par Cécile Marcel, directrice de l’Observatoire international des prisons-section française

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Au-delà de la question de savoir si ces morts auraient pu être évitées, c’est l’occasion de soulever une autre interrogation : la place de ces personnes était-elle en détention ? Pour certaines peut-être… encore qu’il est permis de douter de la capacité de la prison à répondre aux maux qu’elle entend combattre. Mais que dire d’Émeric, incarcéré pour un défaut de paiement d’amendes de transport ? De Bilal, atteint de troubles psychiatriques graves et reconnus, qui avait déjà tenté à de multiples reprises de mettre fin à ses jours, incarcéré aux Baumettes après avoir crié « Allahou Akbar » ? De ce père de famille condamné à deux mois ferme pour conduite sans assurance au prétexte qu’il avait déjà un casier judiciaire chargé ? Ils sont les victimes d’une justice qui ne prend pas le temps d’examiner les parcours des vies – souvent cabossées – qui lui sont confiées. Les victimes d’un réflexe carcéral solidement ancré dans les pratiques, que ce soit à titre préventif ou punitif ; et d’un système dont l’offre de prise en charge en dehors de la prison ne cesse de s’appauvrir.
Malheureusement, le projet de réforme pénale annoncé par le gouvernement ne changera rien à ces maux. Il les pointe du doigt, pose un diagnostic parfois juste, mais n’ose s’y confronter. Point, dans la philosophie de ce projet, de remise en cause de la centralité de la prison, de réduction du champ de la justice pénale, de développement des peines qui prévoient un réel accompagnement humain. Point de vision mais des mesures dont les effets ne seront que marginaux, voire contreproductifs.
Sans préjuger du débat parlementaire à venir, que l’on espère sans trop y croire riche et contradictoire, on peut déjà poser le constat amer d’une nouvelle occasion manquée.
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