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A peine la cérémonie de clôture achevée, je vous livre mon analyse des résultats et des événements qui auront marqué cette compétition de très haut vol. Il nous faut souligner d’emblée quatre points :
- Une cérémonie d’ouverture qui malgré la pluie et certains aspects jugés tendancieux – tout est une question de goût et de valeur, peut être considérée comme très réussie. Dans l’ensemble, elle s’est révélée originale et intéressante ; organisée pour la première fois de l’histoire des jeux d’été en pleine cité, dans une ville qui n’aura jamais parue si belle que durant ces quinze jours… Je dois avouer que j’ai été un peu moins fan de la cérémonie de clôture ;
- L’organisation très réussie de ces championnats avec un investissement à tous les niveaux de la France nation et l’excellente médiatisation qui aura permis de suivre malgré la multiplicité des épreuves, l’intégralité des compétitions, discipline par discipline. Avec à la clé, quelques procédés technologiques de type statistique et biomécanique ou d’une autre nature, qui auront permis aux téléspectateurs de se forger une opinion plus outillée des faits et des résultats ;
- Le formidable enthousiasme du public qui a répondu présent de façon massive à l’ensemble des compétitions qui avaient lieu sur différents sites : un engouement populaire sans précédent qui aura sans doute permis aux sportifs français de pouvoir bénéficier du « home advantage » ;
- Une réussite générale de nos ressortissants qui permet à la France de se situer à la 5ème place au rang des nations. Un classement qui nous fait honneur parce qu’il traduit, qu’on le veuille ou non, la culture sportive d’un pays dans un contexte de concurrence internationale. Elle valide l’expertise de nos entraîneurs, accompagnateurs et cadres -et le rôle joué par l’Agence Nationale du Sport ; elle légitime également les investissements financiers qui ont été concédés par l’Etat pour la plus grande réussite de notre pays à ces Jeux.
La France sort grandie de ces Jeux avec une sacrée image de réussite et de cohésion : la France est belle et vivante.
Une présence tous azimuts.
Ce qui est intéressant à noter concernant la culture sportive de notre pays, c’est le fait que nous ayons été visibles dans un très grand nombre de sports. Sur le plan stratégique, il faut préciser que la France s’est longtemps interrogée sur le fait de savoir si elle devait continuer à être présente, comme cela avait toujours été le cas par le passé, dans toutes les disciplines sportives ou si elle devait concentrer ses efforts sur celles dans lesquelles elle avait les plus grandes chances de réussir. Les résultats obtenus à l’occasion de ces Jeux semblent démonter qu’il faut persévérer dans l’idée de pouvoir encourager un maximum de disciplines dans leur quête de médaille ; certains résultats obtenus par nos sportifs ou nos équipes les moins bien placés à l’échelon international mais plus que méritants par la suite, plaident pour qu’un investissement à minima puisse toujours être accordé à chacun(e) d’entre-eux(elles) au moment où débutent les plans quadriennaux de préparation. Parce que les disciplines aujourd’hui les plus performantes ne seront peut-être pas celles qui le seront demain alors que certaines disciplines qui ne demandent qu’à être accompagnées, peuvent nous réserver de très bonnes surprises. Cette politique a cependant un désavantage, c’est qu’elle est coûteuse.
Rangs de classement
C’est un point déterminant de l’analyse quantitative des résultats obtenus à l’occasion des Jeux de Paris 2024 : en finissant 5ème au classement des nations / médailles d’Or, la France obtient un rang qui est meilleur que celui de son classement dans la liste des pays les plus riches du Monde: 7ème au classement PIB 2024. En finissant également 4ème au rang des classements toutes médailles gagnées, la France démontre qu’elle possède une élite de sportifs qui ne se cantonne pas à quelques champions et à quelques disciplines.
Pour être tout à fait précis sur ce genre de données, il me parait utile de rappeler quelques bons scores obtenus par les délégations françaises depuis la création des Jeux (rang de classement aux médailles d’or): 1ère en 1900, 3ème en 1924 à Paris, 3ème en 1932 à Los Angeles, 3ème en 1948 à Londres, 4ème en 1896 à Athènes, 4ème en 1908 à Londres, 5ème en 1912 à Stockholm, 5ème en 1936 à Berlin, 5ème en 1996 à Atlanta. Mais 8ème seulement à Tokyo en 2021 ; à noter le plus mauvais classement de la France : 25ème en 1960 à Rome.
