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Billet de blog 12 janvier 2015

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Charlie à la plage

Un sentiment  étrange m’habite ce matin. L’impression que quelque chose me file entre les doigts au moment même où je crois le tenir,  qu’un mauvais génie vient me hanter alors que mon esprit brise quelques entraves.

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Un sentiment  étrange m’habite ce matin. L’impression que quelque chose me file entre les doigts au moment même où je crois le tenir,  qu’un mauvais génie vient me hanter alors que mon esprit brise quelques entraves. Bref, des allers et retours incessants, schizophrènes entre espoir et abattement. Une fêlure, d’où jaillit alternativement venin et filtre réparateur.

L’émotion, d’abord, contre laquelle je ne peux lutter, et contre laquelle je ne veux lutter. Pas envie de censurer ma peine, ma colère, mes espoirs. Belles ces manifestations de soutien partout en France et dans le monde, beaux ces appels à la liberté, à la fraternité, cette aspiration à l’égalité, ce refus du fanatisme, cette compassion pour les victimes. Devant mon écran de télévision, par moments, l’émotion me submerge et j’ai l’impression de partager quelque chose d’essentiel avec mes frères humains.

Puis simultanément, la frustration et la déception : j’ai trois heures de décalage avec la métropole, je suis devant un écran, je suis rentrée chez moi après avoir participé à deux rassemblements de 500 personnes tout au plus, à Saint-Denis de La Réunion, jeudi et dimanche et j’ai mal de ce décalage qui n’est pas seulement horaire.

Pourtant, un décalage existe aussi dans les commentaires que je glane dans la presse, sur internet, à la radio, à la télévision, dans les discours des anonymes, des plus connus, des experts, des proches, des communautés interrogés par des micros en quête de paroles, d’histoires, d’émotions, d’analyses . Des oui, mais… Partout, tout le temps, qui tentent d’établir une distance avec le présent vécu, qui disent les peurs de demain et l’impossible horizon à atteindre, ainsi que sa recherche émouvante.

C’est cette distance dont je peux  faire l’expérience concrète : le territoire où je vis refuse de partager l’unanimité nationale, il est le miroir inversé de la nation unie, il est l’envers de l’illusion. Même si c’est douloureux, une fois la déception digérée, il me rappelle, il nous rappelle que la tentative de dissolution des identités dont il a fait les frais, dans une gestion post coloniale de la société est  le germe de la discorde. Cette tentative que je vois à l’œuvre aussi dans « l’intégration » des communautés musulmanes en France. Il nous rappelle que la concorde est un leurre, et peut-être qu‘elle n’est pas souhaitable sauf à réduire l’autre à soi-même. Il nous rappelle enfin, que les valeurs inaliénables pour lesquelles nous acceptons de lutter sont loin d’être partagées et demandent sans cesse à être réinventées dans un vivre ensemble qui ne soit pas une dissolution de l’autre. 

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