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Billet de blog 5 décembre 2012

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Derrière la tragi-comédie de l’UMP, une stratégie politique en restructuration et l’urgence d’un renouveau démocratique.

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Derrière la tragi-comédie de l’UMP, une stratégie politique en restructuration et l’urgence d’un renouveau démocratique.

A ce jour les apparents « déboires » de l’UMP , de ses élections, de son organisation institutionnelle et de son fonctionnement traditionnel sont essentiellement traités comme un spectacle comique, ou une curiosité, une aberration. Parfois cette séquence est considérée comme constituant un danger pour la démocratie.

Il est ainsi surprenant que même les adversaires de ce parti semblent regretter « pour la démocratie » le fonctionnement « catastrophique » voire « apocalyptique » par lequel il occupe l’espace médiatique en continu depuis presque un mois.

Les mots « élections », « Président », « référendum » sont utilisés de manière réitérative, au point que les lecteurs et auditeurs des médias pourraient parfois oublier qu’il s’agit d’une péripétie institutionnelle propre à un parti, fut-il le plus puissant de France, et nullement d’une échéance politique officielle.

Les autres acteurs de l’espace public tantôt se plaignent de cet accaparement des projecteurs, tantôt se réjouissent de bénéficier d’une relative moindre exposition leur permettant à leurs yeux de « travailler », ou à ceu de leurs détracteurs de « faire leurs mauvais coups en douce ».

Il est certain que ce parti, l’UMP, tel qu’il était jusqu’ici, et sa hiérarchie sont profondément déstabilisés par leur actuelle prestation dans le spectacle politique. Les origines historiques et les conséquences possibles de cette période de mutation brutale sont d’une grande importance pour l’espace politique national et international. Après ce qu’un Rabelais appellerait « la guerre du petit pain au chocolat contre les îles flottantes » si la 5° république survit elle aura changé de nature. On peut espérer que l’effondrement de l’UMP soit annonciateur de la 6° république. Mais il pourrait aussi porter sur les fonts baptismaux un grand parti néofasciste, puiné d’Aube Doré , de la Ligue du Nord  et du Vlaams Blok…

La séquence a probablement commencé quand la décadence du Sarkozisme a montré ses premiers signes, dans les dernières semaines buissonière de la campagne présidentielle ou peut-être lors déjà de l’effarante intervention militaire en Lybie, « la première guerre conduite depuis le Café de Flore, Boulevard Saint-Germain », et dont  on se demande  s’il s’agit d’un faux-film (Un middle-eastern de BHL) pour lequel une vraie guerre a fourni le décor, dont on soupçonne qu’elle a pu être motivée par le souci de noyer l’événement de l’assassinat ciblé d’un allié encombrant susceptible de « balancer beaucoup » dans une kyrielle de massacres et de crimes contre l’humanité le ravalant au rang de détail de l’histoire, voire de dommage collatéral.

Il y a en tout cas plus à analyser que quelques falsifications dans un processus opaque interne à un « machin » politique tordu. On s’arrête pour l’instant à des scènes de ménage, des bouderies, des huis-clos fuitards, des piétinements  de godillots. Comme à l’époque de Feydeau et d’Offenbach le ridicule n’est qu’un aspect du réel, lequel le déborde et n’arrête pas d’y pointer son nez.

Il semble en effet que ,derrière la comédie de Boulevard, ce qui se joue est la remise en ordre du dispositif politique de la droite dans une situation politique nouvelle.

Jusqu’à l’avénement de Sarkozy, liquidateur du gaullisme, la 5° république avait pour fonctionnement naturel d’asseoir une autocratie autoritaire sur un parti de masse conservateur, associant populisme et contre-réforme. Cette autocratie s’appuyait d’autre part sur des baronnies et une haute technocratie d’état, notamment incarnée dans quelques grandes lignées familiales. Elle ne pouvait fonctionner que polarisée par un chef charismatique, aveuglant de légitimité, au verbe et au geste mobilisateurs, au machiavélisme et au culot toujours déjà pardonnés parce que tellement efficaces.

