Quitte à soûler les lecteurs éventuels, je suis assistante sociale à la retraite. Et en ce qui concerne le chômage, j’en ai deux fois fait l’expérience : une première fois en tant que professionnelle dans l’accompagnement que j’ai fait auprès des personnes, de tous âges et de tous niveaux, qui étaient en difficulté et aussi au chômage (souvent l’un va avec l’autre, surtout quand il y a des enfants) ; une autre fois en tant que chômeuse, à la suite d’un licenciement, pendant 2 années entières. Cela a fait déraper les finances familiales, et je n’ai pas dormi pendant des mois devant les refus systématiques à mes candidatures. J’en ai « profité » (le terme est curieux, inadéquat, singulier, inadapté, etc.) pour reprendre des études qui m’ont donné un master sans pourtant me faciliter les embauches. Bien sûr, à propos de ce parcours dont je viens de tracer à peine une esquisse, bien de personnes vont se trouver autorisées à en donner leur analyse pour, sans rien savoir du réel, décrypter tout ce que je n'ai pas fait comme il faut, pas assez fait, ou ce que j'aurais du faire autrement, comme tous ces analystes, décrypteurs professionnels que j'entends depuis ce matin à la télévision... Mais enfin, il faut bien parler…
J'insiste sur le fait que, compte tenu de mon exercice professionnel, je trouve tout à fait positif d'avoir eu moi-même l'expérience du chômage, cela a surtout contribué à me rendre un peu plus intelligente face à un problème que, pendant 20 ans, j'avais pourtant exploré largement et en tous sens. Car j'ai ensuite eu une toute autre approche de la question face à des personnes qui en souffraient.
Alors moi aussi, comme ceux de la télévision, je veux parler.
CV d’Emmanuel Macron, Paris Match : Après des études au lycée La Providence à Amiens, puis à Henri IV à Paris, Emmanuel Macron a obtenu un diplôme d'études approfondies (DEA) de philosophie, à l’université Paris X-Nanterre. Le fondateur d’En marche! est aussi diplômé de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris. Emmanuel Macron est également issu de la promo Léopold Sédar Senghor (2002-2004) de l'Ecole nationale d'administration, parmi ses anciens élèves on retrouve Gaspard Gantzer (conseiller communication de François Hollande), Boris Vallaud (secrétaire général adjoint à l'Elysée), Thomas Andrieu (directeur de cabinet de Jean-Jacques Urvoas)
A sa sortie de l’ENA, Emmanuel Macron est devenu inspecteur des Finances (2004-2007) puis inspecteur des Finances chargé de mission auprès du chef de service à l'Inspection générale des finances. En 2008, il se met en disponibilité de la fonction publique et devient banquier d'affaires (jusqu’en 2011) puis associé-gérant chez Rothschild et Compagnie, de 2011 à 2012. Parmi ses faits d'armes, le rachat par Nestlé d’une filiale de Pfizer, une opération qui a fait de lui un millionnaire.
Intelligent, Larousse : se dit de l’être humain en tant qu’il conçoit et saisit les rapports entre les choses, qui fait preuve de discernement, de jugement, de bon sens.
Philosophe, Linternaute : qui montre de la sagesse, de la sérénité.
Dans toutes ces lignes, il n’apparaît pas que notre Président ait un jour pointé à Pôle Emploi. Il est très bien formé, il a une véritable culture et beaucoup d’expérience dans les domaines qu’il a lui-même explorés. Mais pas dans celui du chômage. Dans ce domaine, il a la connaissance de ses études, la connaissance que d’autres lui ont apportés, mais pas de connaissance née de sa propre expérience. Ah voilà.., c’est pour ça…, il conçoit et saisit bien les rapports entre les choses qu’il connait et celles qu’il connait, mais pas entre les choses que d’autres connaissent et celles que lui connait. C’est pourquoi ses propos irréfléchis dans le cadre d’une réelle et véritable expérience peuvent blesser et humilier tant de personnes qui, elles, ont réfléchi dans le cadre d’une expérience vécue.
Ce matin, j'ai entendu : "mais c'est ça aussi être responsable de son parcours, savoir se former dans les domaines où l'on a besoin de main d'œuvre !", " la restauration, dans la restauration il y en a du boulot, tous ces restaurateurs qui se plaignent de ne pas avoir de serveur, de cuisinier...". Oui, mais de là à trouver un emploi simplement en traversant la rue... Justement, le parcours de l'individu, ce parcours dont on nous fait discours de toute part, discours et discours, ne voyez-vous comme il devient pervers de tant vanter le développement individuel, l'épanouissement, et de régler ensuite la chose "en traversant la rue" pour trouver un emploi ? Quel emploi au juste... ? Il y a là quelque chose qui ne colle pas, et qui coupe définitivement la France en deux : ceux qui s'épanouissent dans leur parcours, et ceux qui sont condamnés à traverser la rue... N'oubliez jamais que la connaissance, si elle est produite par l'apprentissage et expérience, est aussi produite par la façon dont elle est vécue... Et c'est là que peut naître l'humiliation.
Il devrait se méfier, tous ces gens-là pourraient voter pour lui. Mais, condamnés à traverser la rue, bon nombre de chômeurs risquent encore plus d'aller voter Insoumis ou Rassemblement National… Et pour continuer de suivre Macron, quelques Marcheurs, parmi ceux qui ont connu Pôle Emploi, devront faire preuve de sérénité et sagesse... Je ne doute pas que Macron continue de nous affirmer qu'il est serein, et nous pouvons le croire. Sage aussi..., mais là nous aurons du mal à le croire...
Il y a ceux qui réfléchissent, qui pensent, qui décortiquent, il m’arrive souvent d’en faire partie. Et sur un sujet aussi sensible, il y a ceux qui vivent. Et qui votent…