien, pas un plaisir humain.
Nous ne voulons pas la fin de la production mais la fin de la surproduction : début de la création.
Nous ne voulons pas la fin de la consommation mais la fin de la surconsommation : début de la contemplation.
Droit
Pour donner droit à tous les besoins de l'Humain, il faut réformer le droit, et avant tout le droit du travail.
Nos premiers droits sont de subvenir à nos besoins (qui se réduisent tous à la conservation du bien-être) et d'honorer nos devoirs (qui se ramènent tous à la conservation de la liberté).
Pour articuler au mieux nos besoins et nos devoirs, il ne faut pas que les uns empiètent sur les autres, c'est-à-dire que le travail empêche de créer et que la création empêche de travailler.
Quand la satisfaction du besoin l'emporte sur la réalisation du devoir, la vie agréable prime sur la vie libre et on devient un esclave ; quand au contraire on veut honorer son devoir au détriment de ses besoins, la vie libre l'emporte sur la vie agréable et on risque la misère, moralement ou économiquement.
Chose curieuse, c'est au moment même où on risque sa liberté pour son bien-être qu'on le perd aussitôt : un esclave n’est pas heureux.
Chose curieuse, c'est au moment même où on risque son bien-être pour sa liberté que l'on perd sa liberté : un misérable n'est pas libre.
La liberté est essentielle au bien-être, et le bien-être à la liberté. Ensemble ils forment le bonheur.
Le partage des nécessités du bien-être et des impératifs de la liberté doit se faire au quotidien, et ne doit en aucun cas se faire sur une vie. Il n'y a donc qu'une loi fondamentale pour être heureux : fin du travail à la mi-journée, afin que le bonheur, et pas seulement le bien-être, ni seulement la liberté, soit assurés.
En réduisant le temps de travail, nous n'augmentons pas le temps de consommation. Nous augmentons le temps de libre création, de libre contemplation et de libre association.
En réduisant le temps de travail, nous ne limitons pas la production. Nous limitons la surproduction et la surconsommation.
En réduisant le temps de travail, nous n'empêchons pas les Hommes de jouer leur liberté au travail. Nous les empêchons de la perdre.
En réduisant le temps de travail, nous ne réfrénons pas le désir de travailler. Nous le déplaçons dans la gratuité, afin que le surtravail des uns cesse d'entraîner le surtravail des autres, et que leur liberté supposée ne se paye plus d'une autre bien réelle.
En réduisant le temps de travail, nous ne méprisons pas les joies du travail, nous limitons juste ses peines...
Fin de l'exploitation et de l'aliénation.
Société
Comme il est évident que l'on ne peut consommer en produisant, ni produire en consommant, il faut que le consommateur puisse trouver les produits de sa consommation après sa demi-journée de travail. Cela implique que le commerce, parmi d'autres activités de services, n'ait pas lieu le matin, mais l'après-midi.
Nous décrétons le début de la production des services à la mi-journée, quand s'achève la production des biens. En conséquence, les producteurs de biens (agriculteurs, industriels, ouvriers, artisans) sont du matin et les producteurs de services (commerçants, gestionnaires) sont de l'après-midi.
Puisque les producteurs de services ont eux aussi besoin de services, il est nécessaire de décompter leur temps de consommation et d'administration de leur temps de travail, ce qui implique un travail en équipe pour éviter toute fermeture de service, et une demi-journée d'activité tertiaire globalement plus longue que la demi-journée d'activité primaire et secondaire.
Il est inévitable que la demi-journée de services s'étende à une partie de la nuit (c'est notamment nécessaire pour la production de certains services festifs), bien que les travailleurs qui y contribuent ne travaillent pas plus que ceux du matin, soit à peu près cinq heures, en relayage continu ou remplacement concerté.
L'emploi du temps des métiers du soin (médecins, infirmiers, accompagnateurs) et celui des métiers de l'éducation (professeurs, formateurs, auxiliaires) est indifférent : il y aura ceux du matin et ceux de l'après-midi, selon les besoins de la cité, mais de telle sorte que soin et éducation soient pourvus toute la journée et, pour les soins d'urgence, toute la nuit.
La cité que nous formons impose certes un choix aux futurs travailleurs (matin, après-midi) ; elle peut même, compte tenu de ses urgences ou de ses besoins, fortement le conditionner (biens, services, soin, éducation) mais, comme cela n'occupe pas toute la journée, on ne peut être malheureux à cause de son travail.
