Norbert Krantz (avatar)

Norbert Krantz

Ancien acteur du sport de Haut niveau

Abonné·e de Mediapart

18 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 août 2024

Norbert Krantz (avatar)

Norbert Krantz

Ancien acteur du sport de Haut niveau

Abonné·e de Mediapart

Jeux Olympiques de Paris 2024: les français et la concurrence

Après une analyse « à chaud », il me parait intéressant d’approfondir un certain nombre de questions à propos: de la valeur d’une médaille, en prenant notamment en considération, le niveau de compétitivité des différentes disciplines et la façon dont les nations concurrentes répartissent leurs forces – ou pas, pour conquérir un maximum de médailles.

Norbert Krantz (avatar)

Norbert Krantz

Ancien acteur du sport de Haut niveau

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Deuxième volet d’une analyse faisant suite aux résultats obtenus par la France lors des Jeux Olympiques de Paris, comparés à ceux de la concurrence immédiate.

Cet article fait suite à celui que j’ai fait paraitre le 12 août et qui s’intitule : « Mon billet à propos des Jeux Olympiques de Paris 2024 » ; après une analyse « à chaud », il me parait intéressant d’approfondir un certain nombre de questions à propos:

  1. De la valeur d’une médaille, en prenant notamment en considération, le niveau de compétitivité des différentes disciplines ;
  2. De la façon dont les nations concurrentes répartissent leurs forces – ou pas, pour conquérir un maximum de médailles.

Dans mon esprit, il s’agit d’aller un peu plus loin dans une démarche qui vise à identifier en profondeur, la nature réelle de la performance qui a été accomplie par les français, en coefficientant -en relativisant- si je puis dire, les résultats obtenus dans chaque discipline par rapport aux autres nations. En d’autres termes, la difficulté pour réussir au plus haut niveau est-elle la même dans tous les sports ? Si OUI, la question du mérite ou de l’expertise ne mérite pas d’être posée ; si NON, alors il parait intéressant de réfléchir aux disciplines dans lesquelles nous avons gagné ou pas et de reconnaitre que nous avons peut-être parfois réussi dans des « niches » ou des « chasses gardées ».

Il n’y a pas de mauvaise intention derrière mon analyse, il y a simplement le désir de mettre le doigt sur un aspect de la réussite en sport qui ne serait pas simplement déterminée par des conditions endogènes au système mais à des conditions exogènes ou degré d’internationalisation des disciplines. Sujet délicat s’il en est mais sujet important si l’on veut bien réfléchir d’un point de vue prospectif à l’avenir car l’avenir sera marqué par un gommage progressif des inégalités structurelles entre les pays développés et les pays émergents. Après tout, il faut bien reconnaitre que le programme des Jeux  depuis leur création a été l’œuvre d’esprits occidentaux ; on ne peut pas dire que la pratique de l’Escrime fait partie du patrimoine culturel de l’Egypte, et pourtant cette nation a remporté une médaille dans cette discipline. Donc on peut imaginer que tout deviendra possible au fur et à mesure du temps. D’autres disciplines par leur aspect environnemental et/ou technologique ne sont pas accessibles à un certain nombre de pays ; je ne veux pas les citer parce que je ne veux pas les offusquer, mais c’est un fait incompressible, irréfutable.

Illustration 1
Photo de Norbert Krantz © Norbert Krantz

J’ai opté pour la prise en considération du nombre de pays qui ont remporté au moins une médaille dans une discipline donnée.

Dans ce cadre là, l’Athlétisme apparait comme le sport le plus concurrentiel et de loin : 43 pays ont été capables de gagner une médaille à l’occasion de ces Jeux. Puis viennent les sports de combat : Boxe (30 pays), Judo (27 pays), Lutte (26 pays), Taekwondo (23 pays). C’est dire que dans ces sports-là, le « mérite » est particulièrement grand lorsqu’on est capable d’accrocher un podium.

Le classement de la France comme nation dans chacune de ces disciplines nous éclaire sur la capacité dont les sportifs et les équipes ont relevé le défi. Nous sommes classés respectivement 2ème Judo, 4ème Taekwondo, 6ème en Canoë Kayak et 8ème Boxe ; mais 31ème en Athlétisme et revenant sans médaille en ce qui concerne la Lutte. Donc, nous sommes capables de réussir dans quatre premières disciplines mais pas dans les deux suivantes, à niveau de concurrence comparable !

