Octodire

Abonné·e de Mediapart

6 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 novembre 2025

Octodire

Abonné·e de Mediapart

Au seuil du grand mystère, les veilleurs de nos ultimes batailles.

Octodire

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La Maison de Retraite, c'est d'abord une maison. Qu'on l'appelle EHPAD ne change rien à l'affaire : pour tant de mes vieux amis et pour moi demain, c'est le refuge qui abrite nos vacillements, absorbe nos angoisses, veille sur nos dernières heures ... et dans le meilleur des cas délègue une voix humaine pour nous souhaiter affectueusement un bon voyage au seuil de l'inconnu dont jusqu'au bout nous ne saurons rien. Depuis quelque temps les adieux se multiplient autour de moi ; je me sens si proche de vous tous, chers amis d'ici et d'au-delà : je suis dans ma partance moi aussi, et ces premiers jours de Novembre qui nous unissent traditionnellement m'invitent à une douce réflexion où la gratitude domine.

On entend souvent dire que la vieillesse est un naufrage ... Dans la maison de retraite, les visiteurs des parents et grands-parents se désolent de voir l'image de leurs aînés se défaire peu à peu et s'éloigner de ces belles photos familiales, témoins de leur force d'alors soutenant sans le savoir le grandir de toute la famille. Chaque visiteur se voit alors nettement monter - on pourrait aussi bien dire descendre - au niveau de la génération précédente. Dans la grande maison où les soignants veillent et inventent d'ultimes festins pour leurs patients, les convives se retrouvent autour de la table comme des bateaux à quai, dans un havre berceur. C'est ainsi ! c'est comme ça ! Alors, pourquoi tant de souci pour ces embarcations au radoub ... mais qui ne reprendront plus la mer ? C'est qu'il n'est d'embarcation sans navigateur. On peut même dire qu'un jour le navigateur a pour ainsi dire épousé son embarcation et que tous deux, liés pour le temps d'une traversée, ont suivi l'itinéraire indiqué par l'étoile. Le marin à la barre s'est perdu, retrouvé ; il a tourné en rond, triomphé de quelques écueils, peut-être même a-t-il chaviré une nuit de gros temps. Et son bateau, tantôt modeste tantôt conquérant, a pris bien des coups. Depuis quelque temps, le capitaine s'absente. Il revient parfois faire un petit tour, car le bateau est encore à l'amarre, confié à l'équipe du port attentive et respectueuse. Mais le coeur n'y est plus, le capitaine est ailleurs, déjà sur le seuil du grand mystère. Alors, après avoir livré sa dernière bataille, celle que l'on redoute tous, il dénoue le lien qui le retient en-corps ... l'embarcation peut couler, avec sa permission. Je vous revois tous, amis, je me souviens de ce qui faisait de vous l'être unique que j'ai rencontré et pas toujours aimé autant qu'il le méritait. Maintenant j'en sais un peu plus, en particulier je sais qu'il n'est pas nécessaire de traverser l'Atlantique ou d'avoir abordé une île lointaine, pour accomplir sa vie.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.