Pour Toinou.
La télévision ronronne doucement et Titou est parti à la sieste. Rien à faire. J'ai déjà plié le linge, fait notre vaisselle de tous les jours, trois fois rien, balayé et passé la pièce. La maison est propre. Ils peuvent sonner les visiteurs, ils trouveront ma maison propre et bien rangée, on peut manger par terre. J'ai des biscuits apéritif dans le bahut, et j'ai fait un gâteau yaourt amélioré, faut bien deux fois les proportions, ils sont pingres dans leurs recettes, avec des pommes en plus, il est tellement gourmand, Titou. Je ne l'ai pas brûlé aujourd'hui, je pouvais me concentrer sur le four, je n'avais pas trente six choses à faire à la fois, comme quand ils viennent manger le dimanche, les enfants. Il était pas si mauvais mon gâteau, la dernière fois, à peine un peu brûlé, je l'ai gratté et tout le monde n'y a vu que du feu, ils me l'ont fini. Faut dire que la paëlla, c'est rudement chiant à faire, faut toujours être auprès du feu pour surveiller, et faut mettre le riz au bon moment, juste quand on commence l'apéritif, trente six choses à la fois! Tiens, la petite dame du dessus se prépare, elle a chaussé ses talons hauts, comme ça fait du potin ces immeubles en carton pâte, chez nous, c'était pas comme ça, les murs étaient épais, les plafonds hauts. Bref, on peut pas être et avoir été! Je vais me mettre du vernis, ça fera passer le temps, si j'arrive à me lever du fauteuil sans déranger la chatte. Elle prend du bon temps celle-là, on peut pas dire, quelle vie! Elle a raison la minette. Voilà, elles sont toujours aussi jolies mes mains, je les entretiens, tendues, fines et presque sans rides, quand elle viendra la petite, je lui dirai de me mettre le vernis aux pieds, ça fera coordonné avec mes souliers ouverts, mes petites sandales pour aller au club, celles qui sont sans talons, pour bien marcher. Faut dire que s'il m'accompagnait plus souvent en voiture, Titou, j'aurais pas besoin d'y aller à pieds au club, mais lui, il va pas chez "les vieux" comme il dit, de la foutaise, tous des gâteux. C'est sûr, il préfère faire sa sieste et se promener tout seul, comme un sauvage. Y'a que les petites caissières de casino et la marchande de pain qui ont grâce à ses yeux, ça avec elles il plaisante, mais les copines du club, tintin, pas un mot gentil. Au moins, moi, je discute, je joue au loto, on tricote, on s'échange des recettes avec mes amies, on parle des enfants et du pays, c'est mieux que de ressasser toute seule dans le fauteuil pendant qu'il fait la sieste, monsieur, comme une andouille. Il en a de bonnes cet homme, si on l'écoutait on verrait jamais personne, on ferait jamais rien. Heureusement que je l'ai, moi,"Le club de la joie". Je me demande où elle va la petite dame du haut avec ses talons, par cette chaleur, les magasins n'ouvrent pas avant trois heures. Allez, je vais me faire un petit déca et après je bouquinerai, faut surtout pas que je m'endorme devant la télé, sinon, je dormirai plus ce soir, et alors là, les idées noires, à me faire du souci toute la nuit, non merci. Si elle n'a pas appelé ce soir, je l'appelle la petite, trois jours sans nouvelles, c'est quand même pas normal.