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Billet de blog 1 décembre 2023

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Analyse de la loi Asile-Immigration (dite loi Darmanin) sous un prisme féministe

Ce texte, édité en brochure, provient d’un travail de lecture et d’analyse féministe et militant du projet de loi, et du contexte politique raciste et islamophobe dans lequel il s’inscrit.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Grenoble, décembre 2023

Groupe Féministe Antifasciste 38

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 Version à imprimer + liens vers les réseaux des deux collectifs ici


Ce texte a été produit pendant le printemps / été 2023. Au départ dans le cadre d’une réunion publique d’explication des lois Darmanin et Kasbarian-Bergé organisée par l’AG de lutte contre ces deux projets de loi, nous avons ensuite animé un atelier au sein de l’Assemblée féministe de Grenoble avec ce même texte, puis au festival féministe la Poudrière à Dijon. Ce texte, maintenant sous forme de brochure, permet également à la Coordination nationale féministe (dont nos deux collectifs font partie) de se saisir du sujet et de penser une mobilisation féministe contre la loi Asile-Immigration.


Nous tenons à préciser que nous ne sommes pas juristes.  La priorité pour nous n’était pas tant d’expliquer les articles de loi dans le détail que de fournir une analyse politique sur leurs conséquences, en détaillant notamment leurs impacts sur les femmes musulmanes.

Les échanges que nous avons eu lors des présentations de ce texte ont enrichi notre analyse. Cette brochure est fixée dans le temps de par sa date d’impression, mais nous restons ouvertes à tout retour, toute proposition d’ajout ou d’amélioration pour la compléter.

De plus, cette brochure n’est pas une fin en soi, mais une porte qui veut ouvrir sur des réflexions collectives sur l’action que nous devons mener contre ce projet de loi. Il y a urgence à se mobiliser collectivement contre cette loi raciste, qui va renforcer la criminalisation des personnes sans-papier et des musulman.es, va renforcer leur contrôle par l’Etat, justifier leur enfermement, leur expulsion et leur mort.

Les sénateurs et sénatrices ont voté le mardi 14 novembre un texte encore plus indigne que celui proposé par Darmanin. Dans cette version du projet de loi :

-          L’aide médicale d’Etat est supprimée, seuls les soins d’urgence vitale étant couverts pour les personnes sans titre de séjour

-          Des quotas migratoires sont instaurés

-          Supprimé l’accès à l’emploi pour les demandeurs d’asile

-          L’article 3 du texte, qui prévoit la régularisation des personnes qui travaillent dans des métiers en tension, est remplacé par une possibilité de régulariser à titre exceptionnel certaines de ces personnes

-          Les protections contre les expulsions des personnes ayant vécu l’essentiel de leur vie en France sont supprimées

-          L’expulsion des personnes déboutées de l’asile est accélérée

-          La délivrance des titres de séjour est conditionnée au respect des « principes de la Républiques », définis de manière très flous, laissant place à l’arbitraire complet des préfectures

-          L’automaticité de l’accès à la nationalité française pour les personnes nées en France et qui y résident depuis au moins 5 ans à leurs 18 ans est supprimée

-          Les prestations familiales et les allocations d’aide au logement ne pourront être perçues qu’après 5 ans de séjour régulier (avec un titre de séjour)

-          Les personnes étrangères ne peuvent engager les démarches de regroupement familiales pour être rejointes par leur conjointe/conjoint et enfants mineurs qu’après 24 mois de séjour régulier. La famille rejoignante devra justifier d’un niveau suffisant de français et d’une couverture maladie pour chacun de ses membres

-          Le délit de séjour irrégulier est rétabli. Il avait été supprimé en 2012. Depuis, le seul fait d’être en séjour irrégulier ne constituait plus un délit, contrairement au fait de rester sur le territoire après avoir reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF)

-          Les personnes placées en centre de rétention administrative (prisons) ne seront plus libérées en cas de vice de procédure

Le texte dans cette version sera discuté à l’assemblé nationale dans les prochaines semaines, puis voté en commission mixte paritaire. Le gouvernement concentre l’ensemble de ses réactions aux durcissements du Sénat sur la suppression de l’AME, qui sera rétablie à l’assemblée nationale et sert clairement d’écran de fumée pour faire passer les autres atteintes aux droits des personnes.

  • Introduction : quel est le projet de loi et dans quel contexte s’inscrit-il ?

Ce projet de loi porte le nom “Asile Immigration”, et il est porté par Darmanin lui-même. On parle de la “loi Darmanin” pour ce que le ministre représente en termes de racisme et d’islamophobie, mais c’est bien toute sa politique fascisante qu’il faut combattre, et pas seulement cet homme qui n’en est qu’une incarnation.

Rappelons que Darmanin a été formé à l’Action Française (groupe d’extrême droite), qu’il est l’actuel ministre de l’intérieur, potentiel candidat aux prochaines présidentielles et agresseur sexuel. Il représente tout ce qu’en tant que féministes nous combattons, et ce projet de loi s’inscrit dans cette perspective. 

Contexte politique dans lequel s’inscrit la loi : 

Ce projet de loi, que nous décrirons concrètement par la suite, incarne les standards de la “bonne” et de la “mauvaise” immigration décidé par l'État. La  mauvaise serait une immigration d’hommes, qui viennent violer les femmes et voler le travail des “bons français”. Par cette image, les hommes migrants deviennent à eux seuls les agents du patriarcat, et sous couvert de lutte contre les violences sexuelles, le gouvernement instaure un racisme d’Etat toujours plus violent. La bonne immigration quant à elle représente celle des femmes, dont on va reparler dans le développement de l’analyse, car elles représentent une main d’oeuvre pas chers, notamment dans les secteurs féminisés (petite enfance, travail domestique, maintenance etc), ce qui permet aux “bonnes françaises” d’accéder à des post mieux payés et mieux reconnus tandis que d’autres femmes sont exploitées.

