Intimidations, violences, criminalisation.
La BRAV-M à l’assaut des manifestations
Des pétitions demandent la dissolution de la BRAV-M[1]. L’OPLP travaille justement depuis de nombreux mois à l’écriture d’un rapport, qui est paru hier, 12 avril 2023, dénonçant les pratiques et l’existence même de la BRAV-M, symptôme et modèle de ce que la police peut faire de pire.
Le présent texte présente certaines des conclusions du rapport, en proposant des hypothèses pour comprendre l’existence même de la BRAV-M, dispositif créé au printemps 2019. A cette période, le mouvement des Gilets jaunes avait déjà donné une nouvelle ampleur à la question des violences policières dans le débat public. Les manifestant∙es faisaient face à une répression inédite par rapport à ce qui s’était vu dans des situations comparables lors des dernières décennies en France. Des ONG, des journalistes, des citoyen∙nes et militant∙es, le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, et même l’ONU et la Commissaire des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, s’étaient inquiété∙es des pratiques françaises de maintien de l’ordre, et du recours à un armement plus fourni et dangereux que dans les autres pays de l’U.E., causant des blessures graves et des mutilations pour des dizaines de manifestant∙es.
Face à ces inquiétudes grandissantes, la hiérarchie policière et le pouvoir exécutif auraient pu être tentés de rassurer, de revoir les stratégies de maintien de l’ordre, au moins par souci de communication politique. Avec la création de la BRAV-M au printemps 2019, les pouvoirs publics semblent avoir choisi la voie opposée : une nouvelle unité aux interventions dangereuses et imprévisibles, dont certains gradés (commissaire Tomi, commissaire « P ») sont connus pour des faits de violence. Et surtout, une unité évoquant immanquablement les voltigeurs, dont le souvenir constitue l’un des grands symboles de la violence de la police. Et, comme pour appuyer le trait, la BRAV-M a été affublée d’un style (équipements, théâtralisation des interventions, acronyme…) tout à fait « parlant » qui, involontairement ou à dessein, fait passer un message implicite.
Comment comprendre alors la création de la BRAV-M, dans un contexte où l’on aurait pu croire que l’institution policière chercherait à se montrer irréprochable face aux critiques ? L’unité, dont le style annonce la violence, peut apparaître comme la réponse d’un pouvoir qui, loin d’être complètement sourd aux critiques, y répond par la provocation. La BRAV-M serait alors une réaction d’une institution qui, face aux accusations, sort les motos, pour montrer les muscles.
Mais on ne doit peut-être pas réduire le sens de cette unité à une simple provocation. Dans ses analyses des dispositifs de pouvoir, Foucault montre comment ces derniers parviennent à intégrer et faire jouer à leur avantage les critiques dont ils font l’objet. On pourrait, suivant une telle perspective, se demander si l’institution policière ne serait pas susceptible, parfois, de tirer profit des discours qui la visent. Les dénonciations des violences policières pourraient, par exemple, participer malgré elles à une forme de dissuasion par la peur. De ce point de vue, la BRAV-M (et son style si « parlant ») serait venue illustrer ces discours au moment où ils se faisaient entendre, pour ajouter aux mots des images et faire bien voir que, c’est bien connu, attention avant de prendre la rue : la police est violente, la police est dangereuse.
Le plus pernicieux étant que cette dissuasion risque de fonctionner à l’égard de personnes qui souhaiteraient se mobiliser ; il est possible que les personnes non concernées ne retiennent que le discours gouvernemental de “l’ordre rétabli”.
La création de la BRAV-M pourrait ainsi apparaître comme l’un des coups de force d’une institution policière qui aurait pris les devants pour ouvrir des brèches face à la crise de légitimité qui la frappait.
Le rapport, dont certaines des analyses ont déjà été développées dans cet article[2], se fonde sur un travail d’observations de terrain et de recherches documentaires, qui ne laisse aucun doute sur la dimension anti-démocratique de la BRAV-M, et plus généralement sur sa violence et le danger qu’elle représente.
Une série de questions sur les BRAV-M et leur organisation interne ont été adressées par la LDH à la Préfecture de police de Paris, mais cette dernière n’a pas donné suite, même après une saisine de la CADA[3] qui a considéré que les informations demandées devaient être communiquées. Ce manque de transparence est en lui-même un problème démocratique qui, dans le cas spécifique de la BRAV-M, l’aide à se dérober au contrôle citoyen.
[1] Celle sur le site de l’Assemblée nationale n’est plus d’actualité. Mais celle de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) est en cours.
Pétition : https://www.change.org/p/stop-%C3%A0-l-escalade-r%C3%A9pressive
[2] https://aoc.media/opinion/2022/05/31/la-doctrine-lallement-ou-la-conception-illiberale-de-lespace-public/
[3] Demande effectuée à la préfecture de police en octobre 2022. Avis n°20227431 du 12 janvier 2023 de la Commission d’accès aux documents administratifs.
Lien vers le rapport : Rapport-BRAV-M-complet-12.04.2023.pdf (ldh-france.org)