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Billet de blog 4 juillet 2024

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Bardella le "veau d'or" : L'apothéose de la stratégie de dédiabolisation du RN

Les différents partis politiques ayant participé d’une manière ou d’une autre au basculement de la France dans une nouvelle ère ; pour les uns (la droite) en ouvrant la voie de la dédiabolisation du RN, et pour les autres (la gauche) en décevant la classe ouvrière et populaire, le mandat du président Emmanuel Macron restera la goutte d’eau qui fera déborder le vase.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’objectif de ce billet n’est pas de faire une sociogenèse de l’évolution du FN/RN, mais plutôt d’analyser partiellement la manière dont on est passé de la représentation d’un parti politique infréquentable, à un parti politique « normal », appelé à gouverner la France dès le 7 juillet 2024.

Nous y sommes. La stratégie de dédiabolisation du « Front National » initiée par Marine Lepen à partir de 2011 a atteint son apothéose, et est en passe d’aboutir. Entre 230 et 280 députés. Telle est en tout cas la projection réalisée par Ipsos-Talan pour France Télévisions, Radio France, France 24, RFI et LCP, suite au premier tour des législatives le 30 juin 2024. Si l’on se fie à ce cette projection, il ne manquerait plus que 9 postes de député au RN et ses affiliés pour atteindre la majorité absolue, fixée à 289 députés.

Comment en est-on arrivé à ce résultat ?

Par une succession d’événements presque (im)prévisibles. La dernière en date a été l’affront fait au Général De Gaulle par les Républicains (d’Éric Ciotti) de s’allier au « Front-national », faisant du RN un parti normal, fréquentable, en passe de gouverner.

Même si une lutte du « pouvoir » est en cours chez les soi-disant républicains, il n’en demeure pas moins qu’Éric Ciotti reste le président des républicains, et donc de par son alliance, membre de ce que j’appelle le (nouveau) « Rassemblent du Front National ». Le Rassemblement du Front-National, peut être vu comme cette nouvelle entité qui réunit le RN et ses alliés, en l’occurrence les Républicains, et surement dans quelques temps, d’autres partis de droite comme Reconquête.

Aussi, notons que l’ex président par intérim des Républicains, le candidat malheureux aux élections européennes François Xavier Bellamy, face au prochain duel RN & Nouveau Front Populaire, n’a pas appelé à faire barrage contre le RN, ou à adopter la fameuse posture du Ni-Ni, comme Gérard Larcher l’appelle de ses vœux, mais votera plutôt et sans aucune hésitation le « Rassemblement du Front-National ». En somme, les Républicains avaient tenté de « déloger » Ciotti, et plaçait momentanément à la tête du parti, leur candidat malheureux aux européennes (François Xavier Bellamy), qui tient le même discours qu’Éric Ciotti. Outre François Xavier Bellamy,  François Fillon, David Lisnard, et d’autres appellent à voter RN. L’histoire retiendra les faits, les mots et les actes.

Cette posture des « anciens » Républicains, entrevoit en tout cas la phagocytose du parti par le RN, qui se voit élargi, et devient selon moi le Rassemblement du Front National (RFN).

Lorsqu’on regarde le message de campagne législative des Républicains, on se rend compte que ces derniers se sont appropriés des valeurs cardiaux du FN. Le RN n’insiste même plus sur ses thématiques cardinaux qui sont le cœur de son programme. Il laisse les Républicains le faire en sachant pertinemment qu’il en récoltera les lauriers, étant donné qu’on préfèrera toujours l’original à la copie. Ainsi, dans deux ans, quel que soit le scénario des prochaines législatives, le RFN sera la « nouvelle » force politique à(l‘extrême) droite.

Cette stratégie de dédiabolisation du RN a été rudement menée par Marine Lepen. Le summum de celle-ci a été de présenter la figure de Jordan Bardella, comme une figure « normale » à l’instar du « président normal » afin de masquer les valeurs intrinsèques du parti. Certains médias ont contribué grandement à dédiaboliser le RN en mettant à avant les faits divers dans lesquels le fonds de commerce du FN pouvait avoir une résonnance.

A cela, ajoutons également le délitement d’une classe politique, qui, à défaut de proposer des programmes de société, s’est enlisée dans le piège creusé par le FN, celui d’une droite qui, pour toucher les électeurs classés davantage à sa droite, a théorisé la notion de « la droite décomplexée[1]».
La notion de « droite décomplexée », a vu le jour dans le sillage des différentes déclarations à droite durant les élections présidentielles de 2012, qui opposaient Nicolas Sarkozy à François Hollande. Le 24 avril 2012, à la une du journal Libération, Nicolas Sarkozy affirmait : « Le Pen est compatible avec la république ».

