Aujourd’hui, mon écœurement bat des sommets…
Brigitte Lahaye nous informe qu’une femme peut jouir au cours d’un viol… Pauvres femmes qui ne connaissent pas la jouissance d’avoir été violées… Que des femmes l’aient ainsi vécu, que Brigitte Lahaye l’ait elle-même vécu, que ce soit réel et tout aussi respectable que le reste des actions humaines, ne me dérange aucunement.
Mais pourquoi mélanger la sexualité des uns, des unes, et des autres…
Que vient faire l’expérience de Brigitte Lahaye, et d’autres, dans l’appréciation des agressions vécues par d’autres encore. Une même femme a peut-être joui dans un viol, et souffert de la perte de son corps dans un autre… Ce qui voudrait dire que, si elle a joui dans un viol, elle doit fermer sa gueule toutes les autres fois ? Toutes les fois où on lui prend son corps sans lui demander son avis ? (Les guerriers de certains pays sont tranquilles, ils ne risqueraient plus aucun tribunal international...)
Si l’on prend en considération le fait qu’un viol puisse produire une jouissance, dans ce cas, peut-on alors « légitimement » se demander si tout viol ne cache pas chez chaque femme la recherche inconsciente de ce plaisir qui lui serait alors révélé ? C'est une idée qui a déjà quelques millénaires et semble en voie d'éternité... Et pourquoi alors ne pas récompenser pénalement les violeurs qui donnent enfin cette chance aux femmes plutôt que de les punir ?
J'ai le souvenir, dans mon exercice professionnel, de quelques rencontres avec des professionnelles du sexe qui ne révélaient rien d'un plaisir consenti...
Il me semble que Brigitte Lahaye, et ses camarades signataires, confondent tout. Entre autre leur propre sexualité, leur propre expérience, et celle d’autres femmes. Et qu’ainsi elles tentent d’imposer leur vécu et analyse intime comme norme de référence d’un possible plaisir féminin, d’une relation aux hommes ; comme norme de référence pour envisager ce que d’autres vivent comme des agressions, comme des destructions…
Peut-être vivent-elles, elles-mêmes, l'expérience des autres comme quelque chose qui s'imposerait à elles ? Peut-être ont-elles ainsi le sentiment de "subir" la pression de ce qu'elles nomment un féminisme exagéré ? Ont-elles aussi peu d'autonomie ?
Ou peut-être ne veulent-elles pas se souvenir qu’elles ont eu, elles aussi, envie de foutre leur main sur la gueule d’un gros lourd… Jamais ??? Vraiment jamais-jamais ??? Elles répondent que tout cela ne vaut pas une condamnation…
Elles ne veulent pas savoir que ce n’est pas ainsi que se décline la liberté.
Vous êtes un certain nombre, comme moi, à avoir été en contact avec des enfants, avec leur éducation, filles et garçons. Vous êtes donc un certain nombre à savoir que éducation se décline avec respect de soi et des autres, avec respect de son corps, du corps de l’autre, de son propre affectif et de l’affectif de l’autre… La construction humaine n’est rien sans l’altérité. L’altérité impose le respect de soi et le respect de l’autre. Ce respect commence par le respect de la personne incarnée, de son corps, de ses besoins et de ses désirs. Il s’exerce principalement face à la liberté de l’autre. Respecter la liberté de l’autre, c’est d’abord ne pas lui imposer quelque chose qu’il ne veut pas.
Supposer que, dans le cadre de la sexualité, des relations plus complexes puissent exister n’a rien d’extraordinaire. Mais pourquoi l’expérience des unes doit s’imposer aux autres. Aucune femme qui s’est sentie violée n’a envie d’empêcher une autre femme de jouir dans les mêmes circonstances. Soyons clairs, elles s’en foutent ! Par contre, que l’expérience des femmes épanouies par le viol s’impose aux femmes détruites par le viol, c’est l’inverse de la liberté et du respect.
Quand, dans le métro, vous posez votre pied sur le pied d’autrui, vous présentez des excuses, à moins d’être un-e gros-se lourd-e. Est-ce si idiot de considérer que la sexualité, aussi, est un domaine délicat ? Que justement dans ce domaine, l’indélicat doit être particulièrement délicat, et que la jouissance, par essence, est une affaire « d’adhésion ». Non Messieurs, vous n’avez pas tous la compétence de faire adhérer chaque femme… Oui, Mesdames, il faut que vous appreniez à mieux dire non, au moment où ça dérape, avant que ça dérape. C'est un vrai travail, un vrai changement, qui ne passe pas forcément par les tribunaux, mais par le partage de l'espace commun dans le respect de chacun. Ils sont si idots que cela ces mots-là ?
Dans le cadre de mon programme : « je suis con, bien élevée, respectueuse et je vous emmerde », je persiste à défendre l’idée qu’une femme qui se sent agressée, importunée, puisse en obtenir réparation, preuve faite du dommage. Je persiste à vouloir que les garçons soient, eux aussi, éduqués à considérer que la vitalité de leur zizi ne doive pas commander le monde des autres, et qu’ils apprennent à à considérer que le désir des femmes soit aussi actif que le leur, aussi respectable. Je persiste à vouloir que les femmes respectent les hommes comme elles veulent en être respectées.
Pour que le sujet sexuel provoque encore tant de polémiques, est-ce un domaine si bien maîtrisé que cela par des adultes dits confirmés ?
Il me semble que le désir et l’épanouissement entre partenaires ait tout à gagner du respect de chacun, de la considération de l’autre pour soi-même, de soi-même pour l’autre. Cela n’est ni masculin, ni féminin, c’est simplement HUMAIN. Les déclinaisons physiologiques de chaque expression sexuelle sont à respecter, cela signifie en principe que cela ne se viole pas, que cela ne s’impose pas. Ma liberté, c’est ce que, moi, je vis, pas ce que d’autres considèrent que je doive vivre pour être quelqu’un de bien, d’épanoui, d’heureux et d’intelligent, ce que d’autres me donnent l’ordre de vivre.
Ceci, bien sûr, ne peut exclure les cas particuliers de constructions intimes complexes que des personnes adultes sont en principe aptes à assumer, sans faire de mal à autrui.
Faire du mal à autrui : qui peut en décider la teneur ? Sinon chacun au bout de sa propre histoire.