Cette loi vient parachever un système de l’asile et de l’immigration déjà plus que défaillant : des centaines de personnes meurent des politiques migratoires actuelles, et cette loi aggrave une situation déjà mortifère. Cette loi vient en effet officialiser un système construit depuis des années par le gouvernement, et elle accélère le développement d’un État toujours plus raciste et sécuritaire, d’une société d’inégalités et de contrôle. La loi n’est pas un projet isolé, le gouvernement a déjà tellement normalisé le racisme d’Etat que, entre autres, Darmanin peut dire sans conséquence qu’il veut “rendre la vie impossible aux migrants” et que “Marine Lepen est trop molle”. Depuis son arrivée au pouvoir au côté de Macron, Darmanin a contribué à la montée de politiques fascisantes, et a déjà un impact direct sur l’immigration : son terrain raciste et islamophobe est donc bien préparé. 

De plus, ce projet de loi doit être compris en complémentarité avec le néolibéralisme de Macron, ce n’est pas seulement Darmanin qui porte ce projet de société inégalitaire, mais tout le gouvernement puisque libéralisme et racisme marchent ensemble : le capitalisme a besoin d’exploiter et discriminer pour fonctionner, il ne peut donc pas se passer du racisme et du patriarcat. Rappelons que Macron portrait pendant sa deuxième campagne électorale, en 2022, l’envie de “maîtriser l’immigration”. La loi Asile Immigration, qui a d’ailleurs été annoncée le lendemain même de sa réélection tant elle est au cœur de sa politique, qu’il prépare main dans la main avec Darmanin, en est l’aboutissement. En se présentant comme ayant une politique “centriste”, Macron et son gouvernement font passer des politiques fascisantes et sécuritaires qui ont un impact radical et violent sur les personnes migrantes, ou perçues comme telles. Ils se montrent prêts à tout pour faire passer leur projet de loi, et cela ne serait pas possible si le terrain n’avait pas été si bien préparé depuis des années. En bar2017, Macron avait déjà lancé une mission budgétaire “Asile, immigration et intégration”, et aujourd’hui, nous sommes face à ce projet de loi “Asile Immigration” dans un contexte où tout a été pensé pour le faire accepter le plus facilement possible. Cependant, cela ne date pas seulement du gouvernement Macron, puisqu’en moyenne, depuis déjà 1945, une loi sur l’immigration est votée tous les deux ans. Cela a toujours été présent dans les politiques  racistes de l’Etat, mais LREM s’en saisit particulièrement. 

Cela n’est pas une question de faillite budgétaire comme essayait de le faire penser la mission de 2017, puisqu’il y a de l’argent utilisé dans les politiques migratoires, mais au lieu de garantir aux migrant-es des vies dignes, les politiques préfèrent le mettre dans la police, les frontières, et dans de nouveaux CRA (Centre de Rétention Administrative), ce qui représente l’inverse d’une vie digne pour les personnes qui y sont confrontées.

Pour légitimer ces politiques racistes et islamophobes, Macron, Darmanin et les autres n’hésitent pas à mentir à la population en déformant des chiffres et des événements. Par exemple, et cela n’en est qu’un parmis d’autres, ils disent que 50% des délits commis en Île-de-France seraient commis par des étrangers. Ce chiffre est faux : ils s’appuient sur le nombre de personnes “mises en cause” par la préfecture. Bien sûr qu’une police et une justice racistes mettent en cause majoritairement des étrangers (ou des personnes perçues comme telles), mais cela ne veut pas dire que cette population est plus délinquante qu’une autre. En plus de cela, ils mélangent volontairement tous les délits, alors que seuls 0,8% des infractions commises par des étrangers sont des crimes (contre 3% en moyenne en 2019 dans toute la population), et la grande majorité des infractions qu'ils commettent sont relatives à la régularisation de leur titre de séjour (des infractions dont les non-étrangers ne peuvent donc pas être coupables par définition). Le gouvernement ment sans honte pour faire croire que les migrant-es représentent un danger pour “la bonne population française” pour pouvoir mettre en place ces lois racistes et sécuritaires. 

Darmanin et son projet de loi incarnent donc un racisme étatique, mais c’est l’Etat et la République entière qu’il faut détruire. Couper la tête de Darmanin ne suffira pas à stopper ces politiques et projets dangereux, derrière lui il y en a beaucoup d’autres prêts à prendre sa relève ou qui sont même déjà présents à ses côtés. La République est assise sur son histoire coloniale et s’appuie sur les “valeurs républicaines” depuis longtemps, et Darmanin ou pas, elle continuera de le faire. 

En tant que féministes, nous devons lutter contre cette loi et son application, non seulement au côté de toutes les femmes migrantes, perçues comme telles, musulmanes, perçues comme telles, qui souffrent déjà des politiques racistes et anti-migratoires de l’Etat français, mais aussi au côté des hommes qui en souffrent et qui vont continuer à en souffrir car un féminisme qui n’est pas antiraciste et anticapitaliste pour tous-tes ne fera que renforcer un système inégalitaire et raciste, répressif et violent. 