Ici, je postule l’idée selon laquelle, la droite décomplexée a été un boulevard pour le FN car, pour la première fois, on assiste depuis Jean Marie Lepen à une forme de normalisation des propositions du FN, reprises par la droite « républicaine ». Cet échos bien évidemment, a été renforcé par certains médias qui, sous couvert de la décomplexion, ont déroulé le tapis à certaines personnalités d’extrême droite qui, en répétant[2] régulièrement les mêmes arguments, ont su insuffler de la peur, de la crainte, et le sentiment d’insécurité aux français.

Afin d’analyser le cœur de la stratégie de dédiabolisation du FN/RN, j’utilise une référence biblique : celle du « veau d’or ». L’objectif étant de souligner les analogies que l’on peut retrouver entre cette référence biblique et la stratégie de dédiabolisation menée par Marine Lepen depuis 2011.

De quoi parle-t-on ?

Dans l’ancien testament, le « veau d’or » reste un symbole d’idolâtrie que l’on retrouve dans Exode, chapitre 32 à 34. Quel est le contexte ?  

Les Hébreux fuyaient l’Égypte sous la conduite de Moise pour échapper à l’esclavage. Lorsqu’ils arrivent au mont Sinaï, Moïse s’en va s’enquérir des Dix Commandements de Dieu. Devant cette attente trop longue, Aaron, le frère de Moise, recueille les bijoux des Hébreux, les fait fondre et en fait un « veau d’or », leur nouveau Dieu. Les Hébreux commencent alors à adorer le « veau d’or », ce qui ne manqua pas de déclencher la colère de Dieu.

Ce qui m’intéresse dans cette référence biblique reste bien évidemment la fabrication du « veau d’or » dont l’objectif est de détourner l’attention des Hébreux en leur donnant un nouveau Dieu, un Dieu censé les rassurer et leur montrer la direction à suivre au lendemain de cette fuite d’Egypte.

Mon postulat est que La famille Lepen, sous couvert de Marine Lepen a mis en avant Jordan Bardella, dans leur stratégie de dédiabolisation afin de symboliser le renouveau du parti. Un parti qui serait fréquentable, et lavé de toutes ses valeurs controversées. En réalité, c’est là qu’intervient la supercherie. Jordan Bardella est un chapeau de paille dont la mission est de redorer l’image du parti auprès de la nouvelle génération, pas que. Il s’agit d’une figure attrayante et non menaçante. Jeune et moderne, le rôle de Bardella est donc de masquer les racines et les prises de position historiques du FN. De la même manière que les Israélites ont idolâtré le « veau d’or » pour échapper à leurs peurs et leurs incertitudes, la mise en avant de Jordan Bardella peut être vue comme une tentative d’idolâtrer une nouvelle image plus acceptable et rassurante du RN.

En se focalisant sur la figure de Jordan Bardella, Le RN espère détourner l’attention du public des véritables enjeux et des racines du parti, tout en rendant leurs programmes plus acceptables aux yeux des électeurs.

Soulignons que Marine Lepen, avec Florian Philippot (ancien vice-président du RN), avait déjà expérimenté cette stratégie. Cette première tentative a été un échec sur fond de désaccords entre la présidente du RN, Marine Lepen, et le vice-président, Florian Philippot. La leçon tirée par Marine Lepen de cette expérience infructueuse avec Florian Philippot, a été de donner carte blanche à Jordan Bardella pour la gestion du parti. Pour ce faire, il fallait totalement s’effacer (même de la direction du parti), et laisser Jordan Bardella prendre toute la lumière possible, ce que le sieur ne manqua pas de faire.

En comparant la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen à l’adoration du « veau d’or », j’essaie de mettre en lumière la manière dont une façade attrayante (Jordan Bardella) peut être utilisée pour masquer des réalités plus profondes et potentiellement dangereuses, tout en cherchant à gagner l’adhésion du public par des apparences trompeuses. On mesure le succès de cette dédiabolisation lorsqu’on apprend que, certains juifs seraient prêts à voter le RFN pour faire barrage au nouveau Front Populaire (en cours de diabolisation). Là encore, les médias ont leur part de responsabilité dans ce glissement des genres.

