Ce soir du 10 juillet, donc, on se dit - bêtement - que l'on va échapper à la pollution sonore en allant goûter un film vanté unanimement - en tout cas par l'arbitre du bon goût parisien, j'ai nommé Télérama.
La Tortue rouge, annoncé comme un chef d'oeuvre - ce n'en est pas un, mais là n'est pas le propos - semblait se prêter particulièrement bien au but (sic) recherché: échanger deux heures d'hystérie contre deux heures de poésie.
Las... ce film est muet. Bien sûr, il y a une bande son, mais qui, partie prenante de l'histoire, se mêle à l'image, la soutient, la prolonge, se fait parfois dialogue, parfois commentaire; un personnage en elle-même. De la qualité d'écoute dépend donc le bonheur du spectateur - et le respect du film. Et pour une fois, pas de bonbons froissés ni de pop-corns croqués dans la salle: nous nous préparions, tous, à "goûter", au sens propre, une oeuvre cinématographique.
C'était sans compter les footeux par procuration, rassemblés dans le café adjoint à la salle: car chacun de leurs hurlements, chacune de leurs vociférations brisèrent le film, s'imprimant comme des étrons sur l'écran sonore: le frémissement des bambous, le cliquetis des crabes, le regard de la tortue, le murmure de l'océan - son rugissement même -, tout cela fut sali par la réjouissance populaire, celle dont on se félicite en haut parce qu'elle "rassemble".
La Tortue rouge en paya le prix, fort, laminée par le ballon rond.
Et nous aussi.
Mais pas MK2, qui gère à la fois le cinéma et le café...