Voici donc le contexte dans lequel s’inscrit la loi. Macron a déjà annoncé qu’il n'hésitera pas, à travers Borne, à utiliser le 49.3 pour la faire adopter, alors que le texte n’est annoncé que pour l’automne au Parlement, donc qu’il n’a pas encore été validé ou non, voté ou non. Si la loi ne passe pas en tant que telle, elle risque de passer de toute façon décret par décret, 49.3 ou pas. Macron et son gouvernement ne se cachent plus de n’en avoir que faire de la décision de l’Assemblée Nationale, de la population, et des personnes concernées pour appliquer de façon autoritaire leur politique. 

Le projet de loi est susceptible d’être modifié, et d’arriver au Parlement avec des propositions encore pires que celles déjà présentes que nous allons présenter : les Républicains et le Rassemblement National tentent de durcir le texte, qu’ils trouvent pour l’instant pas assez radical. Le RN demande carrément un restriction du droit d’Asile, suite à l’attaque au couteau d’Annecy en juin 2023 instrumentalisée par l’extrême droite et la droite, et une remise en cause “d’un certain nombre de règles européennes” en matière d’asile selon Bardella, président du RN. Selon Olivier Marleix, député LR, le projet de loi de Darmanin est “trop laxiste”, il ne suffit pas. Sa collègue, inspirée par le RN, a déposé en mai un projet de loi moins “laxiste” selon eux, qui porte, entre autres, que toute demande d’asile réalisée en France soit refusée automatiquement et fasse l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Nous pouvons donc craindre que ce texte de loi, déjà raciste et islamophobe à l’extrême, soit encore plus aggravé d’ici sa mise au vote à l’automne, puisque Darmanin se dit “ouvert à plusieurs propositions”. 

Projet de loi : 

Le gouvernement propose une loi sous “deux volets”, l’un visant à régulariser la “bonne immigration” et l’autre à réprimer et expulser encore plus la “mauvaise”. En voici les principaux éléments que nous avons relevé : 

Evidemment, le premier volet, celui qui vise à régulariser la “bonne immigration”, a pour but de durcir la possibilité d’obtenir un titre de séjour. Il instaure en effet un nouveau processus pour obtenir un titre de séjour, dit titre de séjour temporaire mention “travail en tension”, dévalué par rapport à l’actuel titre de séjour (qui est déjà particulièrement compliqué à obtenir). Ce nouveau titre de séjour liera le-a migrant-e à l’emploi dans les secteurs en tension : cela soumettra (encore plus qu’aujourd’hui) la personne à son patron. Pour garantir son titre de séjour, il faudra prouver son activité salariale. Le fait de travailler ou non jouera directement sur le fait de pouvoir renouveler son titre de séjour, ce qui est la porte ouverte à l’exploitation pour les patrons. En effet, si la personne migrante a besoin de travailler pour pouvoir régulariser sa situation, elle va être obligée d’accepter des conditions de travail très dures et un salaire minime, ce dont les patrons ne se priveront pas, puisqu’ils en profitent déjà au maximum aujourd’hui. Le-a migrant-e se retrouvera donc en situation de dépendance extrême avec son patron. En plus de cela, la mention “travail en tension” est arbitraire et dépend du bon vouloir de l’Etat de nommer un secteur en tension ou non, d’autant plus que les posts de ces secteurs ne sont que très rarement occupés par des personnes migrantes, contrairement aux métiers du bâtiment, ménage, restauration, qui ne sont pourtant pas classés “en tension”. Ce n’est donc pas une mesure qui vise à régulariser mais à faciliter l’exploitation et complexifier l’accès au titre de séjour, et c’est pourtant la seule mesure proposée dans le volet “régularisation”. 

Pour les personnes demandant l’asile, la loi prévoit aussi d’autoriser seulement certain-es d’entre elle-eux à travailler dès leur demande d’asile. Les personnes venant de la Chine, la Syrie, l’Érythrée, l’Afghanistan, l’Ukraine, la Jamaïque et l’île Maurice auront cette possibilité, mais pas les autres. 

Ensuite, concernant le deuxième volet, le projet vise à systématiser et allonger les OQTF (obligations de quitter le territoire français) de 2 à 3 ans et les IRTF (interdiction de retour sur le territoire français) de 2 ou 3 à 5 ans, ce qui ferme à toute possibilité d’être régularisé dans le futur et annule toutes les démarches entreprises auparavant. Il est aussi prévu de couper l’accès aux aides sociales à l’enfance aux jeunes majeur-es ayant une OQTF. Ces durcissements s’accompagnent évidemment de projets de construction de nouveaux CRA (centre de rétention administrative, des prisons pour migrant-es où les conditions de vie sont inhumaines) ce qui correspondrait à 3000 nouvelles places au moins, de l’inscription des personnes sous OQTF dans les fichiers des personnes recherchées (pour légitimer la chasse aux migrant-es, en les criminalisant d’avantage). 

La loi dit vouloir interdire l’enfermement des enfants, mais en vérité elle n’interdira que les enfermements dans des CRA et pas dans les LRA (locaux de rétention administrative) des mineur-es et de leur famille. Les LRA sont des lieux pires que les CRA : aucune unité médicale n’est présente sur place, et aucune association n’a de droit pour venir aider les familles. Cette mention ne vise en plus que les enfants de moins de 16 ans, alors qu’aux yeux du droit international un enfant est une personne de moins de 18 ans, et écarte Mayotte de l’interdiction du placement des enfants en CRA (alors qu’il y a 40 fois plus d’enfants enfermé-es à Mayotte qu’en hexagone actuellement). 

Il y a aussi une volonté d’étendre le domaine de la double peine : si un-e étranger-e est condamné-e pénalement (et on sait qui la police et la justice ont tendance à condamner le plus), le projet souhaite automatiser le fait que la condamnation soit doublée d’une menace d’expulsion. Cette mesure, comme de nombreuses autres nous le verrons, vise non seulement les personnes sans papiers mais aussi toutes les personnes étrangères, ce qui montre que ce projet de loi n’est pas uniquement anti-migratoire mais aussi xénophobe et raciste.

