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Billet de blog 4 avril 2011

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cassavetes fait des films d'amour, par amour. Cruels et violents, drôles parfois, intransigeants et extrêmes. Amour de ses acteurs et de leurs personnages, amour du public, amour du cinéma instrument de révélation du dedans et du derrière, de l'en-deçà et de l'au-delà de toutes les superficialités: que ce soit l'hypocrisie sociale et la bêtise dans "Une femme sous influence" qu'il faille fouiller pour accéder au coeur de l'être, ou l'univers du théâtre, exacerbation de cette facticité, comme dans "Opening night".

Les deux personnages, Mable et Myrtle ont en commun d'être désaxées, perdues quelque part dans les limbes, entre la réalité et l'illusion qu'elles entretiennent avec le monde. Mable cherche son rôle de mère et de femme dans une société qui l'étouffe de son conformisme cruel, Myrtle cherche le rôle de sa vie, celui d'une femme qui doit renoncer à sa jeunesse. Toutes deux fuient la réalité, toutes deux tentent désespérément de s'y raccrocher pour vivre, aimer, espérer. Continuer d'espérer. C'est l'enjeu. Myrtle y parviendra par l'art. Créer reste la seule solution pour accepter de vivre. Elle ne se soumettra pas à sa folie, comme Mabel, elle l'exorcisera dans un combat destructeur, passionné avec elle-même pour contraindre le monde à la regarder en face, pour exister dans sa vérité sous les lumières du théâtre, dans l'oeil de la caméra, pour l'art, par l'art.

Everybody wants to be loved, déclare Myrtle dès le prologue en voix off. Je ne t'en veux pas, je t'aime, diront Mable et Myrtle giflées tour à tour par mari et ex-amant, et le dialogue qu'entretiennent ces deux personnages pétris de fragilité a l'évidence de ce geste, inoubliable, de Mable lorsqu'elle "décroche" et balance son pouce d'avant en arrière, avec un petit sifflement, comme pour dire, dehors le monde... geste repris par Myrtle, comme un clin d'oeil, dans la pièce, " The second woman" alors qu'ivre morte, elle contraint son partenaire, John Cassavetes, à improviser et réécrire son rôle pour y faire surgir l'humour et l'espoir, enfin. Nous y voilà, Mable et Myrtle, les deux visages de la femme aimée, et de leur jeunesse enfermée. Myrtle réussit là où Mable n'était pas de taille, elle qui finira broyée par la réalité, comme les héroïnes de Tenessee Williams. Myrtle fait sortir le monde et le convoque réinventé. Elle n'est plus objet, mais sujet. Si Myrtle réussit c'est qu'elle est sous le regard, et l'influence, c'est qu'elle capte ce regard et existe à travers lui en le modifiant, elle devient sacrée, magicienne, créatrice de désir, indomptable . De Mable à Myrtle, un art cinématographique est né, acte d'amour, révélateur intime de la vérité nue des existences, qui les transcende et s'accepte. De Mable à Myrtle, une star est née créée par l'oeil amoureux de la caméra.

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