La place des nouveaux médias dans cette stratégie de dédiabolisation : Tik-Tok et Cnews, les nouveaux médias décomplexés

Le réseau Tik-Tok est surement celui qui a le plus permis à Jordan Bardella de capter l’attention de la nouvelle génération. Le président du RFN compte environ 1,5 million d’abonnés. Pour rameuter le plus de jeunes sur ses trends, Jordan Bardella se serait entouré d’une équipe composée d’une dizaine de personnes pour sa communication. Autant dire que pour parfaire le rôle du « dédiaboliseur », le RN a su mettre des moyens simples et efficaces. L’équipe de Jordan Bardella n’hésite pas à alimenter ses trends de posts simples et directs, afin de permettre aux abonnés de créer un lien et de se reconnaitre dans ses faits, gestes et actes.

Certains médias « d’informations » comme BFMTV ; CNEWS (et ses affiliés notamment C8 de Cyril Hanouna) ont une place de choix dans la stratégie de dédiabolisation de RN. Lorsque ces médias font fi du pluralisme politique et donnent continuellement la parole à des personnalités (controversés) faisant partie de l’extrême droite des dominants[3], dont le seul objectif est d’adoucir l'image du RN en présentant des faits divers (pour la plupart liés à la sécurité) comme ayant une cause unique : La présence des immigrés et des étrangers en France, qu’on ne s’étonne pas que le sentiment d’insécurité des Français soit mis à mal, et que le seul moyen pour l’individu dénué d’esprit critique est de se réfugier dans l’adoration du « veau d’or ».

Nous sommes passés de l’ère des « putaclic » usités par les pages web, aux bandeaux racoleurs des médias toujours avec les mêmes objectifs : analyser le superficiel et délaisser le fond. Avec l’expansion des réseaux sociaux, certains médias traditionnels, de peur de perdre du terrain, mais également des parts de marché publicitaire, ont vendu leur âme en dégradant le niveau journalistique pour se rapprocher de la fosse des réseaux sociaux qu’ils décrient tant.

Quid du programme du Rassemblement du Front National ?

Sur la fond, rien n’a changé, du moins pas grand-chose. Il fallait bien évidemment lifter le programme du FN par des reculs sur certains points ( notamment la sortie de l’euro, de l’Europe), sans pour autant faire du « shrinkflation ».

En ce qui concerne leur programme des législatives, la seule action soulignée en ce qui concerne le pouvoir d’achat des français est la baisse de la TVA sur le carburant, l’électricité et le gaz (passage de 20% à 5,5%). Il se trouve que cette seule action qui a pour but de redonner du pouvoir d’achat aux Français, augmentera plutôt le compte en banque des industriels et de leurs actionnaires. Les actionnaires verront dans cette nouvelle manne, l’occasion d’augmenter à nouveau leur marge. Cependant, si le RFN va jusqu’à baisser la TVA au lieu de bloquer les prix, la mesure mise en place coutera entre 9 et 13 milliards d’euros que les Français paieront d’une manière ou d’une autre.

Sur l’éducation, rien de nouveau sous le soleil, que des actions symboliques (interdiction des écrans, en oubliant que les écrans aujourd’hui sont des outils éducatifs ; le vouvoiement obligatoire des enseignants) qui ne règleront en rien le problème de l’éducation nationale (manque de vocation ; salaire trop bas pour les enseignants ; bien-être des enseignants ; manque de moyens ; disparités entre les établissements des zones favorisés et défavorisés etc.).

En ce qui concerne la réforme des retraites, le RFN a tellement reculé sur son programme que le message essentiel est encore à chercher. De toute manière, ils ne reviendront pas sur cette réforme des retraites et continueront donc à l’appliquer.

Quant à la sécurité, outre le rétablissement des peines planchers et la suppressions des allocations familiales pour les parents de mineurs récidivistes, le programme sera celui des anciens Républicains. Le RFN est prêt à revenir sur l’excuse de minorité applicable aux mineurs. Remettre en question l’excuse de minorité est le signe d’une société décadente. Ce retour en arrière marquera durement notre système judiciaire, en ce sens que, beaucoup de peines de prison risquent d’être prononcées en direction de ces jeunes, et ces peines auront pour conséquence l’accroissement des difficultés liées à leur réinsertion sociale. Le RFN se saisira de ces indicateurs pour réduire, voire diminuer les financements liés aux politiques jeunesse (lutte contre les inégalités, la prévention, l’accès à la culture, à la santé et au bien-être).

Aussi, arrêtons-nous un instant sur leur projet de suppressions des aides sociales aux étrangers ainsi qu’à la question de l’allégeance nationale recherchée chez les binationaux.