La loi va également permettre la régularisation d’un juge unique (au lieu de 3) à tous les recours faits pour demande d’asile. Un juge unique nommé directement par le préfet, en lien avec le ministre de l’intérieur, qui aura entre ses mains seul la vie d’une personne. 

Darmanin veut aussi exiger que pour obtenir un titre de séjour pluriannuel il faille être en possession d’un diplôme de français niveau A2, dont le coût de l’examen coûte entre 90 et  140 euros (et n’est bien sûr pas pris en charge par l’Etat), et que pour entrer sur le territoire français dans un processus de regroupement familial il faille avoir une attestation de niveau A1 en langue française. Concernant le regroupement familial, la personne installée en France devra vivre en France depuis 24 mois au lieu de 18 pour que sa famille puisse la rejoindre. 

Le texte propose aussi une réintroduction d’une disposition de la loi contre le “séparatisme” qui avait été censurée par le Conseil Constitutionnel, qui portait le refus ou le retrait d’un titre de séjour en cas de “rejet des principes républicains” (voir plus précisément partie 2 de la brochure).

Du point de vue de la santé, plusieurs mesures sont présentées : la suppression de la possibilité d’avoir un titre de séjour en cas de maladie grave lorsque le pays d’origine n’est pas en mesure de donner les soins nécessaires (ce qui serait contraire à la Cour Européenne des droits de l’homme), la non prise en charge des soins d’une personne, même dont la vie est mise en danger, si les conséquences ne sont pas immédiates (ce qui est également contraire au droit international) pour les personnes en situation irrégulière, la levée du secret médical par le juge administratif, et la suppression de l’Aide Médicale d’Etat (AME) remplacée par une aide médicale d’urgence (ce qui ne donnerait accès aux soins qu’en cas d’urgence vitale immédiate). 

Enfin, l’automatisation d'obtention de la nationalité française sera supprimée : une personne née en France devra demander la nationalité, et cela avant ses 18 ans, sous couvert d’y avoir vécu les 5 dernières années. Cela privera de la nationalité française, et donc d’une situation régularisée, toutes les personnes éloignées de cette information et de l’administration pour x raisons. 

Voilà ce que promet de faire cette loi, qui s’attaque à des personnes déjà violentées et exploitées par les politiques migratoires du gouvernement. De plusieurs manières et à plusieurs endroits, cette loi affecte particulièrement les femmes, que ça soit en ne prenant pas en compte les réalités matérielles de leur parcours personnel, familial, migratoire, ou en ciblant particulièrement certaines d’entre elles parce qu’elles ne se plient pas aux exigences assimilationnistes d’un Etat qui n’en finit pas de politiser et réprimer leurs corps. 

De plus, ce projet de loi vise à réprimer et contrôler toutes les personnes issues de l’immigration, d’origine étrangère, musulmanes, ou perçues comme telles. 

           1 - Qui est visé quand on parle d’immigration?

Les récits politiques et médiatiques de l’immigration entretiennent un flou qui draine des considérations racistes autour des termes utilisés pour désigner les personnes concernées et ce à deux niveaux : les migrant.es et les personnes racisé.e.s françaises. 

Ce que cela veut dire, c’est qu’il  y a un flou socialement construit sur le mot immigré. Les immigré.es qui acquièrent la nationalité française, ainsi que les enfants et petits enfants d’immigrés restent dans cette marge : il ne s’agit pas d’une catégorie administrative mais bien d’une catégorie sociale, qui concerne particulièrement les personnes non blanches : 

On assiste donc à la création artificielle d’une catégorie de population. Cela légitime un contrôle social qui prend plusieurs formes. Ce sont des populations qu’il faudrait “gérer”. Il y a donc  un continuum entre la discrimination des personnes migrantes et celle des français.es racisé.es plus spécifiquement identifié;es comme musulmanes. L’intensification de la criminalisation des personnes étrangères, comme le promet la loi darmanin,  mène à une augmentation générale des contrôles par la police et tout particulièrement sur les femmes, nous y reviendrons un peu plus loin. Cela  légitime le contrôle renforcé des quartiers populaires, là où les discriminations raciales sont déjà fortes et se matérialisent dans le logement, la recherche d’emploi et la police. 

On observe de plus une différence de traitement très nette entre l’immigration blanche et l’immigration non blanche.  Le droit des étranger ne s’applique par exemple pas aux ressortissants de l’Union Européenne. L’immigration non-blanche est traitée comme une menace. contrairement à l’immigration blanche. Nous avons pu observer cette différence de traitement dans l’accueil qui a été fait aux Ukrainiens dans l’espace social et médiatique.

Il n’y a pas un avant et un après loi Darmanin, elle va renforcer un contexte déjà profondément raciste, en justifiant une augmentation des moyens donnés à la police pour contrôler, réprimer et s’assurer de la bonne application de cette loi. Il y a un continuum entre les violences des gardes aux frontières et les violences policières.

              2- Invocation des principes républicains et de la laïcité pour exclure les femmes musulmanes. 

La délivrance, le maintien et le renouvellement du droit de séjour sont conditionnés au respect des “principes de la république”, qui ne cachent pas leur islamophobie et  leur volonté d’exclure les musulmanes de tous les espaces, même des espaces de l’intime : école, soin, domicile… Les principes républicains s’établissent en opposition à une partie de la population sans jamais en nommer la religion, alors même que tout est explicite. Cela vient parachever la soi séparatiste. 

