Vous réagirez comme vous voudrez, sourire affligé, mépris, indifférence, sympathie ou enthousiasme, mais pour moi, l'actualité de ce week-end, c'est la place de leader du championnat de France de Ligue 1 occupée par l'A.S. Saint-Etienne. La première fois depuis vingt-huit ans. La première fois depuis que je me mis, il y a seize ans, à supporter ce club de perdants magnifiques mais séniles, se drapant dans leur gloire évaporée pour mieux cacher une déchéance qui faillit plus d'une fois mener à la relégation en National, voire au dépôt de bilan.
Caisse noir, faux passeports, luttes intestines, erreurs de casting : on ne compte plus les errements de gestion de l'ASSE, qui ont rythmés les désillusions sportives depuis plus d'un quart de siècle. Ce n'est pas là-dessus que je veux intervenir ; ce qui est rendu public n'étant je pense que l'écume des (ex)actions menées par les dirigeants successifs.
Ce qu'un supporter voit, ce sont des matches ; et force est de constater que cette année, on peut regarder une prestation des Verts sans s'endormir, se lamenter ou se moquer. Malgré la nette défaite inaugurale à Paris, les joueurs font preuve d'un état d'esprit irréprochable, et la chance est pour l'instant de notre côté. Les joueurs supposés remplaçants sont au niveau (révélant une profondeur de banc inespérée), et la solide victoire à Toulouse a démontré qu'il n'y a pas de dépendance aux performances de Payet, transparent ce soir-là.
Mais ce qui m'a marqué depuis le début de saison, c'est l'apparition d'un vrai projet de jeu, de choix tactiques réfléchis et ambitieux qui se renforcent au fil des bons résultats. Ainsi, depuis le début de saison*, Christophe Galtier aligne une formation en 4-3-3 évolutive qui ressemble à peu près à ça :
Bien sûr, le choix des joueurs évolue en fonction des blessures, des suspensions, et de la forme des uns et des autres. Ainsi, Bayal et Batlles viennent d'être titularisés deux fois consécutivement en lieu et place de Marchal et Landrin, et le jeune Guilavogui a beaucoup apporté en remplaçant les absences récurrentes au milieu.
Ce 4-3-3 est évolutif en ce sens qu'il peut se transformer très facilement en 4-1-4-1 en phase défensive : les deux ailiers (Payet et Sako) reviennent au niveau des deux milieux axiaux pour couvrir les montées des latéraux adverses, ce qui créé une double ligne de quatre à passer pour les adversaires. Matuidi, qui évolue sur toute la largeur du terrain, joue la sentinelle et bouche les intervalles, tandis que Rivière (en progrès constant) doit par son pressing gêner la relance adverse. Ces trois éléments (repli défensif des ailiers, qualité de la prestation de la « sentinelle du milieu » et de l'attaquant de pointe) sont les clés de la réussite des Verts pour le moment.
Très compact défensivement, ce système permet aussi d'être explosif devant : les ailiers montant d'un cran et repiquant régulièrement dans l'axe (Payet l'a fait à merveille contre Lens...), les arrières latéraux ont les coudées franches pour apporter offensivement. Théoriquement, en phase de construction offensive, la disposition de St Etienne peut ressembler à ça :
Je dis bien théoriquement : dans les faits, cela arrive très peu. En effet, depuis le début de saison, il y a un déséquilibre assez net. A part lorsque Matuidi a été aligné arrière gauche comme contre Sochaux, le côté droit a été beaucoup plus efficace : Payet a été plusieurs fois l'élément décisif, et l'apport offensif d'Ebondo est considérable. A l'inverse, Bocanegra a tendance à être discret quand il s'agit de se projeter vers l'avant, et Sako s'enferme trop souvent dans des dribbles infructueux. Néanmoins, lors de contres attaques, le côté gauche sert souvent de point de fixation, permettant à Ebondo et/ou Payet de prendre le bloc adverse à revers - le but de la victoire à Toulouse est un exemple du genre.
Il est aussi primordial de relever le rôle de Landrin et de Perrin. Ils ont un rôle indispensable de pistons multipliant les allers/retours d'une surface de réparation à l'autre, mais aussi de participation au jeu latéral. En effet, ils permettent de créer des possibilités de jeux en triangle, dont l'efficacité en football est toujours redoutable. Là encore, du fait du meilleur apport défensif d'Ebondo, c'est à droite que le triangle est le plus remarquable - Landrin, plutôt à gauche, peut alors en profiter pour apporter le surnombre dans l'axe, Matuidi assurant la couverture devant les trois défenseurs restant en place. D'ailleurs, il faut noter que la charnière centrale Marchal-Monsoreau est étonnamment solide depuis le début de saison, le premier accompagnant par sa qualité de relance et sa sérénité la résurrection du second.
Enfin, pour être plus complet, il faut remarquer que lors du début de la seconde période contre Toulouse, les Verts ont expérimenté le 4-2-3-1 à la mode, avec un Batlles plus avancé sur le terrain. Cela a correspondu au moment où le TFC a eu le plus d'emprise sur le match ; l'entrée de Landrin a la place de Batlles a signifié le retour au 4-3-3 et les Verts ont passé une fin de match relativement tranquille. A voir si ce système, guère convainquant au Stadium, sera travaillé pour apporter de la variété au jeu stéphanois.
Voilà pour mon analyse du miracle Vert de ce début de saison. Il ne me reste plus qu'à espérer que cette équipe confirme les espoirs qu'elle a su créer en quelques semaines.
*Pour les puristes, je précise que je n'ai pas encore vu le match de samedi contre Montpellier. Grâce à Internet, on peut désormais suivre un sport tout en gardant une vie privée digne de ce nom, autant ne pas se priver.