Le système de classement par la médaille d’or entérine la capacité qu’à une nation d’atteindre le plus haut niveau de réussite ; on ne peut occulter de prendre en considération cette donnée parce qu’elle représente la réussite ultime, le graal en quelque sorte, mais il serait injuste de ne pas tenir compte des podiums : ils reflètent la quantité de la qualité, la véritable densité d’une élite. L’observation dans le temps de cette donnée en ce qui concerne la France aboutit au classement suivant : 1ère en 1900, 3ème en 1924 à Paris, 3ème en 1932 à Los Angeles, 3ème en 1948 à Londres, 4ème en 1896 à Athènes, 4ème en 1908 à Londres, 4ème en 1920 à Anvers, 5ème en 1928 à Amsterdam, 5ème en 1936 à Berlin, 5ème en 1996 à Atlanta.
Pour être tout à fait juste, on pourrait et devrait mettre en place un système additionnel qui révélerait davantage la force de frappe d’une nation, à partir d’un système d’attribution de points du style : 5 pts pour le premier, 3 pts pour le second et un point pour le 3ème. Dans ce cadre là, la France obtiendrait la 3ème place devant la Grande Bretagne, l’Australie et le Japon. Dans certains cas, il est tenu compte des huit premiers (référence à la Placing table).
Analyses qualitatives
Une analyse plus approfondie devrait permettre de comparer la richesse des pays, en termes de PIB, au nombre de médailles obtenu ; elle permettrait de qualifier le taux de transformation de cette richesse en médaille d’or ou d’une autre nature (notions de coût et de rentabilité). Ce qui me parait très intéressant, c’est de doubler cette information en rapportant le nombre de médailles obtenues à la taille de la population – afin de pouvoir comparer des choses comparables. Quelques enseignements surprenants peuvent en être retirés :
- Certains pays à la taille immense n’émergent toujours pas: c’est le cas de l’Inde ; certains pays obtiennent des résultats décevants si l’on se fie aux promesses qui semblaient s’annoncer : c’est le cas du Brésil
- Les pays qui sont les meilleurs du point de vue du rapport taille de la population / résultats obtenus toutes couleurs de médaille cumulées sont dans l’ordre : la Nouvelle Zélande très nettement en tête, l’Australie et les Pays-Bas. La France viendrait en 4ème position juste devant la Grande Bretagne ; ce qui constitue un excellent résultat (une sorte d’indice de productivité).
Un classement à tempérer
Il nous faut être clair sur les données afin de pouvoir délivrer une analyse la plus objective possibles des phénomènes observés. Certaines contrevérités ont été énoncées sans modération, avec une interprétation partielle et partiale (on fait dire aux chiffres ce que l’on veut bien leur faire dire !). On ne peut ainsi occulter l’absence de la Russie dans le classement des nations les plus performantes au monde ; pour mémoire, les athlètes russes avaient été regroupés lors des jeux précédents c’est-à-dire à Tokyo 2021 (affaire du dopage d’état) sous une bannière neutre. La ROC avait alors obtenu, dans ce contexte particulier, une 5ème place au rang des nations avec 71 médailles gagnées dont 20 en Or. En présence des athlètes Russes, peut-être aurions nous fini à la 6ème place ; on peut imaginer que nous n’aurions pas atteint le même nombre de médailles
- Concernant le nombre de médailles d’or: c’est à Atlanta 1996 que nous aurions obtenu le meilleur score avec 15 médailles d’or, nous disent les analystes historiens, mais dans la réalité, c’est aux Jeux de Paris en 1900 que le résultat obtenu par la délégation française a été le plus important : 27. Mais je reconnais qu’il s’agit d’une autre époque ; on peut considérer à juste raison que le record « absolu » aura été effectivement battu à Paris avec l’obtention d’une seizième médaille d’or.
- Concernant le nombre total de médailles: nous avions obtenu 43 médailles à Pékin 2008 et 42 à Rio 2016 ; et 103 à Paris 1900 ! Avec 64 médailles obtenues à Paris 2024, le record « absolu » en ce qui concerne les jeux des temps modernes, aura été non pas battu, mais pulvérisé.
Néanmoins, ces beaux résultats doivent être rapportés au nombre d’épreuves car le programme était auparavant beaucoup moins dense : pour exemple, au programme des Jeux d’Atlanta 1996, il y en avait 271 contre 329 à Paris !