La décision de délivrance des titres de séjour se passe à la discrétion du préfet et sur des dénonciations anonymes. Le projet est livré avec une étude d’impact qui propose des illustrations de comportements “manifestants un rejet des principes de la république”.

Extraits :

"A l’école :

Encouragement au port ostensible de signes et de tenues religieuses ,incitation à la prière au sein de l’école, contestation d’un enseignement ou du contenu de l’enseignement auprès d’un instituteur ou professeur, refus d’activité scolaire, notamment sportive (piscine pour les jeunes filles), etc. absences de la piscine, désinscriptions dans des cours associatifs de danse, non-participation aux sorties scolaires, etc. défaut de scolarisation des petites filles en classe de maternelle.” 

La scolarisation des enfants constitue un élément qu’il faut renseigner lors d’une demande de titre de séjour : il est donc aisément identifiable par les services de préfecture.

Au sein des autres services publics :

Agression verbale d’un agent de guichet ; refus d’être reçu ou entendu par un agent de sexe opposé pour des motifs religieux ; refus de serrer la main à un agent de sexe opposé pour des motifs religieux 

̶ Dans les lieux de culte :

Propos radicaux tenus lors de prêches de nature à encourager la propagation de thèses contraires ou hostiles aux valeurs essentielles de la société française et signalés par une note blanche ou retransmis sur internet sans que la menace à l’ordre public puisse être caractérisée

 Vie associative :

Appartenance à des mouvements ou des associations prônant une pratique trop radicale de la religion 

Un projet que Darmanin a déjà entamé avec la dissolution du CCIF, de Barakacity, le collectif Palestine Vaincra et le Comité Action Palestine en 2022. Darmanin a aussi menacé l'UE pour couper les subventions de l'Alliance Citoyenne en raison des actions engagées menées par le syndicat des femmes musulmanes.

Propos nuancés/complaisants tenus sur les réseaux sociaux ou dans des courriers concernant les auteurs d’attentats terroristes sans faire l’apologie du terrorisme ; refus de participer à des minutes de silence .

Cohérent avec enfants de collège et école primaire placés en garde à vue parce qu’ils ont discuté pendant la minute de silence hommage à Samuel Paty.

Ici les termes sont posés :

Au sein du foyer et s’agissant de femmes plus particulièrement :

-Confinement au foyer, port sous la contrainte ou non de signes religieux ostentatoires, interdiction de toute communication avec des personnes du sexe masculin

̶Outrage aux symboles de la République comme le drapeau ou l’hymne national commis lors de représentations publiques ou dans un cadre privé mais faisant l’objet d’une diffusion publique.

̶ A l’hôpital : refus de soins obstétriques dispensés par des gynécologues hommes sur des femmes,  l’identification ou les soins rendus impossibles par le port d’un voile intégral

Toutes ces “recommandations” participent d’un renforcement net du contrôle social, extrêmement intrusif. Cela légitimise des pratiques de contrôle de l’intimité des femmes et de leurs corps dans l’espace public et privé. Il faudrait , pour protéger les femmes musulmanes, retirer leur titres de séjours aux méchants hommes musulmans. L’usage de la délation, jusque dans le domicile des personnes, permet d’installer un climat de peur et méfiance, destructeur de liens sociaux. 

               3- Les femmes migrent aussi !

Depuis 1960, les femmes constituent la moitié des personnes migrantes. Pourtant les migrant.es subissent les stéréotypes andocentrés, comme le cliché de l’homme migrant et la femme passive qui suit son conjoint. 

Le droit des étrangers est non seulement raciste , mais également sexiste et patriarcal. Les femmes y sont invisibilisées, à la fois dans leur parcours migratoire et dans les discriminations qui leur sont spécifiques. Comme l’ensemble du droit français , il a été essentiellement pensé sans les femmes et personnes trans, ce qui implique de nombreux angles morts les affectant. 

Dans l’histoire récente, la migration a été essentiellement économique après 1945. La France démarche dans les colonies, ce qui constitue une main d'œuvre à bas coût pour la reconstruction et la relance économique du pays après la guerre.  L'immigration économique a ensuite été fermée, car malgré la nécessité de main d'œuvre, les travailleurs immigrés avaient tendance à s’organiser dans les syndicats. On favorise l’immigration familiale, avec les regroupements familiaux.  

L’immigration féminine qui justement commence avec les regroupements familiaux

 s’est depuis largement complexifiée : des femmes seules, diplômées ou non, déclassées, occupent en France des emplois pénibles, précaires et dénigrés. Elles sont pourtant toujours considérées, dans le droit des étrangers, comme les joignantes, les conjointes.

Les sénateurs ont supprimé l’Aide médicale de l’Etat pour la remplacer par un dispositif correspondant à un système déjà existant pour les personnes ne bénéficiant d’aucune prise en charge de leurs soins de santé. L’impact sur les femmes est important, car le dispositif ne prend pas en compte les soins réguliers et l’accès à l’IVG. 

Au-delà de bafouer un droit fondamental de disposer de son propre corps et de librement choisir sa maternité, la maternité en elle-même est un facteur de précarisation des femmes.

             4 - Conditions de travail et précarité

4a- Difficulté d’accès au travail et sur exploitation

Comme expliqué dans le paragraphe précédent les politiques migratoires sont pensées en indexation , en rapport avec l’économie et le marché du travail et dont l’objectif est de fournir des travailleurs aux secteurs en tension. Le discours de Darmanin est de prétendre faciliter les procédures si ça concerne un travail dans les secteurs en tension, à savoir les métiers dans lesquels il n’y a aucun respect des conditions de travail (industrie, construction , aide à domicile, aide ménagère, infirmières , aides soignantes, restauration). Et si le corps de métier n’est plus en tension il faut aller chercher un autre métier en tension pour que le titre de séjour soit renouvelé, peu importe les compétences ou qualifications des personnes (donc évidemment pour les femmes aussi).

