C'est la course aux économies !
Cette semaine, des députés socialistes ont remis en cause l'universalité des allocations familiales.
Début septembre, François Rebsamen a demandé à Pôle Emploi de renforcer ses contrôles.
Comment interpréter ces déclarations ? Est-ce la bonne voie ? Le décryptage de Liêm Hoang-Ngoc, maître de conférences à l’Université de Paris 1 et membre du bureau national du PS.
Les récentes propositions faites par de hauts dignitaires du régime en faveur d’une dégressivité des allocations familiales en fonction du revenu et d’une réduction du montant et de la durée des allocations chômage témoignent-elles d’une perte de repères, d’une dérive inquiétante, ou simplement d’une pure incompétence de leur part ?
La politique familiale à contresens
L’objectif de la politique familiale n’est pas l’équité verticale, mais l’équité horizontale.
Elle vise à égaliser les conditions des foyers qui, à revenus équivalents, ont des charges de famille différentes. À cet égard, le système actuel atteint mal cet objectif, dès lors que les familles nombreuses les plus modestes - parce qu’elles ne sont pas assez riches pour être imposables sur le revenu -, ne bénéficient pas du système du quotient familial.
Remplacer le système du quotient familial par un crédit d’impôt forfaitaire par enfant, complétant l’allocation familiale universelle était la meilleure mesure possible. Une telle mesure est conforme avec l’idée qu’un enfant de pauvre vaut autant qu’un enfant de riche, ce qui n’est pas tout à fait le cas actuellement.
Le gouvernement n’a pas osée, de peur d’effrayer les familles nombreuses les plus riches, bénéficiaires du système actuel malgré les récents plafonnements. Celles-ci ne manquèrent pas, pour autant, de s’exprimer sur un autre sujet lors de la "manif pour tous".
L’équité verticale consiste pour sa part à atténuer les inégalités engendrées par la répartition primaire des revenus. Elle est l’objet-même des politiques de redistribution. Pour les mettre en œuvre, il appartenait à la réforme fiscale promise de mettre en œuvre l’article 13 de la première déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : faire contribuer chaque citoyen au financement de la solidarité nationale selon ses facultés contributive.
Le système français particulièrement injuste
On le sait, le système français est, du point de vue de l’équité verticale, particulièrement injuste. Le poids de l’impôt sur le revenu, seul impôt progressif, n’est que de 17% des recettes fiscales, alors que celui de la TVA (l’impôt le plus injuste que la gauche a malencontreusement augmenté) dépasse 51% et que la CSG et les cotisations sociales ne sont pas des prélèvements progressifs.
Les nombreuses niches fiscales permettent même aux plus grosses fortunes de réduire leur taux effectif d’imposition sur le revenu en dessous de 15% (le taux effectif moyen étant de l’ordre de 20% en France).
La réforme progressiste tant attendue aurait consisté, d’une part, à fusionner l’impôt sur le revenu avec la CSG, d’autre part à substituer cet impôt à la cotisation pour financer les dépenses universelles. Elle aurait permis d’améliorer à la fois l’équité verticale et l’équité horizontale.
Asseoir le barème de l’IR sur l’assiette de la CSG aurait deux avantages. En premier lieu créer une assiette large, sans niches et sans quotient familial, sur laquelle un barème progressif à bas taux aurait pu être greffé. Cela aurait permis d’améliorer la justice fiscale et d’accroître le rendement de l’impôt. La politique familiale aurait alors été recentrée autour d’un crédit d’impôt forfaitaire par enfant. Cette réforme restera malheureusement lettre morte.
Lutter contre les chômeurs pour lutter contre le chômage ?!
Les propositions faites en faveur de la réduction de la durée et du montant de l’indemnisation du chômage trahissent la perception du chômage que partagent désormais nos hauts dignitaires avec les conservateurs. Cette perception est celle selon laquelle le chômage serait de nature essentiellement volontaire.
Ce qui signifie que, malgré ses quelques 3.450.000 chômeurs de catégorie A recensés par Pôle emploi, l’économie serait en situation de plein-emploi, dès lors qu’aucun travailleur ne souhaite offrir ses services aux conditions du marché. Pour créer des emplois, nous dit-on, il faudrait baisser le coût du travail (condition jugée nécessaire pour créer des emplois) tout en incitant les chômeurs volontaires à accepter ces emplois en réduisant la "générosité" du système d’indemnisation du chômage.
À cet effet, le pacte de responsabilité fut conçu pour réduire le coût du travail. La dégressivité des allocations chômage incitera les chômeurs volontaire à accepter les emplois que ne manqueront pas, c’est sûr, de créer les entreprises.
Le PS, plus à droite que Keynes
Nos dignitaires sont désormais bien plus à droite que Keynes, dont le programme n’était pourtant pas socialiste. Keynes expliquait que le plein-emploi est une situation exceptionnelle dans une économie de marché où règne l’incertitude. Lorsqu’une masse de chômeurs, acceptant de travailler aux conditions du marché, reste inemployée, c’est que le chômage est involontaire parce que la demande globale est insuffisante.
L’offre ne crée pas sa propre demande : l’épargne dégagée par les classes riches n’est pas mobilisée par les entreprises pour l’investissement parce que le rendement du capital exigé par la finance, leur nouvelle amie (sic !), est excessif. Les flux de revenus distribués aux salariés se tarissent. La panne de consommation réduit les carnets de commande des entreprises.
Keynes se délecterait de commenter l’actualité. Il nous dirait sans ambages que la politique menée par la France fait tragiquement fausse route.
Article publié le 11-10-2014 sur le Nouvel Obs le plus et à relire sur
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1248700-allocations-familiales-allocation-chomage-l-inquietante-derive-des-socialistes.html
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