Dans ce dispositif, le Parti socialiste, parti de « l’alternance » est pourtant parvenu à deux reprises, et sur d’assez longues périodes à jouer le rôle de parti au pouvoir, - en pleine responsabilité sous un Mitterand auquel les plumes du paon allaient fort bien, où sous l’autorité d’un Président de droite sous Jospin  - sans réussir pourtant à devenir le parti dominant. Le PS s’est toujours contenté de dominer uniquement ses partenaires et alliés, sans s’apercevoir qu’en les réduisant ainsi à l’impuissance et parfois au ridicule et à la dépression – comme celle qui a fait s’autodétruire le PCF de 1984 à 2009 - il ruinait les conditions de l’assise suffisante de sa majorité.

Il a ainsi toujours préféré perdre le pouvoir à le partager et s’est accommodé de la 5° république au risque de devenir un « parti comme l’autre » : un chef, des barons, des mécènes, une piétaille et une clientèle, des casseroles, chaussettes et rembourrages.

Un jeu s’est instauré, mimétique de la pseudo-démocratie américaine Ainsi se sont imposées l’idéologie et la pratique de l’alternance sans alternative, prenant l’espace politique français dans la tenaille de deux « meilleurs ennemis » :

-       un grand parti de masse de droite, à la légitimité traditionnelle, soutenu par les institutions de la société bourgeoise : syndicats patronaux, système éducatif confessionnel, système médiatique capitaliste, système du spectacle sportif, industries du jeu, entreprises hégémoniques de réseaux, d’équipement et d’aménagement du territoire, maffias financiaires, riches donateurs étrangers, plus ou moins occultes dont l’histoire tranchera s’ils étaient des suzerains ou des vassaux etc…

-       et un autre parti, aussi grand par ses élus, moins solide dans son assise sociale et institutionnelle en dépit d’une pratique clientéliste lui assurant l’hégémonie dans de nombreux territoires, porté par une imagerie moderniste et européenne, sur lequel une élite ploutocratique, concurrente du « premier cercle » rival, sure de gagner à peu près une fois sur deux, mise avec l’élégance ostentatoire du mécène avisé.

Une convention tacite du système médiatique capitaliste voyait dans cette opposition la scène principale du théâtre politique et donnait au grand parti autoritaire et traditionaliste le nom de « Droite » et au grand parti participatif et moderniste le nom de « Gauche ».

Pour les faire croire « propres », les combler dans l’espoir de tarir leur avidité, on leur a alloué d’importants financements potentialisant en numéraire leurs victoires, sans gloire parce que sans péril, à des scrutins de tous niveaux réglementés à leur convenance.

Les autres forces politiques n’étaient commentées qu’à titre de sattellite (centre droit, centre gauche, centre en mal d’arrimage) ou de hors-jeu : « extrêmes » présentés tantôt comme symétriquement opposés, tantôt comme paradoxalement semblables (réunis abusivement par exemple sous le vocable « nationaliste »).

Cette représentation faussée au niveau du Parlement et du gouvernement de la réalité socio-politique du pays a profondément miné la démocratie, dans un processus de déligitimation des institutions politiques se traduisant notamment par une abstention souvent majoritaire aux élections ne servant plus qu’à recruter le personnel politique d’encadrement intermédiaire : élus régionaux, départementaux, européens perçus comme un vivier d’où pouvaient émerger les quelques prédateurs vraiment à prendre en considération.

Ce système ne pouvait fonctionner que si les chefs charismatiques incarnaient de manière suffisamment crédible la volonté politique et l’efficacité. Il est devenu dérisoire à partir du moment ou le chef a renoncé à tout ce qui donnait un contenu politique et une substance symbolique à sa fonction.

Le chef a réintégré l’OTAN, s’est mis sous commandement américain pour des aventures militaires civilisatrices où la France est devenue supplétive.

Le chef a fait don de la France à sa personne et a affiché son souci de s’enrichir, de pavoiser, de vivre dans un luxe à l’aune des milliardaires.

Le chef a fait la quête pour remplir sa cagnotte et courtisé publiquement le cercle de ses donateurs.