L’accès au travail pour les femmes migrantes est extrêmement difficile et les conditions de travail délétères.  Les femmes ayant fait des études dans d’autres pays se retrouvent dans des emplois précaires parce que leur diplôme n’est pas reconnu d’une part, et parce que si elles n’ont pas de papiers elles doivent travailler dans les secteurs en tension. 

Les femmes migrantes sont sur représentées dans le travail domestique : ménage, garde d’enfants, aide  à domicile, hôtellerie.  La dépendance à l’employeur (elles ne peuvent pas perdre leur travail donc ça conditionne l’obtention du titre de séjour)  favorise largement la surexploitation. Évidemment ces métiers sont extrêmement mal payés, épuisants, elles doivent faire face au paternalisme, au racisme, aux violences sexistes et sexuelles, et au mépris de classe. 

L’organisation du travail complique évidemment l’organisation collective. : emplois services par des particuliers,  pas de travail en équipe et horaires en décalé ne permettent pas de se rencontrer pour s'organiser. 

Cette grande précarité les oblige à se tourner vers des sources de revenus subsidiaires tels que le travail du sexe. Cela concerne beaucoup de femmes migrantes et notamment les femmes trans migrantes dont l’accès au marché du travail est extrêmement complexe. Elles sont exposées  à des violences qui vont jusqu’au féminicide et à la contamination au VIH à cause des conditions de travail dégradées notamment depuis la loi de pénalisation des clients. Les TDS (travailleur.euses du sexe) trans séropositives qui viennent en france pour essayer d'avoir accès à un traitement se feraient expulser dans des pays où l'accès est quasi impossible, donc vers une mort certaine. 

Quelques chiffres : 

  • Emploi à temps partiel : 28 % des femmes (contre 8,3 % des hommes)
  • revenu salarial : -28 % pour les femmes par rapport aux hommes en 2019
  • familles monoparentales : constituées à 83 % de femmes seules avec enfants
  • propriété pour un seul membre du couple : 15 % des femmes
  • héritage : inégalité de patrimoine de 16 % en France en 2015 contre 6 % en 1998 ;
  • revenus après séparation conjugale : -20 % pour les femmes, -2,5 % pour les hommes ;
  • pensions alimentaires : 18 % des revenus des familles monoparentales
  • conjoint violent : 210 000 femmes par an en sont victimes.

4b- la précarité économique limite l’accès au titre de séjour :

De plus l’accès des travailleuses du sexe au titre de séjour est très complexe parce que l’obtention de titre de séjour nécéssite une dénonciation du proxénète, sa condamnation et la preuve d’une “sortie de prostitution” (indemnités à hauteur de 343 euros par mois). ce qui est un non-sens lorsque les femmes n’ont aucun autre moyen de subvenir à leurs besoins. 

De nombreuses dispositions limitent l’accès à un droit au séjour stable (carte pluri-annuelle et carte de résident de 10 ans) et au regroupement familial. En effet, il faut justifier des ressources correspondant à un emploi à temps plein, ce qui discrimine particulièrement les femmes (30% occupent poste à temps partiel contre 8% des hommes) . De plus , Il est exigé la maîtrise d’un certain niveau de français.  Le projet de loi Darmanin durcit ces conditions par une augmentation des ressources nécessaires pour accéder au regroupement familial et par l’obligation de justifier d’un niveau de langue supérieur pour accéder à un droit au séjour pérenne. 

Pour les femmes, cela intensifie la dépendance au conjoint et à l’employeur.

4c-La précarité économique limite l’accès au logement. 

Au même temps que la loi Darmanin, la loi Kasbarian-Bergé (dite loi anti-squat) est arrivée dans les débats politique et médiatique. Sous prétexte de lutter contre les occupations illégales de logement et de bâtiments, cette loi criminalise toujours plus les plus précaires et accélère les procédures d’expulsion. La loi Kasbarian, c’est la rue ou la prison pour les locataires précaires, les squatteurs et les personnes sans-logement. Elle a été adopté au mois de juin 2023.

La précarité économique est  le premier obstacle pour accéder au logement. Les femmes et les personnes minorisé.e.s de genre sont donc les premières touchées par la hausse du coût du logement en France, à cause  de leur plus grande pauvreté et de l’ensemble des inégalités résultant du système patriarcal : inégalités salariales (revenu salarial moyen des femmes restait inférieur de 22 % à celui des hommes), selon les chiffres de l’Insee, surreprésentation des femmes dans le travail à temps partiel (82 %) et le travail précaire, pensions inférieurs de 40% (et ça avant la réforme des retraites ! )… Comme les cotisations pour la retraite sont faibles, le risque de pauvreté est durable. Le manque d’argent les prive aussi d’un patrimoine. 

Les mères célibataires sont particulièrement touchées. Dans 85 % des cas, le parent de famille monoparentale est une femme. Alors que 20 % de la population subit de mauvaises conditions de logement, le taux atteint 40 % pour une femme célibataire avec un enfant, et 59 % si trois enfants ou plus. De nombreux propriétaires hésitent à leur louer un logement sur la base de préjugés sexistes (doute sur leur solvabilité et leur capacité à entretenir un logement, vulnérabilité supposée). 36 % de mères célibataires vivent sous le seuil de pauvreté et  46 % des enfants qui vivent avec leur mère seule sont pauvres.  Cela accroît le risque  d’expulsion de leur logement.   