La France qui brille
Il ne peut s’agir de mettre en évidence les résultats obtenus dans une discipline particulière plutôt que dans une autre mais on peut juste reconnaitre que les Français ont particulièrement réussi dans les sports de combat : 22 médailles réparties entre le Judo, l’Escrime, la Boxe et le Taekwondo. On doit également souligner les beaux résultats obtenus en termes de médailles d’or par la Natation (obtenu en grande partie par la présence d’un nageur prodigieux), le Cyclisme (décevant cependant dans le domaine de la vitesse sur piste) et l’extraordinaire comportement et prestation de nos joueurs de Tennis de table (en individuel et par équipe). Et d’autres belles victoires, je pense notamment au Triathlon ou au Mountain Bike devraient être mentionnées, mais il n’est pas dans le projet de cet article, d’analyser les succès de façon individuelle ; beaucoup de sportif(ves) podiumé(e)s ont été héroïques. J’ai été notablement surpris par la capacité dont a témoigné la plupart de nos sportif(ves) à gérer la pression et à se transcender « le jour J ».
Je garde cependant une pensée émue et sincère pour tous ceux qui, parmi les sportifs, n’ont pas pu se qualifier, ont été vaincus par un adversaire qu'ils avaient l'habitude de battre (ils se sont déçus quand ils ne regrettent pas d'avoir déçu leur entourage et leurs supporters) ou par la malchance ("un mauvais jour", un contexte défavorable, etc. )… pour tous ceux qui, parmi les entraineurs, ont travaillé et sont resté dans l’ombre à l’occasion de ces Jeux. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette question…
Mais ce qui a étonné et étonne encore le public d’une manière générale, c’est l’extraordinaire succès des sports collectifs ; la France est sans doute aujourd’hui et dans ce domaine précisément, le pays de référence -confirmant les très beaux résultats déjà obtenus à Tokyo 2021. Ma génération n’aurait jamais imaginé voir autant d’équipes françaises se frayer un chemin, avec la manière s’il vous plait, vers des sommets aussi stratosphériques que ceux qui ont été atteints par nos équipes de sports collectifs à l’occasion de ces jeux. Dans un domaine où la concurrence internationale est particulièrement relevé, ou les enjeux et les investissements financiers sont aussi importants, ce ne sont pas moins de 7 équipes qui auront été récompensés par une médaille dont deux titres. J’ai personnellement été très étonné par le niveau de combativité des français(es) dans ces différentes disciplines et par leur intelligence technique et tactique ; par la prestation également des entraineurs nationaux. Je veux rendre hommage ici aux centres de formation qui ont su former des joueurs « intelligents ».
L’athlétisme qui flambe
Il ne s’agit pas d’enterrer ici une discipline, mais je pense que de façon très sérieuse, il va falloir maintenant étudier les raisons profondes qui expliquent que la France, malgré ses nombreux jeunes talents, disparait petit à petit et de façon inexorable, dans le concert international des nations. Une seule médaille obtenue sur 144 médailles réparties dans 48 épreuves hommes et femmes confondues ; la France est classée 31ème au tableau des médailles en athlétisme. On a l’habitude d’entendre mais c’est une vérité qui n’excuse pas ce résultat très médiocre, que l’athlétisme est la discipline qui est la plus concurrentielle de toutes disciplines sportives, puisque pratiquée sur tous les continents et par tous les pays. J’en appelle à des états généraux dans cette discipline ; il faut réagir vite et fort, de façon intelligente parce qu’il y a une contradiction très forte entre le classement de la France à ces Jeux et le classement de l’athlétisme, sport populaire parmi les sports populaires, à l’échelon de la planète.
Rien ne sera plus possible…
On évoque souvent la question de l’héritage qui sera laissée à la suite de ces Jeux ; ce qu’il faut savoir, c’est que plus rien de grand ne pourra être possible sans investissement. Le sport de haut niveau obéit plus que jamais à la loi du « Citius, Altius, Fortius", et il n’y aura désormais plus de place laissée au hasard. Toutes les ressources, de quelque nature qu'elles soient, doivent pouvoir être mobilisées pour avoir une chance de briller dans ce genre de compétition. Les français ont démontré me semble-t-il qu’ils avaient du talent, je pense aux sportifs et que leur encadrement était de qualité, je pense aux coachs et autres accompagnateurs. Il y a de la ressource dans notre pays à tous les niveaux : en termes de savoir, de savoir-faire et de savoir être ; il faut simplement être capable de « mettre tout ça en musique ».
Aux Jeux d’Athènes 2004, on a dépassé la barrière des 200 nations présentes pour disputer l’ensemble des épreuves inscrites au programme, c’est dire que tous les états dans le monde participent aux Jeux. Depuis quelques années, on constate bien la montée du niveau de concurrence et de façon corolaire, la montée des niveaux de préparation. Chacun(e) cherche maintenant à s'entraîner dans les meilleures conditions possibles et avec les meilleures équipes d'encadrement, quitte à s'expatrier; après l'augmentation quantitative de la concurrence il est venu le temps de l'augmentation qualitative.
Pour les français, les Jeux de Los Angeles devraient commencer demain.