En ce qui concerne la suppression des aides sociales pour les étrangers, seuls les capitalistes, les rentiers et les désabusés se réjouiront de ce projet.

Pour les premiers, les capitalistes et les rentiers, l’exclusion d’une frange de la population (les immigrés) de l’obtention des aides sociales créera davantage de pauvres et de précaires, ce qui mettra à mal le modèle de sécurité social Français, ce qui reste l’objectif du RFN. Ce retour en arrière, à la période d’après-guerre (les trente glorieuses pour les capitalistes) permettra aux premiers d’accumuler davantage de patrimoines, ce qui ne fera qu’accroître les inégalités.

« Exclure les aides sociales des immigrés fera certes des économies mais n’aura que pour seul objectif leur appauvrissement. Ces derniers accepteraient ainsi davantage un travail qu’ils n’auraient jamais accepté sans les compensations des aides sociales ». Le projet du RFN est donc de « rajouter à la violence sociale du néolibéralisme, la violence xénophobe ». C’est en ces termes que Thomas Novembre (TN)[4], un de mes meilleurs amis, bien plus doué que Jordan Bardella, analyse une partie du « programme économique » du RFN.

L’objectif du RFN est donc de « transformer les étrangers/immigrés en esclaves du capitalisme » grâce à la baisse du coût de travail qui sera une des conséquences de leur exclusion de l’accès aux aides sociales. Qui dit baisse du coût du travail, dit également baisse des impôts pour les employeurs (les prélèvement obligatoires), et qui dit baisse des impôts, dit par ricochet, la réduction des offres de service public (la sécurité sociale, l’éducation, l’hôpital, l’audiovisuel, la sécurité etc.). C’est justement la raison pour laquelle les capitalistes soutiennent et soutiendront toujours le RFN dans une lutte qui l’opposera au Front Populaire (dont l’objectif est de procéder à une meilleure répartition de la richesse nationale, donc de prendre une partie des ressources au capital pour le reverser au peuple).

Pour les seconds, donc les désabusés, voir les étrangers/les immigrés comme étant la dernière marche qui les sépare du fossé, flattera certainement leurs passions pénultièmes. Frédéric Lordon économiste et philosophe (voir blog diplo) explique que « pour acheter la paix de la majorité blanche qui souffre tant des effets du libéralisme, on lui propose non pas d’améliorer son sort dans l’absolu mais de dégrader celui des immigrés pour lui montrer que le sien n’est pas si catastrophique que cela » (TN), et c’est cette idée que Frédéric Lordon qualifie de passions pénultièmes. Il est certain qu’entretenir cette passion de cette majorité blanche, éloignera davantage le pays d’une transformation profonde.

En ce qui concerne l’allégeance à la France, recherchée chez les binationaux, soulignons qu’elle est déjà de fait. Lorsqu’un étranger fait une demande de naturalisation, c’est dans l’objectif de finaliser son intégration par l’accès aux droits civiques. Interdire des emplois dentifiés comme sensibles aux binationaux, c’est justement méconnaitre le rôle et les compétences que les binationaux peuvent mettre à disposition de la France. Ici, je postule l’idée selon laquelle, le RFN souhaiterait interdire aux binationaux, des métiers jugés sensibles, dans le but d’opérer un transfert de la condition sociale de ces intellectuels d’origine étrangère, à une condition moins valorisante, et donc à dégrader leur niveau dans la classe sociale.

Que ce soit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme[5], ou l’attractivité et le rayonnement de la France, les binationaux et les immigrés ont toujours joué un rôle de premier plan qui a toujours permis à la France de se distinguer dans le monde.

Le RFN, essentialise donc les binationaux et des immigrés, car cela accentuerait davantage une marginalisation déjà présente ainsi qu’une discrimination institutionnelle qui a toujours fait partie du programme du FN. Pour répondre à son ADN nationaliste, le RFN essayera par tous les moyens de mettre en place des instruments qui ne feront que dégrader l’image de la France dans une Europe vacillante, et dans un monde en pleine mutation.

L’étranger : la valeur d’ajustement des programmes électoraux en France ?

La perception des étrangers/immigrés en France a beaucoup évolué dès le lendemain de la seconde guerre mondiale.

Durant la période des trente glorieuses, l’immigré avait droit de citer car il était vu comme une ressource économique indispensable à la croissance du pays. Dans les années 80 au lendemain du choc pétrolier, les étrangers ont commencé à être perçus comme des concurrents par des autochtones, et l’affaire de Creil (1989) n’a pas facilité le débat sur l’immigration qui, pour certains, était non seulement une charge pour le système social, mais également un danger pour la sécurité du pays.

