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Billet de blog 18 mai 2011

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Fin de partie

De Sabato à Miranda, en passant par «Les Experts» et le festival de Cannes, une idée se forme, d'abord imprécise et magmatique dont il faudra retirer quelques louches sans se brûler et peler la patate chaude à l'intérieur.

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De Sabato à Miranda, en passant par «Les Experts» et le festival de Cannes, une idée se forme, d'abord imprécise et magmatique dont il faudra retirer quelques louches sans se brûler et peler la patate chaude à l'intérieur. Certains ont des diamants dans leur magma, d'autres des cristaux, moi j'ai des patates, et j'en fais de la purée. La patate, ici même, c'est l'idée du personnage et de son au-delà, la fiction, le récit qui se développera autour de lui et nous enveloppera. J'ai le sentiment, très courant, fort anodin, que finalement la contribution à laquelle nous sommes tous soumis est de tuer le réel pour développer à l'envi des fictions à l'intérieur desquelles nous mourons nous aussi au réel pour renaître en tant que personnages, narrateurs ou tout simplement lecteurs/spectateurs. Ces positions plus ou moins confortables nous cantonnent néanmoins à des rôles qui peuvent nous laisser croire à une participation, mais à terme, nous installent sur la touche, à distance, bien en-deçà d'une action réelle. Dans la création amoureuse d'abord, où l'autre avant d'exister comme personne, est érigé en personnage de nos fantasmes, et celui qui vivra l'amour devra être l'assassin du personnage par lui créé, et supporter la désillusion du réel de l'Autre, dressé en face de lui dans sa crudité nue. Mais ce meurtre du personnage est une opération fastidieuse et sans gloire, elle revient à peler la patate pour se découvrir soi aussi, nu et sans défense. La tentation est alors grande de rester dans la fiction et d'inventer l'amour ou l'amoureux en attente d'un happy end, sorte de "deus ex machina". Le politique, notre action commune pour "vivre ensemble", me semble participer du même mécanisme, cela ne revient-il pas d'ailleurs à vivre ensemble, dans un couple élargi à la famille, puis à la société, enfin au monde ? Ici encore, le personnage est roi : l'autre, l'ami, le voisin, l'étranger, l'homme politique est initialement une création imaginaire qu'il faudra affronter dans le réel si nous voulons le toucher, l'appréhender, le comprendre. Or, cet autre si dur à atteindre nous est enlevé à l'infini par la foule des représentations qu'il génère. Les écrans se multiplient et nous coupent à jamais de lui. Ecrans des mots, des images, des récits et des signes qui s'imbriquent et se projettent à sa surface. Sarkozy sur la Croisette, héros du film "La conquête", DSK au tribunal, dans les articles, sur les plateaux télé, héros du dernier feuilleton policier américain à succés, nous montrent bien combien le réel nous a délaissés, combien nous sommes envahis par la fiction comme seul point d'appui de nos représentations. Tuer les personnages reviendrait alors à briser les écrans, suspendre les mots, anéantir la fiction par un retour à l'action. Agir en l'espèce sera plonger dans le réel à bras le corps pour chercher du sens là où seul nous pouvons l'appréhender, dans le contact sans illusion qui s'écrit par le corps et dans sa vérité. Aller au combat pour ressusciter la personne et tuer en dernier lieu le personnage. Et surtout, ne pas l'écrire-

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