À l’occasion des deux ans de son Showroom, Ousmane Mbaye Design a présenté début mai dernier, une nouvelle collection en collaboration avec Awa Meïte, designer textile du Mali.
Deux ans, c’est beaucoup de choses vécues lorsqu’on part d’une base consolidée par une expérience confirmée, pour ce boulimique du design qui fait du fer sa matière première depuis près d’une quinzaine d’années déjà. Le fer est une matière honnête dont on ne peut pas camoufler le résultat parce que c’est une matière nue, affirme-t-il.
En deux ans, trois vernissages au compteur dont le premier à l’ouverture, c’était en mai 2017. Il ouvrait les portes d'une étape importante de son parcours : montrer son travail, l'exposer, échanger avec ceux qui le découvre ou qui le voit évoluer depuis des années.
Un deuxième vernissage, tiré de la collection « Tresser des liens », se fit lors de la Biennale de 2018, en collaboration avec Murielle Kabile, designer Hair Couture. Puis un troisième, le dernier pour le moment, il y a quelques jours seulement, à l’occasion du deuxième anniversaire d’un showroom plus mature que son âge tant le propriétaire trépigne d’inspiration, de talent et d’ingéniosité.
L’espace, situé au cœur de la Médina à Dakar, est un point d'ancrage, à quelques pas de l'atelier où tout a commencé.
Ousmane Mbaye Design n’est pas un lieu d’évènements culturels ni une galerie. Le designer tient à faire cette précision, pour donner une personnalité propre et une identité professionnelle à cet espace de travail, entièrement consacré aux collections qui sortent de son atelier.
Le showroom est donc une boutique et un bureau dédiés exclusivement à son travail. Il s’agit d’un concept store où ne sont exposées que les pièces de la marque Ousmane Mbaye Design. Fort de son succès, le designer n’exclut pas l’ouverture, plus tard, de nouveaux concepts stores où il pourra inviter d’autres talents à exposer leurs créations. Pour le moment, il y a Shop Bi, une boutique qui jouxte le showroom où il invite, selon ses coups de cœur et en fonction des saisons, d’autres designers avec lesquels il travaille sur des collections spécifiques.
En terme de visibilité, la valeur ajoutée d’un espace de cette envergure se joue sur l’accès au grand public, ce qui a toujours été un rêve devenu réalité pour Ousmane. Toucher des gens qui ne font pas partie du milieu de l’art par exemple et qui aiment le beau, tout simplement. Des gens qui ont un autre jugement complètement détaché du jugement, entre guillemets, des connaisseurs ou des collectionneurs, pour « éduquer » dans la nouvelle façon de regarder, pour donner au consommateur des options alternatives à une autre sensibilité esthétique.
Le contact avec d’autres professionnels qu’il ne connaissait pas ou auquel il n’avait pas accès lui a permis de se positionner sur le plan national de façon générale et plus spécialement dans son quartier, afin que les jeunes voient que tout est possible, qu’un fils de la Médina, comme eux, peut réussir grâce au fruit de son travail. Le showroom est, à n’en point douter, un positionnement d’ancrage qui stimule, un espace qui créé des émules (le positionnement international ayant été travaillé avant).
En deux ans, des espaces ont fleuri aux alentours, des commerces s’ouvrent, des initiatives gravitent, boostées par des jeunes du quartier dont l’espoir reconnait que tout est véritablement possible ici aussi pour eux. D’ailleurs, il y a certains noms connus de la place dans le domaine des Arts qui vont ouvrir dans les parages, tandis que d’autres designers envisagent même de déménager pour venir s’aligner sur ce qui est en passe de devenir LE boulevard du Design.
Pour ce professionnel dont l’humilité surprend tant le talent est ahurissant, la main de Dieu, le souffle divin guide son inspiration et sa créativité. Il pense qu’il est prétentieux de dire qu’il ne doit son succès qu’au seul effort de son travail, parce que l’inspiration est un mystère.
La réflexion, dit-il, est quelque chose d’abstrait, parfois on ne peut pas mettre des mots sur tout pour éviter de verser dans le conceptuel lorsque l’objet parle de lui-même. Son travail est le reflet de la philosophie du Designer Ousmane Mbaye. Chaque expo est une avant-première de la collection qui va être déclinée en plusieurs facettes, pour collectionneurs ou consommateurs de type grand public, cela permet de satisfaire aussi bien le côté artistique que le côté design pratique.
L’exposition sur « Tresser les liens » par exemple est un hommage aux tresses africaines qui sont un design des formes, une technique de travail, une esthétique, un savoir-faire, une répétition et cette technique répétée transférée dans le design donne des formes géométriques, épurées.
Ne comptez surtout pas sur lui pour s’aligner au discours de l’artiste classique qui projette dans son travail ou ses réalisations un déversoir de ses propres frustrations. Il ne mange pas de ce pain. Il prône plutôt l’amour comme manifestation ou matérialisation via ses œuvres.
Présenter le travail de quelqu’un pour qui on a de l’admiration pour les valeurs qu’il véhicule nous situe souvent dans un dilemme du « trop en dire » proche d’un chapelet d’éloges kilométriques et du « pas assez dit », tributaire, en revanche, de l’extrême prudence d’un regard froid. Ousmane Mbaye est une personne sans complexe, sans protocole, pour qui les humains ne sont pas des catégories commerciales mais plutôt des valeurs d’une échelle basée sur l’éthique. « Les gens vraies quand tu les vois tu ne les oublies pas », aime-t-il à répéter.
Un des défis à venir pour un Ousmane Mbaye - bouillonnant de créativité sans limites - est une école du Design à Dakar, pour booster les micro-industries dans le pays, dans la sous-région et sur tout le continent.