Etre au visage sans vie, errant loin des regards,
Triste inconnu d’ici
Arrivé de nulle part.
Ce qu’il est désormais est au bout de ses doigts
Un sac s’y balance qui pèse à la main maigre
Cette frêle existence y est roulée en boule,
condensée en tissus râpeux et rapiécés
Sa silhouette flotte, courbée contre le vent
Misère d’aujourd’hui, vide du jour d’après,
elle passe entre les deux, quelque part en suspens
Le corps maigre se tord, se relève et avance
Mouvements détachés d’un automate sans âge
Filins de marionnette raidis par les embruns.
A l’entrée du jardin le fantôme se dédouble
D’un seul, les voilà deux
De deux les voici trois, puis quatre et tout un groupe.
Midi n’est plus une heure, il est un rendez-vous,
de corps anonymes, de misères semblables
Les langues qui se mêlent montrent leurs différences,
le gris de leurs visages leur triste ressemblance
Tous ont la même peau terne et les mêmes yeux hagards
Ils viennent de partout portant le même fardeau,
celui de la misère qui les réuni là.
Sans image et sans âme, cette masse est partout,
qui ronge l’intérieur et affaisse l’échine.
Mais de la toile sans vie s’élèvent quelques rires
Ouverts et envoyés, ils animent la pose
Les rides au creux des lèvres s’inversent soudainement,
pour faire de ces gueules, des faces lumineuses
La boue de leur souliers se sèche et se durcie
Et dans un mouvement est expulsée des corps.
Cette noirceur qui tombe c’est un instant d’oubli,
un trait aux couleurs claires dans l’âme des réfugiés.