En 2002, avec l’arrivée de Jean-Marie Lepen au second tour, un tournant a été marqué dans la perception de l'immigré/étranger. Aujourd’hui, les immigrés/étrangers ne sont plus la valeur d’ajustement des programmes électoraux, ils en sont (malheureusement) le cœur. Ce tournant opéré dans la perception de l’immigré/étranger, s’est accompagné de toute une série de déviances que sont la discrimination, le racisme et l’antisémitisme.

Si l’on considère la dernière vague du baromètre de la CNCDH, réalisée par IpsosFrance, qui cherche à révéler le pourcentage de sympathisants de chaque parti politique qui se dit raciste, contre ceux qui ne se le disent pas, on observe une polarisation des « opinions[6] » sur cette question.

Source : Compte X de Mathieu Gallard

Les partis de gauche (FI, EELV, PS) ont une majorité significative de partisans qui s'opposent à l'idée, tandis que les partis de droite (LR/UDI), et surtout le RN, ont une proportion plus élevée de partisans qui soutiennent l'idée. Le RN se distingue par une majorité de soutien, ce qui contraste fortement avec les autres partis représentés.  Soulignons quand même que cette enquête, réalisée en présentiel, démontre du climat nauséabond qui prévaut actuellement en France où, des individus totalement décomplexés, n’hésitent pas à affirmer, face à un enquêteur, se mettre hors la loi[7].

Aujourd’hui, avec le RFN aux portes du pouvoir, on assiste(re) à une totale désinhibition, des passions (les plus) réprimés des nationalistes. Cette désinhibition, si je reprends les propos du président de la république, risque de « conduire le pays au chaos ».

Que l’ouvrier français et la classe populaire ne s’y trompent guère, si le RFN accède au pouvoir, non seulement les digues du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie cèderont, mais encore leurs enfants n’iront pas davantage dans des écoles plus sûres, ils ne se soigneront pas mieux dans des hôpitaux, ils vivront toujours dans des déserts médicaux, ils seront exposés à des épidémies (car les étrangers ne se soigneront plus), et leur pouvoir d’achat n’augmentera pas.

Le mantra des capitalistes étant plus d’argent, plus de bénéfices et moins de partage, ils seront les premiers à voter pour le RFN. Le 20 juin, lors de la présentation du programme économique des partis devant le MEDEF, le programme du camp présidentiel a rencontré plus de succès que celui des autres partis. Le mot d’ordre est resté « la liberté économique », et le RFN entend s’inscrire dans la suite du programme économique du camp présidentiel, et bien encore plus. Le RFN c’est l’ultralibéralisme (que nous commençons déjà à avoir) plus un soupçon de xénophobie décomplexée (que nous aurons davantage). Seul le capitalisme sortira grand gagnant d’une victoire du RFN.

Nous sommes donc face à un choix décisif pour l’avenir de notre société, de ce que la France veut léguer à ses héritiers comme valeurs et comme projet de vie.

Olatoyé, sociologue

[1] Jean François Copé, Manifeste pour une droite décomplexée, Fayard, Octobre 2012.

[2] Malheureusement dans ce cas également, la pédagogie reste encore la répétition.

[3] Dans la lignée de la sociologie de Bourdieu (1986), l’extrême droite des dominants regroupe des personnalités qui sont détentrices des différents capitaux (financier, culturel, symbolique et social). Ce sont donc pour la plupart des individus qui ont pensé, théorisé leur opinion. On retrouve dans cette classe, d’extrême droite nationaliste, des personnalités comme : Charles Maurras, Barrès, Bainville, Zemmour, Enthoven etc).

L’extrême droite des dominés, quant à elle, est l’apanage des ouvriers, de la classe populaire, déçus de la gouvernance de la gauche. Seule cette extrême droite (des dominés), victime de la trahison de la gauche, peut être ramenée dans le giron de la république à condition que les politiques prennent en considération leurs souffrances.

[4] En l’occurrence, c’est Thomas Novembre qui opère cette distinction entre l’extrême droite des dominants et celle des dominés.

[5] Voir Huffington post :  https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/legislatives-2024-olivier-mas-ancien-espion-demonte-la-proposition-du-rn-sur-les-binationaux_236005.html

[6] Le racisme n’est pas une opinion. Ce terme a été utilisé uniquement dans l’objectif de présenter ce baromètre.

[7] Le racisme reste un délit puni par la loi.

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