Nous sommes capables également d’atteindre les plus hauts sommets en sports collectifs, seuls les Etats Unis sont capables de nous concurrencer dans une catégorie de sports dont la pratique s’est internationalisée, même s’il faut tenir compte de l’aspect financier qui fait que la préparation d’une équipe coûte toujours très cher pour l’obtention d’une seule médaille. Certains pays ne peuvent pas suivre ou sont obligés de faire des choix drastiques.

Les sports cyclistes ont présenté un certain nombre d’épreuves bien différentes dans lesquelles on a parfois brillé mais il demeure que dans le domaine ou le plus de médailles était distribué, à savoir le Cyclisme sur piste, nous finissons 8ème parmi les 12 nations qui ont été récompensé.  

Comment se répartissent les forces des pays ?

J’ai pris en considération les douze nations qui ont remporté le plus de médailles ; l’observation des données semble dessiner deux orientations :

  • Des pays à spectre large, qui sont présents dans un maximum d’épreuves : le cas des Etats Unis (34) et de la France (27), loin devant la Chine (23) et la Grande Bretagne (22). Cet indicateur va dans le sens de ce que j’ai pu écrire auparavant, la France a réussi en grande partie parce qu’elle est capable d’être présente et souvent compétitive dans un grand nombre de disciplines.
  • Des pays à spectre étroit, qui performent très fort mais dans un petit nombre de disciplines : le cas extrême étant celui de la Nouvelle Zélande (médailles obtenues dans 9 disciplines simplement !)

Quelles sont les disciplines dans lesquelles excellent les meilleures nations ?

L’indicateur choisi est celui du nombre de médailles obtenu dans une discipline particulière par un pays par rapport à l’ensemble des médailles glanées par ce même pays -donc, toutes disciplines confondues. Nous aurions pu faire des camemberts…

  1. Concernant les Etats Unis, l’Athlétisme et la Natation représentent 49% des médailles gagnées par ce pays. Mais on doit préciser à ce niveau là de réflexion, que ces deux sports sont les plus pourvoyeurs en médailles de tous les sports présents aux Jeux Olympiques. Et la Gymnastique artistique et sportive fait 7%
  2. Concernant la Chine, pas de sport dominateur mais une présence importante en Natation (13%), Plongeon (12%), Tir (11%) et Gymnastique artistique et sportive (10%)
  3. Concernant la Grande Bretagne: Athlétisme (15%), Aviron et Cyclisme sur piste (chacun à 12%).
  4. Concernant la France: Judo (16%), Natation et Escrime (chacun à 11%)
  5. Concernant l’Australie: Natation (34%), Athlétisme (13%) et Cyclisme sur piste (9%)
  6. Concernant le Japon, une très grosse présence en Lutte (24%) et Judo (18%). Soit deux sports prédominants
  7. Concernant l’Italie: Natation et Escrime (chacun à 13%), Tir (10%)
  8. Concernant les Pays-Bas : Aviron (24%), Athlétisme (18%), Cyclisme sur piste (15%) et Voile (12%). Un profil proche de celui de la Grande Bretagne
  9. Concernant l’Allemagne: Sports équestres (15%). Un seul sport prédominant
  10. Concernant la Corée du Sud : Tir à l’arc (22%) et Tir (19%)
  11. Concernant le Canada: Natation (30%) et Athlétisme (19%)
  12. Concernant la Nouvelle Zélande: Cyclisme sur piste (25%)

Conclusion

Cette étude avait pour vocation de nous éclairer sur un certain nombre de questions :

  • A propos de la valeur d’une médaille, il est évident que la difficulté n’est pas la même selon la discipline pratiquée. Tous les sports nécessiteront certes « Temps, Travail et Talent », et le champion restera le champion, mais certains sports présentent un niveau de concurrence mondiale tel qu’ils ne peuvent pas être comparés à d’autres sports.  
  • A propos de la façon dont les nations concurrentes répartissent leurs forces – ou pas, pour conquérir un maximum de médailles ; de manière générale, les plus grandes nations sont capables de s’exprimer dans un grand nombre de disciplines, elles ne peuvent pas faire autrement -elles présentent un spectre d’expression large. C’est à un deuxième niveau de réussite que l’on observe des stratégies sélectives avec l’existence de quelques sports de prédilection sur lesquels vont reposer tous les efforts.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.