Sur le temps libre, en dehors du temps de consommation et d'administration, et à la place du temps de contemplation, d'association et de création, il y aura toujours un temps possible pour la réorientation, de telle manière que si les besoins de la cité ne l'interdisent pas, on puisse se préparer à faire un autre travail.
Avec la demi-journée de travail s'ouvre la possibilité de connaître plusieurs professions au cours de son existence, selon ses besoins ou ses désirs. Il est absurde de décider sa vie professionnelle dans sa seule jeunesse.
Imagine-t-on la vie de ceux du matin ? Après-midi de culture, de consommation, de repos, de rencontres conviviales... Quant à ceux de l'après-midi : matinée dilatée, où le temps est pris pour préparer sereinement le travail qui vient, ou pour régénérer le corps et l'âme, une activité de loisir sportif ou studieux placée ici ou là...
L'après-midi et le soir, ceux du matin et ceux de l'après-midi se rencontrent inévitablement. Plus d'isolement de caste, le lien social est cousu.
La demi-journée de liberté, c'est la totale vie de liberté : que chacun fasse ce qu'il veut, mais sans salaire, de façon gratuite, c'est-à-dire gratifiante pour soi-même et pour autrui.
La science, les arts et les sports, nous faisons le pari qu'ils seront cultivés, si ce n'est par tous, par beaucoup. Science, art et sport ne sont pas des professions salariées et ne doivent pas l'être : ce sont des œuvres à la fois personnelles et communes. Sans rémunération, il ne pourra s'y trouver la moindre malhonnêteté ni la moindre imposture.
La demi-journée de liberté, c’est la diminution des richesses matérielles, car le temps de production est réduit. Mais est-ce un souci si le nécessaire est assuré et que les richesses spirituelles s'en trouvent d'autant plus augmentées ? Fin du matérialisme.
Economie
Nous ne dirons jamais : « l'économie gouverne la société ». Nous dirons toujours : « la société génère l'économie ».
Quand la société légifère, on ne peut déterminer a priori les richesses à produire. L'économie devient imprévisible, c'est-à-dire vivante. Quand au contraire l'économie légifère, on part de besoins supposés et de richesses à produire : la société devient prévoyante et prévisible, c'est-à-dire morte.
Rappel de l'étymologiste aux économistes : l'économie est initialement l'art de « gérer sa maison », c'est-à-dire de satisfaire ses multiples besoins. Non l'art de produire des besoins.
Rappel du psychologue aux économistes : quand les besoins sont produits par l'économie, ce ne sont pas des excédents qui sont produits mais des manques, c'est-à-dire de la souffrance.
Rappel du philosophe aux économistes : quand les besoins économiques sont ancrés dans les mœurs, ce n'est plus la saine raison qui gouverne mais le désir illimité, c'est-à-dire la partie aveugle de l'âme.
Rappel du politique aux économistes : quand le désir légifère, ce n'est pas la paix de l'âme et celle de la cité qui sont garanties, mais la guerre de tous contre tous et l'envie infâme.
Quelle « maison » l'art qui est censé l'administrer a-t-elle légué aux Hommes ? Les Humains ne s'inquiètent pas d'économie mais d'écologie.
Au nomos de l'oikos nous préférons le logos de l'oikos. Fin de la territorialité, début de la terralité. Paysage.
Guerre et paix
L'Humain défend son territoire comme tout animal, mais il n'a pas besoin d'en conquérir un comme tout Homme. De là un pacifisme sans conditions, ce qui ne veut pas dire : ne pas être en guerre...
Le pacifisme lutte contre toute tentative d'annexion et d'extension des territoires. De là une guerre à la guerre sans conditions.
La guerre, c'est le désir d'exister d'une seule forme de vie. La paix, c'est la conscience du droit d'exister pour toute forme de vie.
Il n'y a qu'une seule forme de vie qui ne soit pas tolérable, c'est celle qui ne tolère pas les autres formes de vie.
Si nous faisons la guerre à la guerre, c'est parce que cette forme de vie est pour l'homogénéité et l'uniformité de la vie. Cela revient à vouloir la mort car la vie, c'est la diversité et l'hétérogénéité des formes de vie.
Le pacifisme aime toutes les formes de vie sauf une ; le bellicisme n'aime aucune vie sauf une. Laquelle des deux contradictions est la plus viable ?
Le bellicisme, c'est la puissance du pouvoir ; le pacifisme, le pouvoir de la puissance. Le premier veut étendre un territoire à toute la Terre, le second défend les territoires sur toute la Terre. Début du monde, fin de l'immonde.
SUITE A VENIR