« Nulle part où se poser »
J’ai fait un plan de notre cellule, j’ai pris les dimensions… C’est complètement biscornu. […] Là je suis coincé entre la petite table, le frigo et le mur, dans un triangle d’à peu près 1m de côté, et ma couchette est à 1,20m de moi. Disons que l’espace est extrêmement économe.
Le manque de mobilier, de rangements, de surface de travail, est un vrai problème. On est deux à se partager une table de camping en plastique qui fait 65cm x 65cm, avec un magnifique orifice en son centre pour mettre le parasol. […] On serait un peu moins malins, on en arriverait aux mains. Parce qu’on n’a pas de place à deux sur cette table, c’est impossible. […] Si on pose un cahier, un livre, ou disons deux feuilles A4, c’est terminé. Et il faut manger là-dessus… Moi, j’ai besoin d’écrire en permanence. Je me suis toujours levé à 6h du matin, mon co dort jusqu’à 10h. Du coup j’essaie d’écrire le matin, mais à partir du moment où il est réveillé, ce n’est plus possible.
On n’a nulle part où se poser. Si on est deux à se mettre debout, on se marche dessus. Et si je veux faire un peu de sport, avec les bouteilles d’eau qui me servent d’haltère, je dérange, il n’y a pas de place. […] Même si j’arrivais à suivre des cours à distance, je ne saurais pas où les travailler. Il m’arrive depuis peu de lire allongé, mais c’est douloureux pour moi. Donc je suis toujours debout, rarement assis…
On a chacun 1,50m2 d’étagères, qui ont le mauvais gout d’être arrondies. C’est insuffisant. […] Donc j’ai toutes mes affaires sous ma couchette. Mon co n’a rien […], donc avec lui, ça se passe bien, mais on serait deux guignols comme moi, on ne saurait pas où mettre les affaires. Ça ne serait pas possible. Même seul, ça passerait limite.
Même si ce n’était pas la joie dans la prison moderne où j’étais avant, c’était la panacée en comparaison. On avait au moins un petit coin, des espèces de planches posées sur des équerres au sol, où je pouvais lire et écrire. […] Je regrette même mon passage à l’isolement, au moins je pouvais m’étaler. Qu’on ait des tables, des surfaces de travail… […] Que je puisse ranger mes affaires, que je puisse tourner en rond. Qu’on arrête ça. — L. V.
« Nous sommes trois et la cellule ne dispose que de deux tables et de deux chaises, alors [pour les repas], soit une personne attend, soit elle mange debout ou sur son lit. Nous sommes également obligés de mélanger nos affaires, car la cellule n’a que deux armoires. » – B. P.
« On se marche dessus »
Je suis resté 18 mois dans une maison d’arrêt prévue pour accueillir 600 détenus, où on était 1200. On était trois dans 8m2. Et il faut ajouter les lits, les meubles… On n’a pas de place, quoi : on se marche dessus. On faisait le ménage tous les jours, parce que ça se salit très vite avec autant de monde. Surtout qu’il y en a un qui priait par terre, il fallait bien que ça soit propre. C’était chacun son tour de laver le sol, la vaisselle, etc. […] À mon transfert dans une autre maison d’arrêt, je me suis retrouvé à quatre dans 8m2, au quartier « arrivants », pendant bien trois semaines. Je dormais par terre. Après, je suis passé dans un dortoir de neuf, puis un dortoir de six. Allez essayer de cacher vos affaires, quand vous êtes six ou neuf en cellule… — G.F.
« Seul un petit muret séparait les toilettes du reste de la pièce. Je devais faire mes besoins devant mes codétenus. » – R. M.
Dormir sur un matelas au sol : « aucune dignité humaine »
« Si je résume, la surpopulation carcérale, c’est qu’il n’y a aucune dignité humaine. […] Ici beaucoup de détenus dorment au sol. Quand on dort par terre, le sol est dur, et froid et sale, on se réveille avec des cafards sur nous. Et quand un ou deux détenus dorment au sol, il n’y a pas assez de place pour circuler dans la cellule. » – V. T.
« Dormir est compliqué car il y a beaucoup de bruit et qu’on a mal au dos, vu que les matelas sont en mousse premier prix. » – K. L.
« Le matelas au sol, ce n’est pas très confortable : dormir par terre devant les toilettes et sur le carrelage froid, pendant des mois. Mais on ne nous donne pas le choix, obligé de s’adapter, donc beaucoup de tensions […] et des bagarres dans la cellule pour récupérer un lit. Obligé de rester allongé toute la journée, donc le matelas est toujours au sol : très compliqué pour circuler. Pour faire le ménage aussi, à trois dans une cellule de 9m2 avec un matelas par terre. L’armoire n’est pas adaptée pour trois : rangement compliqué. Le frigo va pour deux, mais pas pour trois. » – S. K.
« Il est en semi-liberté, dans une petite cellule à deux, ils sont complètement collés. Il y a un lit normal et un lit pliant collé aux toilettes et à la poubelle, dans lequel il est. Il est très, très fragile, c’est sa première nuit et il a beaucoup de médicaments pour dormir. » – M. O., compagne d’une personne détenue.

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