Je n'aime pas les jeux paralympiques. Voici, jetées de façon désordonnée, certaines pensées qui me hantent en ce moment à ce sujet.
Non que la vision de personnes handicapées m'incommode, bien au contraire ; je souffre surtout de les voir placées sur la même scène que les athlètes non handicapé(e)s. Et qu'on en fasse un spectacle rentable dégoulinant de commisération et de bien-pensance. Tant qu'on y est, on pourrait aussi organiser des dictées pour dyslexiques. Des concours de maths pour grands handicapés mentaux. Des concours de cuisine pour personnes au goût et à l'odorat défaillants. Ou encore des concerts de musicien(ne)s sourd(e)s – oui, je sais que ça existe, mais cela mérite-t-il une catégorie en soi ? Les musiciens malentendants que je connais jouent avec les autres.
Entendons-nous bien : je n'ai strictement rien contre le fait qu'une personne handicapée fasse du sport ou qu'une autre, dyslexique, fasse des dictées. Mais ce n'est pas un spectacle.
C'est une évidence, les jeux paralympiques ne consistent en aucun cas à aller plus haut, plus vite et plus fort que les athlètes non-handicapé(e)s. Il s'agit ici de repousser ses propres limites, de faire étalage de vertus morales qui nous paraissent, à nous, personnes non-handicapées, courageuses, louables, extraordinaires. J'imagine déjà le revers de la médaille et les réflexions que subissent les personnes handicapées qui ne possèdent pas ces vertus et qui peut-être s'en fichent pas mal. « Tu pourrais te remuer un peu quand même. » Ce qui n'est pas sans me rappeler l'érection en exemple de Zidane ou Rachida Dati et autres enfants des banlieues qui ont réussi : « vous voyez bien que c'est possible, que la colère ne mène à rien, que ceux qui échouent ne le doivent qu'à eux-mêmes. »
Repousser ses limites, aller plus haut... la concurrence ultime, celle qu'on se livre à soi même, qui est par définition interminable, sert avant tout à alimenter l'estime de soi. Et, accessoirement, à se détourner des questions de fond, celles qui méritent vraiment d'être posées au nom de l'ensemble des handicapé(e)s, pas seulement de ceux et celles qui ne renoncent jamais et sont habité(e)s de l'esprit de dépassement consubstantiel du néolibéralisme.
Par exemple : quand notre merveilleux pays riche se décidera-t-il enfin à vraiment niveler le terrain, tant sur le plan des équipements que de l'accompagnement médical, éducatif et économique du handicap ?