- Merci pour cet article. Je suis psychiatre et psychanalyste. J ai eu la chance de recevoir de fondateurs de la psychiatrie de secteur comme René Diatkine, sociale, ouverte aux plus démunis.
Je reste très actif dans le champ de formation des médecins, infirmières et psychologues. Oui, comme l'a écrit Daniel Zagury récemment dans le monde, nous ne quitterons pas le navire sans témoigner de la violence faite aux patients, à leur famille d'avoir de façon inexorable réduit les capacités d accueil dans tous les sens du terme de la psychiatrie : manque de lits, manque de psychiatres, création depuis 2002 de structures medico sociales moins couteuses mais hélas moins ambitieuses sur le plan therapeutique. Et surtout : la vision opératoire et sécuritaire a entrainé une régression des pratiques, une absence cruciale de formation des équipes, lesquelles ,comme en témoigne le témoignage de cet aide soignant étonné que des patients recouvrent leurs competences et le sens de la vie, ont été coupées du riche héritage de leurs ainés.
Et pourtant les recherches en psychiatrie avancent, une utilisation raisonnée et fondée des medicaments est possible, les expériences post freudiennes des groupes et systémiques permettent de mieux penser et vivre l institution. Il y a même de la place pour les approches cognitives et comportementales dès lors que celles ci admettent leurs limites et n' evacuent pas la complexité humaine du désir, de l angoisse, du délire, bref l histoire d'une personne. Ce sont ces évidences que les équipes, prises en otages par les visions securitaires et comptables dedaigneuses de ce qu elles pensent être " l'obstacle de la singularité humaine", rappellent avec force jusqu à la grève de la faim : pouvoir à nouveau mettre au centre parole et rencontre. Rien à voir avec une vision passéiste et rétrograde du métier : garder, voir redécouvrir ce que parole et rencontre ouvrent ( et cela demande bcp de formation et d'humilité). La psychiatrie et ses capacités d accueil en disent long sur l état de notre lien social car c'est sa vocation de faire place aux plus démunis, elle devrait être le lieu de la solidarite humaine la plus élémentaire. Le lui permet-on encore?
Qui veut à nouveau former les infirmièresau champ de la psychiatrie? A la fois pour donner plaisir et sécurité à des équipes trop souvent mises dans l impossibilité de réaliser leur mission à cause d injonctions paradoxales et d'insuffisance de formation. Jusqu au burn out. Et souvent cette demande de formation est très présente chez les jeunes qui choisissent par vocation ce metier et y donnent leur meilleur énergie.
Les medicaments et autres stratégies thérapeutiques peuvent parfaitement s intégrer à une approche relationnelle vivante, de nombreuses études et expériences en témoignent.
Ce n'est pas nier la maladie de prendre en compte la personne. L'éthique des soins s'appuie sur l accueil et le respect d'une histoire, sans culpabilisation du patient ( et c est vrai que les praxis du passé ont pu parfois commettte cette erreur), sans chercher à tout expliquer à partir de celle-ci mais sans omettre de prendre en compte les les liens complexes entre maladie et personne.
Concernant la violence et la contention, les raisons institutionnelles de leur inflation sont de mieux en mieux étudiées.
Il reste l essentiel, qu Adeline Hazan et d autres impulsent : faire savoir ce qu il en est de la réalité de terrain en psychiatrie et bien souvent à l'hopital public ( cf livre du Pr Halimi--- Hopitaux en détresse et récente émission sur France Inter sur le sujet vendredi 15 juin), le faire savoir fort, et longtemps car le discours technocratique ne voudra rien entendre ( à preuve l attitude de l ARS au Rouvray) et minimisera ou s appuiera sur la puissance exhorbitante que lui a donné la loi HPST de Bachelot Sarkozy. Si les médias peuvent relayer cette cause positive, rien moins que le respect et le secours dû à l' autre, et si le peuple citoyen peut et veut en faire un combat.
Je me réjouis du courage qui monte en vagues dans de nombreux hopitaux ( actions, grèves, lettres rassemblant la communauté médicale et soignante faites aux directeurs d hôpitaux, à l ARS..)
La limite de l insoutenable est cette fois atteinte.
N Ben Bachir
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