La séparation conjugale fait fréquemment basculer les femmes sous le seuil de pauvreté. Dans le couple hétérosexuel, les femmes assument les dépenses courantes (alimentation, vêtements,), les hommes qui ont des revenus supérieurs se chargent des investissements (voiture, crédit immobilier si achat..). Lors de la séparation, les femmes ne récupèrent pas tout l'argent investi dans la gestion du quotidien tandis que les hommes repartent avec les investissements (d'où le fait qu'ils s'enrichissent dans les séparations au contraire des femmes). Lors de violences conjugales (210 000 femmes victimes de violences conjugales, 17 % restent sans solution d’hébergement d'après le rapport de la Fondation Abbé Pierre), ce sont surtout les femmes qui perdent leur logement.

2 personnes SDF sur cinq sont des femmes (INSEE, 2012 ) mais elles sont invisibles ; cachées dans des garages, des escaliers, en centre d'hébergement, chez des tiers.  Or, la rue est extrêmement violente, tout particulièrement pour les femmes et les personnes trans. Une étude européenne de 2021 a montré que les conflits familiaux liés à l’identité sexuelle ou de genre étaient de loin la première cause de sans-abrisme (71 %) chez les LGBTQ + vivant dans la rue.

En criminalisant les locataires précaires et en accélérant les mises à la rue, en précarisant davantage celles et ceux qui subissent déjà des violences et des inégalités, en ignorant la réalité du rapport de force bailleur-locataire, la loi Kasbarian-Bergé ouvre un boulevard aux abus de pouvoir. Des agresseurs profiteront de la vulnérabilité économique de certaines pour les exploiter et extorquer des actes sexuels. C’est déjà le cas de nombreux conjoints violents titulaires du bail ou de propriétaires qui offrent des logements contre des paiements en nature.

               5- Assimilationnisme et fémonationalisme 

Le fémonationalisme, c’est la réappropriation des rhétoriques féministes à des fins racistes et islamophobes. D’après la féministe Sara R. Farris qui travaille et écrit dessus, il s’agit des « tentatives des partis européens de droite (entre autres) d’intégrer les idéaux féministes dans des campagnes anti-immigrés et anti-Islam ».

Le fémonationalisme crée de nouvelles sanctions en utilisant le droit des femmes. Ce sont toujours les mêmes qui sont visés : les personnes racisé.e.s , les pauvres, les étrangers. Le gouvernement (incarné par Marlène Schiappa ces dernières années) entretient soigneusement le mythe de l’étranger violeur. En 2016 par exemple, la droite réactionnaire a instrumentalisé les événements de Cologne pour justifier que les étrangers étaient tous des violeurs. Cela entraîne une obsession autour de la formation de la police et de l’accroissement de leur présence dans la rue. 

La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est donc particulièrement centrale dans les politiques fémonationalistes .Il s'agit de protéger les femmes (blanches et racisées) contre la « barbarie » patriarcale supposée de la fraction masculine, musulmane et populaire de la société française. D’une part, cela stigmatise les hommes étrangers, spécifiquement les hommes musulmans, qui incarneraient la masculinité toxique. Et d’autre part, cela détourne l’inaction réelle de l'État sur le traitement des violences sexistes et sexuelles.

Les personnes migrantes sont surexposées aux violences. Le fémonationalisme établit qui sont les “bonnes victimes” : celles qui dénoncent les hommes de leur communauté pour servir le racisme d'État.  La loi Darmanin ajoute qu'un homme qui serait auteur de violences intra-familliales et/ou sexuelles sera automatiquement expulsé. Cela complexifie la dénonciation des violences pour les victimes. C’est un bon exemple du double standard dans le rapport à la prise en charge des violences, qui ne sont traitées sévèrement que lorsqu’elles sont commises par un étranger : on en fait un prétexte pour expulser des hommes étrangers. Un homme blanc peut cependant violer des femmes et occuper un poste de ministre, comme Darmanin nous le démontre. 

Tout ceci dans un contexte où les femmes migrantes sont surexposées aux violences sexistes et sexuelles précisément à cause du durcissement du droit des étrangers  : pour les conjointes de français.es , quitter le foyer est extrêmement compliqué , on impose aux couples de vivre ensemble depuis 4 ans pour prouver leur relation. Les mères d’un enfant français par filiation paternelle doivent justifier de la contribution du parent français à l’éducation et à l’entretien de l’enfant pour conserver leur droit au séjour. C’est ainsi la double peine si les pères sont absents : avoir la charge de l’enfant seule et perdre son droit au séjour. 

Les femmes étrangères victimes de violences conjugales en France doivent obtenir une ordonnance de protection extrêmement compliquée à obtenir (sur décision du Préfet) pour pouvoir quitter leur mari et foyer sans perdre leur titre de séjour.

Plusieurs exemples nous montre comment le droit des femmes et des personnes LGBTI est sans cesse utilisé par le Gouvernement pour justifier des lois et polémiques racistes :

Exemple de Mila :  jeune fille lesbienne ayant posté une vidéo d’elle où elle inuslte les musulmans, qui a reçu en retour des menaçes, mais surtout beaucoup de soutien de la part du gouvernement et des médias qui l’ont beaucoup invité sur leurs plateaux : ils soutiennent la lutte contre l’homophobie que quand il s’agit de dénoncer des arabes.