Le chef a fait allégeance au marché et à la Bourse, invitant la corbeille à faire la politique de la France,  et a remis les rênes de l’économie du royaume aux puissances et aux institutions du capitalisme cosmopolite.

Le chef a dit publiquement son mépris du peuple, son dégoût de la littérature française et n’a même pas pris soin que son expression publique respecte la langue française.

Le chef a conduit une politique étrangère au seul souci de sa forfanterie.

Le chef, ce fut là sa seule habileté, choisit pour conduire le gouvernement un commis sans envergure et pour conduire le parti un aventurier sans plus de consistance que de scrupules. Sur donc de les avoir à sa main et qu’ils ne lui fassent pas d’ombre. Insoucieux de ce qu’ils feraient quand ils ne les tiendrait plus en laisse.

Mais tout cela faisait quand même beaucoup, et faisait tomber si bas la présidence que le Président perdit sa charge.

Il laissait pour héritage non plus la croix de Lorraine mais un vulgaire mat de cocagne : les plus gourmands des héritiers se lancèrent dans la compétition, rêvant de manger à leur tour au Fouquet’s et de faire croisière chez Monsieur Bolloré.

On organisa pourtant la fête. Les choses suivirent leur cours. Ni les stratèges de la droite, ni les piétons du parti ne cherchèrent à prévenir la catastrophe en cours.

C’est que tout le monde savait qu’on était entré dans une nouvelle ère. Que le parti de masse de droite n’existait plus vraiment, car il était divisé en deux factions aux gouts et idéologies incompatibles.

D’un côté une faction avait libéré en soi les instincts naguère vécus comme « coupables », s’était « décomplexée » et avait décidé d’avouer, d’accomplir la fusion avec le front lepéniste, déjà très concrète sur de nombreux territoires, et assumée dans la stratégie électorale inaboutie du chef déchu.

De l’autre côté la faction plus conservatrice, soucieuse de préserver de l’aventure extrêmiste et un rien voyou le capital de l’entreprise familiale (au sens ou la maffia, comme dit Fillon, est une famille, comme disent tous ceux qui proclament qu’ils y partagent du linge sale), choisit la respectabilité, garante à terme de la légitimité, du soutien de la droite établie et pérenne.

Ce nouveau dispositif de la Droite est en cours de construction.

Il contient la perspective d’une extrême droite « décomplexée » appuyée sur un parti populaire presque sans élus (le FN) et un parti d’élus presque populaire (l’UMcoPé). Ensemble ils peuvent réunir un tiers des électeurs.

La Droite traditionnelle (pour l’instant Rump) ne sera pas à elle seule un adversaire suffisant du PS pour justifier que le système politique reste verrouillé par « l’alternance ». Son alliance prévisible avec l’UDI ne suffira pas à recréer l’équilibre politique à la base du système autocratique de la 5° république.

Dans ce contexte, il est plus urgent que jamais que l’exigence d’une 6° république soit portée haut et fort par un Front de Gauche. Il faut en finir avec le régime présidentiel. Il faut en finir avec des institutions politiques que s’approprient successivement des écuries professionnelles sans projet mais avec appêtit.

 Il est donc urgent de revendiquer une réforme institutionnelle complètement différente et d’une bien plus grande envergure que celle concoctée sans âme par la commission Jospin. La commission de celui qui, en inversant le calendrier, a créé les conditions de l’agonie, la catastrophe du régime à laquelle nous assistons. Celui qu’on ne peut citer sans ironie :

« Au contraire, si l'élection présidentielle a lieu la première, elle peut se préparer et se dérouler dans la clarté, selon les règles habituelles, et porter sur les grandes orientations proposées au pays par les différents candidats » (Lonel Jospin, 19 décembre 2000).

Du côté qu’il est convenu d’appeler « gauche » la reddition de Holande face à Mittal et la révérence à la théologie Medef-Gallois de la « compétitivité » sont un autre symptôme de l’inadaptation de la 5° république au monde contemporain et de sa nocivité, comme aussi le soutien apporté par la France aux mauvais traitements infligés à la Grèce par la Troïka.

Il faut un grand changement institutionnel pour redonner à la politique son sens et à la France un avenir pas trop brun.

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