En cette rentrée, l’éviction d’Arnaud Montebourg et de Benoit Hamon, qui avaient activement œuvré pour la nomination de Manuel Valls au poste de Premier ministre, n’augure pas du changement de cap réclamé par nombre de nos parlementaires et par une immense partie des militants et électeurs socialistes. Bien au contraire, cet acte d’autorité est l’illustration du putsch idéologique imposé par l’exécutif à son camp. Ce putsch est d’autant plus remarquable qu’il relève du coup d’Etat permanent que permettent de réaliser les institutions de la cinquième République, jadis dénoncées par François Mitterrand.
Ces institutions de la cinquième République sont résolument à bout de souffle. Elles ne permettent pas à la représentation nationale de véhiculer le mécontentement populaire, comme cela se fait dans toute démocratie représentative. Il faudra indéniablement les remplacer pour rouvrir le débat de fond contre une politique qui, pratiquée dans tous les Etats membres de la zone euro, mène celle-ci droit vers la déflation. Il est évidemment de bonne guerre que le chef de l’Etat daigne enfin ferrailler contre l’austérité en Europe. Malheureusement, sa posture manque de cohérence, tant la thérapie qu’il mène en France est la même que celle qui a conduit partout ailleurs au retournement de la conjoncture enregistré au second trimestre. La récession menace à nouveau, avec son cortège de plus de 20 000 chômeurs supplémentaires par mois, Pôle Emploi dénombrant désormais 3 424 000 chômeurs de catégorie A.
Dans ces conditions, la nomination d’Emmanuel Macron (concentrant, jusqu’à présent, entre ses mains, le traitement des question économiques et européennes à l’Elysée, avec le succès que l’on sait !) au poste de Ministre de l’économie et du redressement productif, puis les propos décomplexés du Ministre du travail en faveur d’un contrôle accru des chômeurs sonnent comme une nouvelle provocation.
Ces derniers sont révélateurs de l’explication du chômage partagée par les libéraux de droite et de gauche. Selon celle-ci, sur le marché du travail, l’emploi dépend négativement du coût du travail qu’il faut par conséquent abaisser. Le chômage serait alors fondamentalement dû au refus des travailleurs, de leurs syndicats, de l’aile gauche du Parti socialiste et de l’autre gauche, à accepter cette baisse. En particulier, les chômeurs sont pensés comme des agents économiques rationnels qui n’ont aucun intérêt à offrir leur travail si l’écart entre leurs allocations et le salaire minimum est trop faible. Comme il est hors de question d’augmenter le salaire minimum (en raison du précédent présupposé), il faut donc éviter d’augmenter les allocations, les rendre régressives et créer une prime pour l’emploi ou un RSA activité pour inciter les chômeurs à « sortir de leur trappe à chômage et à inactivité ». En clair, les chômeurs sont des opportunistes qui profitent des largesses du système. Il faut donc contrôler qu’ils cherchent activement un emploi !…
De surcroît, la législation protectrice de l’emploi (CDI, 35 heures, prud’hommes, seuils… etc) dissuaderait l’embauche et entraverait le redéploiement de la main d’ouvre vers les secteurs susceptibles de se développer grâce au CICE. Il faut donc promouvoir la « flexi-sécurité » pour remplacer un code du travail trop rigide…
On le sait, les dispositifs imaginés par les technocrates partageant cette vision du monde sont extrêmement coûteux, alors que leur efficacité est manifestement contestable. Les quelques soixante dix milliards (baisses de « charges », CICE, pacte de responsabilité…) qu’ils mobilisent, pourraient être affecté à l’entretien des infrastructures et la création de véritables emplois publics, socialement et écologiquement utiles. Malheureusement, ce débat est confisqué par les hauts fonctionnaires de la Noblesse d’Etat, qui noient dans un jargon incompréhensible les résultats désastreux de politiques incapables de soutenir la reprise et de réduire le chômage de masse.
Cette rentrée montre au grand jour que le Roi est presque nu. La Reine, répudiée, finira de le déshabiller. Il appartient alors au peuple de se réapproprier la chose publique, encore faut-il qu’il se dote du vaisseau amiral lui permettant de combattre les forces sombres qui prolifèrent désormais du côté obscur de la scène publique. Plus que jamais, la crise de l’humanité se réduit à la crise de sa représentation politique.
Par Liêm Hoang Ngoc, ancien député européen, professeur d'économie à Paris 1 - Sorbonne
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