Exemple local à Grenoble : la mairie de Grenoble a mis en place des “Assises de la nuit”, qui sont des promenades en groupe non mixte entre femmes pour “reprendre confiance la nuit dans l’espace publique” : cela assimile la nuit comme seul cadre dangereux pour les femmes et minorisé.e.s de genre. La peur de la nuit est en partie basée sur de la fiction, elle pointe encore et toujours du doigt les même personnes racisées et précaires de certains quartiers qui « craignent ».

Exemple d’une femme trans qui a été agressée par des manifestants dans une manif anti-Bouteflika. Article de Valeur Actuelle, qui dit que c’est inadmissible et transphobe ! Encore un soutien contre la transphobie car ça permet de dénoncer des arabes.

                   Conclusion

Cette loi Asile-Immigration va ainsi renforcer le contrat racial, privant d’accès aux droits (logement, travail, santé, papiers) les personnes sans-papier et plus largement les personnes non-blanches. En qualifiant de délit les atteintes aux principes de laïcité, elle justifie le renforcement des contrôles et accroît la stigmatisation des populations non-blanches. Comme dit en introduction, cette loi criminalise toujours plus les personnes sans-papiers et les musulman.es, va renforcer leur contrôle par l’Etat et justifier leur enfermement, leur expulsion et leur mort. Elle encourage et rend légal l’usage de la délation comme moyen de répression des musulman.es, et nourrit un acharnement toujours plus violent contres les personnes sans-papier, musulmanes, non-blanches.

Il faut garder en tête que cette loi n’est pas seulement là pour “rendre impossible la vie aux migrants”, mais également pour rendre la vie impossible aux musulman.es, avec ou sans papiers. Elle complète la loi Séparatiste dans ce qu’il manquait pour disposer d’un réel arsenal législatif visant à les contrôler et les réprimer, et nourrit dans le débat public et politique un racisme, une xénophobie et une islamophobie toujours plus décomplexé. Il faut réellement s’attendre à ce que les mesures décrites dans le texte de loi soient généralisées à toutes personnes non-blanches en France. Que ce soit par délit de faciès (toute personne non-blanche ou musulmane peut être perçue comme sans-papier) ou parce qu’il s’agit des intentions racistes et islamophobes du gouvernement, et en particulier sur les “atteintes aux principes républicains” (voir partie 2 ) : ce qui vise à travers cette loi « les femmes musulmanes sans-papiers » visera demain les femmes musulmanes en France. 

Cette loi rappelle également qu’une personne issue de l’immigration sera à jamais perçue et traitée comme telle, et qu’il s’agit ainsi d’une catégorie sociale créée et entretenue par l’Etat, et non pas une catégorie juridique ou administrative.

Cette loi va donc justifier les contrôles renforcés aux frontières, l’obsession autour de la formation de la police et de l’accroissement de leur présence dans les rues, les créations de brigades spécialisées aux frontières et dans les gares, les meurtres de masse dans la Méditerranée, la construction ou l’agrandissement des Centres de Rétention Administrative, les fermetures abusives de mosquées, écoles et associations musulmanes, la criminalisation des imams et toute personne publique musulmane ou perçue comme telle. Comme la loi Séparatisme, elle met à disposition des nouvelles législations permettant de réprimer toujours plus violemment les collectifs et associations de lutte contre l’islamophobie et les membres de ces collectifs.

C’est pourquoi nous devons, plus que jamais, lutter contre cette loi et toutes les politiques racistes et islamophobes qui n’ont pas attendu Macron et Darmanin pour exister. L’antiracisme et la lutte contre l’islamophobie doivent être centrales dans nos luttes féministes, fondamentalement antifascistes, anti-impérialismes et anticoloniales.

               Ajout post-rédaction :

Un des points aveugles de ce texte est que nous ne décryptons pas la question des Outre-mers dans cette brochure. Il n’est pas possible de parler de Darmanin et des politiques racistes sans parler de Mayotte, de la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique ou de la Réunion. Cependant à Grenoble, nous ne sommes pas en lien avec des collectifs de personnes concernées qui sont les plus à même d’analyser la situation dans ces départements sans tomber dans l’analyse raciste, paternaliste et coloniale. C’est pourquoi pour ne pas reproduire cela, et parce que nous admettons ne pas être suffisamment capable d’en parler justement, nous avons préféré ne pas proposer d’analyse là-dessus et notamment sur les dynamiques entre Mayotte et les autres îles de l’archipel des Comores. Toutefois, comme dit plus haut, cette brochure n’est pas figée dans le marbre, et si des collectifs souhaitent ajouter une partie sur les Outre-mers dans cette brochure, il est tout à fait possible et nous sommes contactables aux adresses mails de nos collectifs. Par ailleurs il nous semble important de poser certains éléments factuels relatifs à Mayotte, sans les commenter, pour les raisons évoquées et parce qu’ils parlent d’eux-même: le salaire médian y est de 260 euros, et les fonctionnaires envoyés depuis l’hexagone y sont payés 40% de plus  qu’en restant en hexagone. Le droit des étrangers y est encore moins respectueux des personnes qu’en hexagone: à 18 ans, tout enfant né étranger à Mayotte, quelle que soit sa situation, devient automatiquement clandestin, ce qui fabrique énormément de délinquance juvénile de survie. 40% des habitats sont en tôle, et fixés sur des terrains dont le loyer a doublé en 3 ans. Des opérations de destruction de l’habitat insalubre sans relogement ont débuté en octobre 2021; pendant un an, chaque mois, un quartier était détruit. En 2022 8000 personnes ont été jetées dans la rue. L'opération Wambushu”, engagée en avril 2023 et reprise en mai après avoir été suspendue par la justice, avait pour objectif l’expulsion de 20000 personnes, de détruire 1000 maisons en tôle en deux mois.Son bilan est invérifiable à ce jour.

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